Prenant de court l'opinion publique, en rupture avec l'image de circonspection et de sérénité que les tunisiens lui connaissent, Moez Ben Gharbia, dans une vidéo fracassante et non moins poignante enregistrée apparemment dans sa chambre d'hôtel, a bombardé nombre de révélations et autres indiscrétions, plutôt nuancées et évasives, sur les assassinats et tentatives d'assassinat d'ordre politique ou médiatique ainsi que sur la gangrène politico-mafieuse, l'instrumentalisation de l'appareil de justice et de sécurité et la dérive de prédation et de mystification de certaines parties de la classe politique, de la société civile et de la communauté médiatique. Tout autant de maux qui pourrissent le paysage sociopolitique tunisien et corrompent la marche de la Tunisie vers un avenir meilleur. La Tunisie est en cours de déconstruction en règle, de son avis. Moez Ben Gharbia a certes parlé mais il a éludé l'essentiel. En tout cas, le peu qu'il est sorti de sa bouche est déjà trop grave et interpelle au plus haut point. La majorité comme l'opposition, les deux têtes de l'Exécutif ont été passées à la trappe. Des accusations de complicité sinon de compromission ou de complaisance à peine voilées. Sa sincérité n'est pas remise en question mais le fait de rester à mi-chemin entre l'allusion et la vérité ne sert pas la cause. Il a entrebâillé la porte sans vraiment l'ouvrir. Il a dit tout savoir mais il n'a pas joint l'acte à la parole et révélé au grand jour ce qu'il détient. Il a longuement parlé mais il n'a rien dit concrètement. Est-ce par précaution ? Est-ce par crainte des représailles ? Est-ce par souci de ne pas troubler ou empiéter sur l'instruction en cours, si instruction il y a ? En tout état de cause, il est normal qu'il ait peur sur sa vie surtout s'il dispose, comme il l'a martelé, d'éléments compromettant des personnalités et des formations politiques.Dans la vidéo, l'anxiété, voire l'angoisse, est palpable dans la voix et sur les traits de Moez Ben Gharbia. S'il est dans cet état, ce n'est certainement pas une mise en scène ou une farce de mauvais goût. Il y a immanquablement une part de vérité. Il a menacé de vider tout le sac, avec des preuves à l'appui (des identités, des photos, des vidéos, des numéros de téléphones), dans une seconde sortie, dans un jour ou deux tout au plus. Les tunisiens sont restés sur leur faim. Pourquoi n'est-il pas allé jusqu'au bout de son idée ?Pourquoi n'a-t-il pas mis aux mains de la justice tunisiennes les documents et les pièces à conviction dont il se déclare en possession ?! Pourquoi maintenant ? Le timing n'est forcément pas fortuit, Moez Ben Gharbia a certainement ses raisons. Pour résumer les propos de Moez Ben Gharbia, un seul mot suffit, à savoir, un sombre complot est ourdi contre la Tunisie. Des parties tunisiennes et étrangères, dont il a tu le nom, en sont responsables. La gravité des accusations commande d'ouvrir, à brève échéance, une enquête, et d'entendre l'intéressé, quitte à dépêcher un magistrat en Suisse, sous réserve que la Confédération Helvétique accepte ce genre de démarche. En conclusion, le patron de la chaîne Attessia assène ses propos sans condamner, épingle sans accuser, ouvre une petite lucarne et non la fenêtre à tout volet. Expression d'un sentiment de persécution ou volonté de traitement de choc ?! L'avenir ne manquera pas de ressortir l'anguille sous roche et de démêler l'écheveau. En tout cas, il y a beaucoup de conviction et d'impertinence dans ses propos. Rien n'est tiré pas les cheveux. Le ton n'est pas emprunté mais bien crédible.Demain, il fera jour.