Le Cheikh Rached Ghannouchi, président du mouvement islamiste Ennahdha en Tunisie, et de surcroit, éminent leader des frères musulmans à l'internationale, s'est, par deux fois, ces derniers jours, illustré par ses élans de cœur, et par ses propositions qui donneraient à réfléchir. Car ce sont des élans qui, bien que cadrant avec les préceptes de l'Islam, dans le sens de la charité et de la repentance, ne sont pas moins étonnants et déplacés venant de la bouche de quelqu'un qui a, longtemps, prôné le contraire de ce qu'il dit, actuellement. Comment peut-on, et doit-on, percevoir l'appel de Rached Ghannouchi aux autorités tunisiennes, pour accueillir et bien traiter les réfugiés syriens qui fuient l'enfer de la guerre, dont il a été, avec ses frères, en grande partie, sinon responsable, du moins des plus grands « promoteurs » ? C'est d'ailleurs, bizarre, qu'en Tunisie, ceux qui ont été les plus fervents défenseurs de la guerre fratricide en Syrie, soient les premiers à scander et à crier qu'il faut que la Tunisie accueille ses victimes. C'est comme si ce n'était pas eux qui avaient encouragé le massacre qui est la cause directe de la fuite des milliers de syriens dans les abîmes des mers et entre les griffes de malfrats qui s'improvisent passeurs. C'est comme si ce n'était pas eux qui avaient encouragé, pour ne pas dire organisé, le départ de milliers de pauvres illuminés, transformés par les soins de leurs prédicateurs en machines de haine et de mort, pour détruire la Syrie et sévir contre les syriens. On serait, peut-être, tenté de penser que ces mêmes parties aient eu un sursaut d'honneur ou des remords, au vu de ce qu'ils avaient causé au peuple syrien, et qu'ils appellent, maintenant à aider ces pauvres victimes dans une tentative de rédemption. Mais il serait, d'un autre côté, légitime de penser, quitte à se faire taxer de paranoïa, qu'il pourrait y avoir anguille sous roche, et que ces appels pourraient cacher quelque coups tordus, dont ces parties ont le secret. Il serait légitime de douter, et d'y penser, ne serait-ce que pour au moins deux raisons. La première est que le Cheikh Rached, et avant de prôner l'accueil, en Tunisie, des réfugiés en provenance de Syrie, avait soulevé un tollé quasi général en appelant à rapatrier les jihadistes tunisiens, et à passer l'éponge pour ceux qui avaient commis les atrocités en Syrie, et ailleurs, sous prétexte que « la porte de la repentance doit rester ouverte ». Et cet appel, le Sheikh a bien compris qu'il n'a pas eu l'accueil qu'il espérait, auprès des tunisiens, ni ailleurs, d'ailleurs. La deuxième raison, c'est qu'il a été prouvé qu'il y avait des terroristes qui s'étaient immiscés dans la masse des réfugiés et dont quelques uns ont été épinglés aux frontières de l'Europe, en possession de faux passeports syriens. Donc, et si on recombine ces deux raisons, on serait en droit de redouter que cet appel du Sheikh, si jamais il est entendu par les autorités tunisiennes, ne fasse arriver dans nos murs, nos chers enfants prodigues qu'il n'a pas pu faire rapatrier par les voies « normales », comme il l'aurait souhaité lors de son premier appel. Et d'un autre côté, que peut bien cacher cet entêtement des leaders d'Ennahdha, à vouloir faire rapatrier leurs « messagers de la mort » ? A cela, il pourrait y avoir deux explications : La première c'est que ce satané obstacle de terre et d'eau, creusé sur les frontières avec l'enfer de la Libye, s'est avéré terrifiant d'efficacité, c'est ce qui ressort, d'ailleurs, des derniers coups de filet opérés par les forces de sécurité au niveau des passages frontaliers d'avec la Libye, quand de nombreux terroristes ont tenté de les franchir pour retourner au bercail, entendre par là, le maquis du Chaâmbi. Chose qui aurait poussé certains à vouloir aménager un « corridor » de retour aux jihadistes dans le pays. Et la deuxième explication, c'est que ceux qui cherchent, à tout prix, à vouloir le retour des jihadistes en Tunisie, doivent certainement, avoir leurs raisons pour le faire. C'est soit, que les jeux sont, désormais, faits en Syrie et en Libye qui vit dans l'attente d'une intervention militaire multinationale, soit alors, qu'on va avoir besoins de ces « guerriers » sur un autre front, en Tunisie, ou peut-être à côté de la Tunisie. Donc, prudence, prudence ! Il y a des gens avec les quels, on n'est jamais assez prudent.