Tout le monde en parle, d'abord les canaux d'informations, puis les commentateurs de cette information sur Internet. Le général des trois armées, Rachid Ammar, aurait été on ne peut plus ferme lors d'une réunion tenue tout récemment avec le ministre de l'Intérieur, Ali Laârayedh et la ministre de la Femme, Sihem Badi. « Bientôt, je vais siffler la fin de la récréation », aurait-il prévenu en commentant les provocations et menaces salafistes à l'encontre des libertés et des individus. La déclaration a été rapportée par le journaliste Sofiane Ben Farhat sur les ondes de Shems FM et reprise par le quotidien Le Maghreb. Certains ont vite établi le lien de cette possible (ou probable) déclaration avec celle de M. Ali Larayedh qui avait annoncé que l'affrontement avec le salafisme est presque inévitable : « Aujourd'hui, le phénomène des salafistes est le plus grand danger pour la Tunisie. Si nous n'arrêtons pas ce courant, nous nous trouverons devant Al-Qaïda ! Je sais que je vais devoir mener une grande bataille ». Au-delà de l'effet de sensation que cette information amène, on est en droit de se poser plusieurs questions à son propos : D'abord le filtrage même de l'information si la réunion est aussi restreinte ; mais là n'est pas le problème puisqu'on sait que les journalistes ont des oreilles partout, faute d'y avoir toujours des yeux. Il reste que dans tous les cas, on ne peut pas parler de rupture de silence par le Général, à moins de l'imaginer toujours muet pour prendre un propos en privé pour une rupture de silence. Ensuite, le général Ammar, dont le sourire sincère est infaillible en matière de bonne humeur et de chaleureuse convivialité, s'est toujours distingué par une grande rigueur et un esprit de discipline étroitement liés à sa conception d'une armée républicaine : droite mais juste. Franchement, je le vois mal se déclarer franchement menaçant et porté sur un avant-propos de mesure aussi grave juste devant deux ministres même si l'un des portefeuilles est d'autorité (car de souveraineté, celui de l'intérieur en l'occurrence) et si l'autre n'est que de circonstance (car en termes de parité, un ministère de la famille n'aurait pas sa raison d'être). Le jour où R. Ammar voudra rompre le silence, il le fera dans les règles de l'art ; tout autre commentaire de sa part, effectif ou supposé, ne serait que de l'ordre de la vie privée et de la pratique citoyenne. Ce qui est important cependant dans l'information de ShemsFM, c'est qu'elle a suscité un débat très animé et permis à plusieurs Tunisiens de dire tout haut ce que la plupart de leurs concitoyens expriment différemment : une inquiétude suspecte et un malaise désespérant. D'aucuns diraient : un vrai ras-le-bol qui sonne comme un branle-bas de combat.