TUNIS, 24 fév 2011 (TAP)- Docteur Ahmed Chaouki Benyoub, membre du Conseil consultatif marocain des Droits de l'Homme et ancien membre de l'Instance Equité et Réconciliation au Maroc, a souligné que la Tunisie vit aujourd'hui l'émergence d'une prise de conscience de la justice transitionnelle, qui s'est traduite par l'accélération de la création d'une commission d'investigation sur les dépassements survenus durant les derniers évènements, considérée comme étant un des principaux mécanismes de la justice transitionnelle. Il a fait remarquer, dans une déclaration à l'agence TAP, en marge de la conférence scientifique ouverte jeudi, à Tunis, sur le thème "commissions de vérité dans le processus de transition démocratique", que les travaux de la commission nationale d'investigation, qui est présidée par une personnalité du milieu juridique, qui se compose de militants des droits de l'Homme et de représentants de la société civile et qui s'appuie dans ses travaux sur les textes juridiques en vigueur et sur les conventions internationales relatives aux Droits de l'Homme, sont considérés comme étant le point de départ effectif, vers la concrétisation d'une justice transitionnelle et, partant, vers la transition démocratique. Cette conférence dont l'organisation est assurée par le "centre Kawakibi pour la transition démocratique", et qui se poursuit deux jours durant, vise à faire connaître le concept et les mécanismes de la justice transitionnelle, dont notamment les commissions de vérité, à débattre des spécificités tunisiennes et de la possibilité de développer le travail des commissions actuelles et le rôle des différentes composantes gouvernementales et non-gouvernementales. Les commissions de vérité sont considérées, selon un document préparatoire du centre, comme étant l'un des principaux mécanismes qui aident les Etats, ayant connu des périodes de répression et de transgression des droits de l'Homme, à démontrer la vérité sur des actions passées ou pour demander des comptes aux personnes ayant commis des violations, à aménager une tribune publique à l'intention des victimes, à encourager le dialogue général et à recommander l'octroi de dédommagements aux victimes, l'introduction des réformes juridiques et institutionnelles nécessaires et le renforcement de la réconciliation sociale. Participent à cette conférence, des membres de la commission nationale d'investigation, ainsi que des experts venus de pays ayant vécu des expériences de justice transitionnelle, d'activistes politiques, de juristes et de représentants de la société civile. Au cours de la séance d'ouverture, le fondateur du centre Kawakibi, M. Mohsen Marzouk, secrétaire général de la fondation arabe pour la démocratie, a qualifié la révolution tunisienne d'"événement magique qui a allumé la flamme des olympiades de la démocratie et de la liberté dans toute la région". Il a indiqué que "malgré que les opportunités pour une transition démocratique ne s'offraient pas en Tunisie, le miracle a eu lieu", considérant que le pays est en train de franchir ses premiers pas vers la transition démocratique qui, en dépit des obstacles conjoncturels, sera concrétisée. Il a, par ailleurs, salué les efforts déployés par les commissions nationales qui oeuvrent de son point de vue "sous l'empire d'une justice transitionnelle" appelant à évaluer les dégâts moraux et psychiques des victimes avant d'estimer les dégâts matériels. Il a appelé à la préparation d'un "document pour l'engagement démocratique national" comprenant un ensemble de principes fondamentaux, tels que la garantie des libertés individuelles et collectives, en particulier, la liberté d'organisation, la liberté de créer des associations et des partis et la liberté d'informer, la séparation entre l'Etat et les partis, entre l'autorité et la religion, ainsi que la justice sociale et l'équité en matière de développement. L'orateur a, en outre, proposé que ce document, qui sera à la base de la nouvelle Constitution et de la nouvelle culture politique, soit signé par le président de la République par intérim, le président de l'Association des magistrats tunisiens et par l'institution militaire, qui s'engage ainsi à ne pas s'ingérer dans la politique à venir. Il a, d'autre part, incité à la création d'une association civile pour la vérité, la justice et l'équité, annonçant la détermination du Centre "Kawakibi" à se rendre à travers les régions et à établir des liens avec des experts et des compétences tunisiennes qui s'y trouvent. De son côté, M. Taoufik Bouderbala, président de la commission nationale d'investigation sur les dépassements survenus durant des derniers événements, a donné un aperçu des activités, des travaux et de la composition de la commission. Il a évoqué, dans ce sens, le décret-loi relatif à la commission, qui sera édicté très prochainement par le président de la République par intérim et qui a été l'objet de concertation entre le premier ministère et le président par intérim. Il a ajouté qu'en dépit du retrait de deux membres de la commission (14 membres dont 6 femmes), elle reste ouverte à tout le monde, faisant observer que les activités de la commission se déroulent conformément aux dispositions de la loi pénale tunisienne, du Code pénal tunisien et des conventions internationales relatives aux droits de l'Homme. Les travaux de la première journée de cette conférence scientifique ont permis de présenter les expériences du Chili et de l'Afrique du Sud, en matière de justice transitionnelle. L'accent a été mis sur l'existence de 25 commissions de vérité, à travers le monde, ainsi que sur la nécessité d'archiver les témoignages des victimes, dans le cadre des travaux de la commission nationale d'investigation sur les dépassements, surtout qu'ils représentent une partie de la mémoire nationale et de l'Histoire de la Tunisie. Au programme de la journée de demain, vendredi, figure l'audition du témoignage du père de l'un des martyrs de la révolution de la dignité et de la liberté en Tunisie. Le "Centre Kawakibi pour la transition démocratique" est une organisation régionale non-gouvernementale, créée en 2006, à Amman (Jordanie) et spécialisée dans l'édification, le transfert et la présentation de l'expertise dans le domaine de la transition démocratique. Les objectifs de ce centre consistent en la diffusion de la culture et de l'exercice démocratique, à travers des moyens de dialogue et d'interaction pacifique, et la formation d'expertises locales dans le domaine d'identification et d'accompagnement des mutations démocratiques, outre l'encouragement du dialogue entre les pouvoirs décisionnels et les composantes de la société civile, sur les questions inhérentes à la transition démocratique, en plus de la dynamisation de l'échange et du transfert des expertises, de la coopération entre les experts et des représentants de la société civile et politique concernant les processus et les étapes de transition démocratique aux plans arabe et international.