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Tunisie : Ennahdha entre les impératifs culturels et les contraintes idéologiques Partie I
Publié dans Tunisie Numérique le 25 - 03 - 2015

Depuis quelque temps, des voix s'élèvent ci et là au sujet de la « tunisianité » d'Ennahdha , ancrage que d'aucuns estiment confus et ouvert à toute sorte d'interprétations, d'un point de vue aussi bien politique qu'historique. Dans un langage direct et franc, certains observateurs lucides ont évoqué, droit au but, le niveau d'enracinement d'Ennahdha dans la culture tunisienne, estimant que la « tunisification » de ce parti n'est plus un choix mais un impératif s'il entend intégrer définitivement le paysage politique tunisien en tant que formation politique, profondément tunisienne, entièrement imprégnée de l'identité nationale. Une formation politique opérant au sein du système et non contre le système, se prévalant d'une idéologie pragmatique, réconciliée avec le creuset et l'environnement tunisiens et compatible avec l'idée de sécularisation et de démocratisation et non farouche disciple d'une doctrine articulée autour de l'objectif ultime d'islamisation de la société.
Le parti Ennahdha est conscient qu'un double courant, à multiples vitesses, tiraille, et menace même, son socle idéologique et sa posture politique. Même dans ses rangs, certains leaders appellent à couper le cordon ombilical avec certaines pesanteurs, à désempêtrer le parti de ses vieux travers, à l'affranchir de ses vieux démons en favorisant les conditions propices à lancer sa propre « révolution culturelle » et à opérer la mutation nécessaire pour pouvoir se repositionner sur l'échiquier politique tunisien comme un parti en harmonie avec le marquage culturel tunisien et délesté des repères religieux, idéologiques et politiques que ses adversaires dénoncent à juste titre et dont le poids lui plombe les ailes. La transmutation est nécessaire et non moins profitable pour le parti en lui-même comme pour le pays dans lequel il constitue une force politique incontournable.
Les leaders d'Ennahdha n'en sont pas moins avertis, ils savent bien la nature et la portée des dilemmes et autres paradoxes qui minent leurs fondements. Ces contradictions internes que la direction d'Ennahdha tarde sinon peine à déconstruire sont aussi et surtout au centre de la peur que suscite le parti dans l'opinion publique, du moins en partie ainsi que de l'image de parti à agenda parallèle et souterrain et imperméable à l'idée de démocratie. Comme Janus, les deux facettes, à certains égards inconciliables, constituent un handicap et entrave l'évolution d'Ennahdha vers la pleine et entière « tunisianité ».
Il est bien établi que s'asseoir en deux chaises n'est jamais confortable, outre le risque de chuter. A défaut d'articuler le parti sur une identité, bien visible et bien ancrée, son unité et son audience seront forcément en jeu. Toujours est-il que la direction d'Ennahdha n'a pas encore franchi le pas, reportant à plus tard toute discussion de fond à ce sujet. Une sorte de fuite en avant que les leaders préconisent au lieu de s'attaquer de front au problème. Crainte d'implosion? Manque de volonté? Handicap interne? A moins que ce soient les trois considérations à la fois, ce qui est le plus plausible.
Même si certains pensent qu'Ennahdha a commencé sa mue, eu égard à la dose de pragmatisme et de souplesse dont il a imprégné ses positions ces derniers temps, notamment dans le cadre de la négociation sur le texte de la Constitution, de la discussion au sein du Dialogue National et de la transition électorale, il n'en reste pas moins que ce présumé mouvement de réimplantation, de réappropriation et de tunisification reste une vue de l'esprit tant que le Congrès, en sa qualité d'organe suprême du parti, ne s'en est pas prononcé officiellement et n'a pas validé formellement la mutation de fond. Nul doute que la crise interne qu'a connu le parti, ces derniers temps, avec son lot de démissions, de mutineries et troubles, est, avant tout, le produit de ses paradoxes internes.
Tout compte fait, malgré les efforts de communication, de repositionnement et de valorisation de son image, Ennahdha reste coincé dans ses vieux engrenages. Les bonnes intentions et les professions de foi restent certes nécessaires mais largement insuffisantes pour lancer une véritable opération de remise en cause et d'autocritique, à même de transformer le parti. Les conflits internes n'ont pas permis à une masse critique de leaders de faire bloc derrière un projet de modernisation et de tunisification, de monter en puissance et de prendre le pouvoir pour faire tomber la vieille garde, dépasser le stade des intentions et des velléités et de doter le parti de son propre socle politique et idéologique, en absolue distinction de la confrérie égyptienne notamment. La sempiternelle guerre des ailes résume à elle seule la difficulté de joindre l'acte à la parole et la posture plutôt molle d'Ennahdha face à des questions de grands enjeux pour son avenir.
Les contradictions internes en questions pourraient être récapitulées en trois principaux axes :
1- Parti politique ou mouvement de prédication ?
Longtemps partagé entre ces deux dimensions, Ennahdha n'a pas su ou pu ou voulu réinterroger son patrimoine et procéder à la synthèse de son héritage, choisir une fois pour toutes son camp et livrer ainsi un message clair et net sur son identité et sur la nature de son courant. Jusqu'ici, c'est le flou artistique, parfois sciemment entretenu. La volonté d'opérer la transition semble faire défaut. Lors de son dernier Congrès, la question a été à peine effleurée sans que le débat n'ait débouché sur une réflexion ou un début de réponse. Tout le dossier a été reporté à une date ultérieure. Ce qui prouve, encore une fois, la difficulté d'Ennahdha, compte tenu de la rivalité interne, de trancher dans le vif pour régler la question pour de bon.
Ce clivage, qui est en soi un déni de transparence et d'ancrage, devrait être le clou du prochain Congrès d'Ennahdha. Ce serait, pour ce parti, l'occasion, plutôt une nouvelle occasion, peut-être l'ultime occasion de remettre en question son socle, de faire sa mue et de fonder sa propre identité. Il est temps qu'il s'attaque à ce flou pour définir la nature de son courant et pour montrer sa volonté de sortir de la dualité et de s'arrimer à un seul pilier, à choisir entre le politique et la prédication. Il revient au prochain Congrès de trancher : Parti politique ou ligue de prédication ?!
Sur un autre plan, le statut d'Ennahdha reste tout aussi ambigu sinon confus. Est-il un parti ou un mouvement ?! La dualité ne fait que brouiller encore plus et l'image et le message. Quelque part, Ennahdha reste cloué à la fourche, entre deux voies : Entre son héritage originel de mouvement (MTI soit Mouvement de la Tendance Islamique) et son déploiement en tant que parti politique. D'où la schizophrénie. Cette double casquette, agissant parfois comme un boulet, ne semble pas en irriter outre mesure la direction. D'autant plus que la confusion de styles permet, dans certains cas, de surnager, de survivre et d'avancer. Mais jusqu'à quand ?!
Comble de l'amalgame, et dans l'hypothèse de parti politique, Ennahdha est-il une formation civile ou religieuse ? Là aussi la ligne de démarcation n'est nullement visible. Là aussi le parti peine à marquer son territoire et à délimiter son périmètre. Par contre, la forte charge religieuse est bien tangible, notamment parmi sa base et son électorat. Il est parfois perceptible qu'Ennahdha en est l'otage, incapable de se libérer de l'une ou l'autre des deux blasons. Auquel cas, il est permis de se prévaloir des dispositions pertinentes de la Constitution pour remettre en causé même la légalité de sa présence dans le paysage politique national.
Un piège tortueux, un dilemme presque fatal et inextricable : S'il quitte son habit religieux, il risque de perdre une bonne parti de ses partisans. S'il quitte sa tunique politique, il viole franchement la Constitution et s'auto-élimine de la scène politique. Dans les deux cas, il y a une forme de Harakiri. Ce qui expliquerait peut-être pourquoi la direction d'Ennahdha continue de jouer sur les deux cordes, alternant les partitions selon la tournure des évènements et la nature de l'auditoire. Une ambigüité cultivée et maitrisée faute de pouvoir la détricoter. Le report indéfini de tout débat décisif et tranchant sur la question montre la manœuvre dilatoire.
2- Parti en prolongement ou en rupture avec l'idéologie des « frères musulmans » ?
Ennahdha n'a jamais donné l'impression d'avoir coupé avec sa première source de création et avec le référentiel de ses origines. Sa position par rapport à la destitution de Mohamed Morsi et son laxisme, voire même sa compromission, quand il était au pouvoir, avec le mouvement salafiste en sont les preuves les plus édifiantes. De par le contexte de sa création, à forte dose idéologique islamiste, et son manque d'enracinement au terroir national, Ennahdha est perçu comme l'héritier naturel et le représentant fidèle de la nébuleuse égyptienne.
Il n'est pas inutile de rappeler, dans cette occurrence, que jusqu'aux années 90, une délégation de ses leaders se déplaçait, chaque année au Caire, pour prêter serment et faire acte d'allégeance aux « frères musulmans ». Dans la perception d'une bonne partie de l'opinion publique tunisienne, Ennahdha n'a pas coupé les ponts avec la confrérie égyptienne. Il ne s'en est guère ou jamais démarqué. Quelque part, il n'a pas vraiment quitté le sillage des « frères musulmans ».
Dans leurs discours, jamais la direction d'Ennahdha n'a affirmé distinctement leur indépendance de la confrérie ou leur autonomie, ce qui a altéré son discours, son image et sa perception et, par là même, a creusé les distances avec bon nombre d'électeurs tunisiens. La présence, en rang élevé, de son guide spirituel, Rached Ghannouchi, dans la haute sphère de l'Union mondiale des oulémas musulmans, émanation et bras international des « frères musulmans », apporte de l'eau aux moulins de cette thèse.
Au niveau de la loyauté, Ennahdha ne brille pas également par sa transparence. L'opacité bat son plein. Alors allégeance au drapeau tunisien ou à la confrérie égyptienne ? Dans le discours, le tableau est vite et bien épuré, mais dans la pensée profonde, la vision des « frères musulmans » est rampante. L'intérêt strictement idéologique et partisan supplante la cause nationale. Le déphasage est criard. Il suffit d'opposer les déclarations des grandes figures d'Ennahdha pour saisir, à ce sujet, leur déchirement interne et leur inaptitude de parler d'une seule voix. A titre d'exemple, les multiples lapsus et méprises de Hamadi Jebali sur le concept de Califat, qui est au centre du projet de la confrérie, témoignent de la densité doctrinaire islamiste d'Ennahdha.
Dans le même ordre d'idée, il est important de rappeler que Rached Ghannouchi a dédié tout un livre à la gloire de Youssef Qardhaoui, ancien militant des « frères musulmans » et fer de lance de la ténébreuse doctrine wahhabite, outre son rôle de grand ravitailleur de fatwas djihadistes. Le livre en question est intitulé « Al-ouasatiyya 3inda Youssouf al-Qardhaoui » (La voie médiane chez Youssouf al-Qardhaoui). Encore plus, Dans son livre « Al-harakat al-Islamiyya wa masalat at-taghyir » (Le mouvement islamique et la question du changement), réédité en 2011, Ghannouchi ne tarit pas d'éloges sur Hassan al-Banna, père fondateur de la confrérie des « frères musulmans », et sur Essaid Qotb, théoricien de l'insurrection islamiste armée.
Il est donc clair que la filiation d'Ennahdha aux « frères musulmans » ne souffre d'aucune zone d'ombre tellement la collusion saute aux yeux. Certains leaders nahdhaouis s'en défendent certes mais ne poussent guère leur argumentaire jusqu'à signifier, dans les paroles comme dans les actes, d'une manière nette et précise, sans équivoque ni surenchère, que leur parti est en totale rupture de banc avec l'obscure confrérie égyptienne.


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