La fuite du président tunisien Zine El Abidine Ben Ali est une première : pour la première fois, un président est déchu avec en toile de fond, si l'on peut dire, le rôle prééminent joué par l'internet, disséminant la révolte des Tunisiens au monde entier. Les wikileaks jouèrent un rôle : dans l'un des « câbles », Godec, Ambassadeur des Etats Unis en Tunisie, fournit une foultitude de détails révoltants pour décrire le luxe avec lequel il fut reçu à dîner dans la propriété du richissime Mohammad Sakher El-Materi, gendre du Président, et dans une autre note, décrivit la corruption qui régnait alors. Non seulement ces révélations stigmatisèrent la colère des Tunisiens, mais elles leur donnèrent également le sentiment que les Etats Unis pouvaient partager leurs inquiétudes. Peu après le début des émeutes, le gouvernement tunisien avait renforcé son contrôle d'internet, en bloquant purement et simplement des sites. Le comité de protection des journalistes lui envoya une lettre ouverte, dans laquelle il exprima son mécontentement pour cette censure. Le même comité fit ensuite savoir qu'au cours de recherches, il avait pu établir que l'agence gouvernementale de l'internet tunisienne (ATI) avait récupéré des mots de passe de membres tunisiens de la communauté de Facebook en rajoutant des lignes de code en javascript à la page d'accueil habituelle du site, et s'en était servi pour détruire des pages publiées, des commentaires, et même annuler des groupes Facebook. Des blogueurs locaux ont rapporté que leurs compte rendus et photos de manifestations avaient disparu, ou avaient été modifiées. Ensuite, le gouvernement tunisien procéda à plusieurs gardes à vue de blogueurs. Le 7 janvier, Reporters sans frontières témoigna de cas d'arrestations de blogueurs et activistes sur internet par des policiers en civil. Anonymous, agissant habituellement contre les détenteurs de droits commerciaux, s'en prit elle-même au gouvernement tunisien contre lequel elle déclencha son "Opération Tunisie". Un de ses activistes s'en est expliqué sur la chaîne Al-Jazeera : "A l'origine, nous nous sommes intéressés à la Tunisie à cause des Wikileaks, mais de plus en plus de Tunisiens ont rejoint le mouvement, et ils se préoccupaient davantage de la censure d'internet en général là-bas". Une cinquantaine de Tunisiens furent conseillés par le mouvement sur les méthodes à mettre en place pour pouvoir publier des informations sur des sites en évitant de se faire repérer par les services spéciaux du gouvernement. Des centaines de Tweets furent échangés dans la communauté arabe tout au long du processus. Lors de la fuite du Président, « Dima Khatib », d'Al-Jazeera, publia :"Respirez. Nous vivons l'histoire. Les Tunisiens viennent de nous donner le plus beau cadeau jamais fait. Je suis heureux de vivre ce jour".