A l'an I de la Révolution tunisienne que le pays célèbre ce samedi en grande pompe, les avis demeurent partagés quant au bilan à établir de «la Révolution du Jasmin» en Tunisie. Cette Révolution a déclenché un grand élan et un vent de liberté balayant sur son passage plusieurs régimes arabes dont celui de Hosni Moubarak en Egypte et de Mouammar Kadhafi en Libye. La “Révolution du Jasmin” a également inspiré les soubresauts qui font trembler actuellement les régimes de Ali Abdallah Saleh au Yémen et Bachar Al Assad en Syrie. Si la majorité des gens sont unanimes pour souligner le changement radical apporté dans le pays par cette révolution en terme de positivité, d'autres estiment qu'elle a mis à genou le pays le menant dans un cycle de manifestations, de contestations et de grèves sans fin. Cette situation a conduit le pays dans un état de désordre pouvant avoir, selon certains analystes, des conséquences désastreuses sur le pays à plus ou moins long terme,. La Révolution, que nombre de Tunisiens aiment qualifier de “Révolution de la liberté et de la dignité” a incontestablement fait recouvrer au peuple tunisien son honneur et sa dignité en arrachant ce sentiment de peur qui a obligé tout un chacun à jouer la comédie en encaissant les plus graves formes de brimades et d'oppression tout en se taisant. Aujourd'hui, grâce à la Révolution, plus rien n'impressionne les Tunisiens. Chacun s'exprime comme il l'entend sans crainte ni peur de se retrouver derrière les grilles d'une prison pour ses idées ou ses opinions. Cette liberté a été payée au prix fort par les centaines de Martyrs ainsi que les dizaines de blessés qui se sont mis au devant de la scène se sacrifiant pour la patrie. Ils méritent tous les honneurs, le respect et la considération de la part de la nation. Les élections du 23 octobre dernier qui ont drainé une marrée humaine de citoyens tunisiens modèles qui se sont acquittés, en toute quiétude et liberté de leur devoir électoral, ont donné après celle de la Révolution une seconde leçon au monde. Cette liberté et cette démocratie qui ont été unanimement saluées aussi bien par des présidents des grandes puissances de ce monde ainsi que par des Organisations mondiales, internationales et régionales, ont engagé résolument et de manière irréversible le pays sur la bonne voie. Mais cette euphorie et cette dignité retrouvée a donné un autre aspect moins reluisant qui a commencé à apparaître dans le pays dans le sillage de la Révolution. La multiplication des grèves, des sit-ins, de la défiance à l'égard des forces de sécurité et de l'ordre ainsi que la contestation de toute autorité et l'incivilité à l'égard du service public sont parmi les nouveaux phénomènes de comportements dans le pays. Pour de nombreux analystes ces attitudes nées de la Révolution s'expliquent par des décennies de tyrannie et d'absence de liberté d'expression vécues par les Tunisiens. C'est pourquoi cette soudaine liberté qui semble illimitée à donné lieu à des excès ainsi qu'à des interprétations diverses. Il s'agit de phénomènes qui accompagnent souvent les révolutions, indiquent certains analystes qui veulent dédouaner les Tunisiens de ces comportements et qui affirment que contrairement à d'autres révolutions qui ont été entachées par des violences sanguinaires, la période post-révolution en Tunisie n'a pas glissé dans ce cycle. Toutefois, la situation économique du pays, malgré les prévisions optimistes des nouvelles autorités, reste difficile et les projections des experts économiques et des institutions financières sont pessimistes à l'endroit de la croissance qui pourrait être nulle. En outre de nombreuses entreprises locales et étrangères ont mis la clé sous la porte en raison de l'effet des mouvements sociaux, des grèves et des débrayages. Cette réalité a mis le pays au bord de la banqueroute à un moment où le chômage fait des ravages dans le pays notamment au niveau des régions intérieures. Pour de nombreux observateurs, si les citoyens et les partenaires sociaux ont pu supporter durant 23 ans, ils peuvent au nom de l'intérêt général patienter quelque temps que le pays soit remis sur les rails. C'est pourquoi la proposition faite par Moncef Marzouki à l'issue de son accession à la présidence de la République portant sur une trêve de six mois, est une alternative qui mérite d'être adoptée afin de donner au pays l'opportunité de se normaliser et de relever les défis de l'emploi, du développement et de l'éducation, qui se posent avec acuité.