La Tunisie connaît depuis un certain temps des problèmes dans le secteur céréalier, qui souffre d'une crise structurelle, selon une note publiée hier, dimanche 21 mai 2023, par l'organisation non gouvernementale « ALERT ». L'ONG explique la récente exacerbation de cette crise par les difficultés de financement de l'importation de céréales. La note indique également que le phénomène de pénurie du pain, qui touche depuis quelques jours pratiquement tous les gouvernorats du pays dans des proportions différentes, est dû à la forte diminution des quantités de blé dur distribuées par l'Office des céréales, ce qui est confirmé par les professionnels et plusieurs acteurs du secteur. Une filière structurellement déséquilibrée Le pain en Tunisie est fabriqué par les boulangeries en mélangeant de la farine (dérivée du blé tendre) et de la semoule (dérivée du blé dur), sachant que la farine est disponible car le blé tendre est financé par la Banque européenne d'investissement et la Banque africaine de développement, ce qui fait que le vrai problème réside dans les difficultés de financement des besoins en blé dur, selon « ALERT ». Selon les notes aux états financiers publiées par la Banque nationale agricole, les dettes de l'Office des céréales au 31 décembre 2022 s'élèvent à 4,8 milliards de dinars. Ces dettes ont augmenté de 27% en un an. Outre les problèmes engendrés par ces dettes, les notes de la banque rappellent le retard du déblocage des subventions d'exploitation à l'office et qui s'élèvent à 2,4 milliards de dinars ce qui lui rend incapable d'importer les besoins du marché, notamment en blé dur. D'ailleurs, au cours du mois d'avril, la quantité de blé dur distribuée par l'Office des céréales a été réduite de 30%, et jusqu'au 20 mai 2023, seulement 15% de la consommation mensuelle a été distribuée. Il est prévu, selon l'ONG, que le mois de mai connaitra la distribution de seulement 500 mille quintaux, ce qui équivaut à une diminution de 50%. Elle précise aussi que l'arrivée irrégulière des navires de blé dur aux ports de Sfax et Rades, génère une disparité dans les quantités distribuées entre les régions. De ce fait, cette situation perturbée d'approvisionnement de blé dur entraîne la pénurie de semoule, ce qui exerce une pression sur la disponibilité de la farine et en conséquence celle du pain. Aggravation attendue de la pénurie Les acteurs du secteur s'attendent à l'enregistrement d'une une légère amélioration des quantités du blé dur au cours du mois de juin avec l'approvisionnement du marché en blé dur local après la récolte, mais compte tenu des besoins du marché en semences (2,6 millions de quintaux) et de la faible production nationale attendue (2,3 millions de quintaux) – sans tenir compte des faibles capacités de collecte – il est prévu qu'il y aura une pression sur le marché local des semences. Au vu de l'ensemble de ces éléments, la note d'« ALERT » prévoit que la crise de l'offre se poursuivra pendant les mois à venir surtout avec l'épuisement des lignes de financement des importations de blé tendre. La note rappelle également que les problèmes structurels continueront de s'aggraver, sous l'effet du contrôle du marché par la Chambre des Minotiers exerçant en situation de quasi-monopole du fait de la répartition inégale des quotas de céréales, ce qui permet par exemple un minotier d'accaparer de 38% du quota national en blé dur. Cette situation entraine ainsi la pénurie de semoule, notamment avec le refus des minotiers de réduire les quantités de blé dur destinées à sa transformation en pates (puisque cette opération est plus rentable). Des besoins dépassant largement la capacité d'importation Il est à noter que la sécheresse qui sévit au pays depuis des années devrait accroitre les besoins du pays en importations de céréales, alors qu'il est prévu que les importations de blé dépassent l'année prochaine plus de 90% de la consommation intérieure estimée à 3,4 millions de tonnes par an. À l'approche de la saison des récoltes céréalières cette année, les répercussions du manque de pluies se confirment, ce qui a entraîné la perte de production de plus de 80% des superficies plantées en céréales de différentes variétés, l'UTAP s'attend à ce que la récolte ne dépasse pas un dixième de la consommation. La faiblesse de la récolte oblige les autorités à accroître les importations pour répondre aux besoins du marché en blé tendre pour le pain, en blé dur et en orge pour l'industrie fourragère. Rappelons que la consommation céréalière de la Tunisie est de 3,4 millions de tonnes, réparties entre 1,2 million de tonnes de blé dur et tendre et 1 million de tonnes d'orge, selon les données de l'Office des céréales, et que les importations des céréales sont ajustées en fonction du niveau de la production nationale. La Banque mondiale a déclaré dans un rapport publié en décembre dernier que la hausse des prix mondiaux des denrées alimentaires a accru le niveau d'endettement de l'Office des céréales, qui s'élevait à 3 milliards de dinars en 2020. Que se passe-t-il en Tunisie? Nous expliquons sur notre chaîne YouTube . Abonnez-vous!