En supposant que la thèse avancée par les services du ministère de la défense nationale soit véridique, et que la dernière tuerie qui a eu pour théâtre la caserne militaire de Bouchoucha, soit réellement, un acte isolé d'un soldat « détraqué » ou, déstabilisé par une sombre histoire de divorce mal vécu, il y a, tout de même, un détail qui mériterait qu'on s'y attarde un tant soit peu. Le fait qu'un individu, tout membre de l'armée qu'il soit, puisse entrer dans une caserne, poignarder un autre soldat, le désarmer, prendre le temps de lui retirer son gilet pare-balles et de l'enfiler à son tour, puis avancer au beau milieux d'une caserne fortifiée et située en plein cœur de la zone la plus sécurisée de Tunis, et se mettre à tuer, un par un, les militaires qu'il rencontre... ne peut que laisser, pour le moins, perplexe ! On a beau nous expliquer que c'était un acte imprévisible, ce qui contredit, par ailleurs, les mesures prises à l'encontre du meurtrier, comme le retrait de l'arme et la mutation dans un point « non sensible », cette énième tuerie a mis le doigt sur de très graves insuffisances en matière de vigilance et de sécurisation des sites militaires, ce qui d'ailleurs, est flagrant quand on croise des patrouilles qui traversent les foules sans y prêter la moindre attention, et souvent, les armes sur les genoux, ou adossées sur le rebord du véhicule. Autre point à soulever, celui des militaires qui se laissent approcher et aborder par les passants, sans aucune précaution, ni aucune peur de se faire dérober leur arme. Cette nonchalance et ce laisser aller, certainement dû à la banalisation de la situation et à la routine qui érode les réflexes, est tout aussi valable pour les sécuritaires, positionnés partout dans les villes, et même dans les points de surveillance des sites dits sensibles. Alors que dire des sites qualifiés par nos états-majors de « non sensibles » ? N'a-t-on pas pensé aux conséquences d'une attaque d'un de ces sites. Sites où il n'y a guère d'hommes en armes, ce qui permettrait aux terroristes d'opérer avec un minimum de risque, mais qui restent, tout de même des sites sécuritaires. On penserait, par exemple, aux cités résidentielles des militaires et des agents des forces de sécurité, de même que les dispensaires et autres structures de soins du ministère de l'intérieur, qui se situent généralement, contrairement à celles des militaires, en dehors des sites sécuritaires, et où, il n'y a, pratiquement pas de garde ni de service de sécurité performant. Il paraitrait, d'ailleurs, que certains sécuritaires y ont déjà pensé, et qu'ils ont, désormais, la hantise d'envoyer femme et enfants s'y faire soigner. Cette crainte aurait été suscitée par la dernière tuerie de Bouchoucha, justement, car au départ, quand l'information a commencé à circuler, on ne savait pas de quelle caserne de Bouchoucha, il s'agissait, et nombreux ont été les sécuritaires qui ont tremblé pour les membres de leurs familles qui se trouvaient, à cet instant là, dans le dispensaire de Bouchoucha, juste à côté du théâtre des faits. Vu les circonstances, ne serait-il pas plus judicieux de sécuriser ces points « non sensibles », ou alors, de les fermer carrément, provisoirement, le temps que çà se tasse un peu, et pour empêcher qu'ils ne soient des sources de tentation pour les terroristes, de même que des sources supplémentaires de tracas pour les sécuritaires qui, on l'imagine bien, n'en ont nullement besoin en ce moment.