Comme chaque fois qu'un intérêt occidental est en jeu ou qu'un membre permanent est en quête de représailles, la boite à décisions, à savoir le Conseil de Sécurité, se déploie à fond, en service commandé, dans un temps record, pour plancher sur un projet de résolution puis pondre un texte, taillé sur mesure. L'organe onusien, fidèle au poste et égal à sa réputation d'antichambre des enjeux géopolitiques , vient, il y a quelques jours, de donner encore une fois, la énième fois, toute l'étendue de son talent en matière de sécurité internationale en adoptant à l'unanimité, sur initiative française, une résolution aux termes de laquelle les Etats membres sont appelés à « prendre toutes les mesures nécessaires pour combattre l'organisation Etat islamique (Daech) sur le territoire contrôlé en Syrie et en Irak« . Daech étant qualifié de « menace mondiale et sans précédent contre la paix et la sécurité internationales » Ladite résolution, adoptée le 20 Novembre sous le numéro 2249, qui n'accorde explicitement aucune autorisation légale pour une franche opération militaire contre Daech, n'en constitue pas moins un « soutien politique fort » à l'offensive internationale et un message tout aussi percutant de la Communauté Internationale, offrant une nouvelle impulsion et un cadre légal et politique à la campagne d'éradication de Daech des zones que ses djihadistes occupent en Irak et Syrie. Il s'agit tout simplement de consolider juridiquement, en étroite référence au droit international, ce qui se passe sur le terrain. En effet, le Conseil de Sécurité « condamne sans équivoque dans les termes les plus forts les épouvantables attentats terroristes commis..... le 26 Juin 2015 à Sousse, le 10 Octobre 2015 à Ankara, le 31 Octobre 2015 au-dessus du Sinaï, le 12 Novembre 2015 à Beyrouth et le 13 Novembre 2015 à Paris« , ainsi que tous les autres attaques perpétrées, y compris les prises d'otages et les assassinats ». Les exactions de Daech en Libye et en Afrique Centrale (A qui Boko Haram a fait acte d'allégeance) ont été passées sous silence. Au lendemain des attentats terroristes de Paris, le consensus entre les 15 membres (5 permanents et 10 non permanents) a été vite et bien dégagé. Un tel empressement à mettre en place un dispositif juridique international, parallèlement à l'arsenal militaire multilatéral sur le terrain, fait étrangement défaut quand il s'agit de la secte terroriste Boko Haram qui continue de sévir et de multiplier les exactions à l'Afrique Centrale. Le contraste est saisissant, comme si les criminels de Boko Haram sont des enfants de chœur par rapport aux terroristes de Daech, comme si le sang de l'africain noir n'est pas aussi important que celui de l'homme blanc. Un traitement discriminatoire, et par trop méprisant, alors que le mal (terrorisme) est le même, la cible (la vie) est la même et l'acte (meurtre) est le même. Habitué à user, et même d'abuser parfois, de langage ambiguë pour laisser la porte ouverte à toute sorte d'interprétation et de permettre à chacun de ses membres de trouver son compte dans la formulation équivoque retenue, le Conseil de Sécurité n'a certes pas invoqué explicitement le Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, dont l'énoncé prévoit le recours à la force, mais n'en a pas pour autant verrouillé la voie dans la mesure où il stipule que « toutes les mesures nécessaires » sont autorisées pour combattre Daech. Libellé ambivalent, sur fond de ce fameux concept diplomatique de « ambiguïté constructive« , n'est pas sans rappeler la résolution 1973, qui, rédigé dans le même type de langage approximatif, a donné lieu à une lecture extensive des dispositions pertinentes prévues et,par conséquent, a permis à l'OTAN d'avoir les mains libres pour intervenir militairement en Libye en 2011, outrepassant ainsi les termes du mandat confié par le Conseil de Sécurité aux Etats membres des Nations Unies. En acceptant de contourner le Chapitre VII, les membres permanents n'ont rien perdu au change dans ce sens que l'armée et l'infrastructure militaire et institutionnelle de Daech est, depuis quelques mois, sous les tirs croisés, les bombardements et le feu nourri de la coalition internationale, constituée de facto sans mandat onusien. Donc, le recours à la force est bel et bien pratiqué, nonobstant le Chapitre VII. En conclusion, ladite résolution n'est-elle pas, tout compte fait, un aveu de responsabilité et d'échec de la part des puissances occidentales en particulier par rapport à la pieuvre terroriste Daech. Responsabilité d'avoir fait le lit à la création de ce monstre, et échec, n'avoir pas su ou pu en maitriser le développement et la force. Aujourd'hui, elles s'allient pour lui déclarer la guerre et le détruire »par tous les moyens ». Encore une fois la preuve que la politique n'est qu'un jeu d'intérêt où les cartes sont, à tout moment, redistribuées et la donne modifiée au gré des enjeux et des perspectives de gain ou d'hégémonie.