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Chronique, Le mot pour le dire : Les dessous d'une supercherie !
Publié dans Tunivisions le 06 - 05 - 2013

« Pour être athée comme Hobbes, Spinoza, Dumarsais, Helvétius, Diderot et quelques autres, il faut avoir beaucoup observé, beaucoup réfléchi ; il faut joindre, à des connaissances très étendues dans plusieurs sciences difficiles, une certaine force de tête. Il doit donc, nécessairement, y avoir peu d'athées ».
Naigeon, cité dans La libre-pensée et ses martyrs, p. 72
L'indécrochable président d'Ennahdha, l'inépuisable Rached Gannouchi, ne rate jamais l'occasion, dans ses exploits médiatiques, de traiter ses adversaires politiques d'ennemis de l'Islam. Cette démarche, que d'aucuns considèrent comme anodine, procède pourtant d'une stratégie de diabolisation, commune aux formations idéologiques d'obédience fasciste, dans laquelle la religion est appelée à jouer un rôle de premier plan. Le facteur religieux, dont la capacité de mobilisation est considérable, s'avère être une arme redoutable contre laquelle la politique est quasiment impuissante. R. Gannouchi, comme tous les idéologues du totalitarisme, en est conscient et, pour cela, en use à chacune de ses apparitions non pas tellement parce qu'il est convaincu de son impact sur ses ennemis – seuls les compétiteurs parlent d'adversaires, R. Gannouchi, lui, n'a que des ennemis parce qu'il est en guerre (sainte, cela s'entend) contre tous ceux qui osent s'opposer à lui –, mais parce qu'il est sûr de son effet mobilisateur sur ses propres adeptes.
Taxer les adversaires politiques d'Ennahdha d'ennemis de l'Islam s'avère être, de tous les points de vue, une politique très payante, même si elle n'est pas, du point de vue de la déontologie, très honnête. Mais, pour un homme dont l'objectif est de faire valoir, à tout prix et par tous les moyens, la Loi de Dieu, l'honnêteté n'est pas une exigence nécessaire dans son commerce avec les ennemis d'Allah et, par voix de conséquence, les ennemis de sa secte et, par voix de conséquence bis, ses ennemis personnels. Un moujahid ne se doit d'être honnête qu'à l'égard de la divinité dont il s'est fait le chevalier servant. Pour réussir cette noble tâche, il est juste, voire recommandable, de mentir (car le mensonge qui sert le bien est bien lui-même !), de louvoyer, de faire montre de duplicité et de ne jamais tenir ses engagements.
Un islamiste, qui se respecte, est un surhomme, dans le style de celui conçu par Nietzsche, qui n'a de compte à rendre, en dehors de Dieu bien entendu, à personne parmi les humains et, en premier lieu, à ceux d'entre eux qui lui mettent les bâtons dans les roues ! Fort de ce droit que rien ni personne, selon lui, ne peut aliéner, il dévaste tout sur son chemin jusqu'à ce qu'il estime avoir atteint son objectif. Son arme favorite, dans ce combat inégal qu'il mène, au nom de la politique, sur un terrain qui n'est pas celui de la politique, c'est ce que le prototype tunisien de ce superman islamiste, incarné dans la personne de R. Gannouchi, a baptisé At-tadofo (التدافع) ; terme ambigu qui fonde son idéologie belliqueuse et démasque, si besoin est, les subterfuges qu'il sème, un peu partout, à l'intention d'alliés occidentaux, gagnés d'avance à sa cause, comme quoi il serait disposé à se soumettre entièrement aux règles de la compétition démocratique.
Sur ce point précis, les islamistes – tous les islamistes, sans exception – mentent, non par vice, mais par nécessité ou, plus précisément, pour des considérations stratégiques d'autant plus louables, à leur yeux, qu'ils se battent pour favoriser l'avènement du bien suprême. Au fait, de par un certain nombre de leurs principes idéologiques, ayant à leurs yeux valeur de dogmes, ils sont incapables, sous peine de compromettre leur objectif dans sa totalité, de se plier aux exigences du jeu politique. Leur projet, théocratique dans son essence, ne souffre pas de partage. Pour aboutir et s'imposer, un pareil projet a besoin d'accaparer toute la scène politique et d'élargir, à la terre entière, son espace vital. Et il ne s'agit point là d'une métaphore. L'idée même d'une opposition est inconciliable avec une idéologie qui soutient parler au nom du Ciel, laissant entendre par là que son propos est d'essence divine !
L'objectif primordial de cette formation, baptisée Ennahdha (précisément pour apporter la grève que la renaissance est une simple actualisation du passé !), dont il est difficile de préciser la nature, est d'islamiser la société. Il n'y a rien de plus normal en effet, pour un parti qui fait de la religion son unique préoccupation, que de favoriser le salut de ses adhérents. L'on pourrait objecter, à juste titre d'ailleurs, que cet objectif ne pourrait être celui d'un parti politique, mais d'une secte ou d'une association de prédication, on vous ripostera, avec toute l'assurance de l'homme de foi, qu'en Islam la religion est indissociable de la politique et, pour les plus versés dans la science théologique, que l'Islam est à prendre ou à rejeter dans sa totalité. Il s'agirait là, à en croire R. Gannouchi et son père spirituel Qaradhaoui, d'une spécificité dont Dieu a doté le seul Islam !
En fait, ce principe, et bien d'autres dont il sera question plus loin, font partie intégrante de l'idéologie fondatrice du mouvement, telle que définie par l'un de ses représentants les plus célèbres, qui a payé de sa vie sa détermination à combattre le régime nassérien. Saïd Kotb, car c'est de lui qu'il s'agit, précise à ce propos : « La difficulté majeure qui entrave aujourd'hui l'action des mouvements islamistes authentiques consiste dans l'existence de communautés humaines, composées par des descendants de musulmans, dans des pays qui faisaient partie autrefois des terres d'Islam, dominées par la religion d'Allah et gouvernées par sa Shari'a. Puis, il est arrivé que ces terres et ces communautés aient renoncé à l'Islam dans les faits et continué de le reconnaître formellement »([1]).
Il ne faut pas s'étonner alors que, dès leur avènement au pouvoir, les islamistes, qui se disent être modérés, se sont employés, avec un acharnement sans précédent, à s'acquitter de cette tâche capitale, préambule nécessaire pour la mise en place de la future théocratie. Les déclarations, tant publiques que secrètes, de R. Gannouchi, laissent entendre, sans le moindre doute, que la Tunisie devrait être reconquise et les Tunisiens devraient être contraints de se convertir à l'Islam ou de périr des mains de ses moudjahidines ! L'idéologue de génie, que fut ce Saïd Kotb, dit le martyr, a déjà fourni, pour ses futurs adeptes, l'argument irréfutable qui justifierait un massacre, voire même un génocide : les Tunisiens actuels « ne sont plus des musulmans, même s'ils sont persuadés de l'être »([2]).
Aux yeux de Saïd Kotb, et de tous ceux qui se réclament aujourd'hui de son idéologie fondamentaliste, le monde devrait être régi, bon gré mal gré, par la Loi d'Allah. Tout pays, comme c'est aujourd'hui le cas pour la Tunisie, qui se serait écarté de cette voie serait retombée dans la Jahiliyya. En effet, pour des idéologues de la stature de Mawdoudi, Saïd Kotb, et les ténors du wahhabisme, insensibles à la dynamique historique, « la Jahiliyya n'est pas un nom désignant une étape historique antérieure à l'Islam, mais il s'agit d'un concept qui s'applique littéralement à toutes les situations, indépendamment des considérations spatio-temporelles, à condition qu'elles présentent des ressemblances avec l'étape historique antérieure à l'avènement de l'Islam »([3]). C'est au nom de ce concept que les islamistes tunisiens, toutes tendances confondues, se croient autorisés de décider aujourd'hui du sort du pays et de ses habitants : pour certains, se disant modérés, la Tunisie serait une terre de prédication. Pour les ultras, dont les forcenés qui sont allés se battre en Syrie et ailleurs, le pays devrait être arraché, coûte que coûte, aux laïcs qui l'ont débauché et écarté de la voie droite.
Le moyen le plus sûr de réussir cet exploit consisterait à rétablir la Loi d'Allah. C'est pour cette raison que les islamistes, à commencer par les soi-disant modérés de R. Gannouchi, se sont férocement battus pour imposer l'inscription de la Shari'a dans la nouvelle constitution. Cet acharnement repose sur la conviction, soulignée à maintes reprises par ce même Saïd Kotb, que « le droit positif ne pourrait, en aucune manière, prétendre à la suprématie, car cet attribut a été dévolu, par Dieu, à sa Loi que tous les hommes se doivent de suivre. La signification de la Shari'a ne se limite pas aux dispositions juridiques ou aux principes de gouvernement et à son système, mais se rapporte également à toutes les dispositions instituées par Dieu pour organiser la vie humaine, qui ont trait à la foi, aux fondements de l'Etat, à l'éthique, au comportement et à la connaissance. En bref, la Shari'a englobe les conditions politiques, sociales et économiques »([4]).
La Shari'a, ainsi définie, est l'unique constitution que reconnaisse R. Gannouchi et ses alliés salafistes, et elle entend contrôler scrupuleusement la vie publique et intime de la communauté musulmane. Cela veut dire, en clair, que le Tunisien devrait se plier aux injonctions de ceux qui veillent, malgré lui, sur le salut de son âme et exécuter, sans discussion, tout ce qu'on lui demande de faire. La liberté de conscience, le droit à la différence et la liberté d'association sont des revendications subversives et seraient traitées comme telles. Dans la future théocratie tunisienne, tout serait prohibé, à commencer par les boissons alcoolisées, la mixité, les différentes expressions artistiques, les sciences (humaines et exactes) impies et tout ce qui est susceptible de distraire le croyant de ses devoirs de piété. Les femmes auraient droit, elles, à un traitement de choix : elles seraient enterrées vivantes !
La polémique suscitée par le dernier brouillon de la future constitution, jugé en-deçà des aspirations légitimes des acteurs de la révolution, et la réaction intempestive de R. Gannouchi à cet endroit, donnent un aperçu de la manière dont cet homme conçoit le consensus. Pour « clouer le bec » aux fauteurs de trouble, dont l'objectif est de « discréditer l'Assemblée constituante » et de minimiser son travail, le président d'Ennahdha a fait valoir son titre religieux (qu'il s'est octroyé lui-même) de Sheikh. C'est en cette qualité en effet que R. Gannouchi se permet de traiter ses adversaires politiques d'apostats, ennemis irréductibles de l'Islam. Or, pour punir ce crime abominable, la Shari'a, dont les mérites ont été chantés sous la coupole de l'hémicycle par l'ultra-démocrate Sadok Chourou, prévoit rien de moins que la peine capitale.
Face à Béji Caïd Essebsi, Néjib Chebbi, Ahmed Ibrahim, pour ne citer que les grandes figures de la scène nationale, qui tiennent un discours politique, R. Gannouchi exhibe sa casquette d'ecclésiastique. Par ce geste, il entend préciser que, pour lui et ses gens, le consensus est, avant tout, acquiescement. Car, c'est aux vaincus qu'il revient de consentir le maximum de concessions. Lui, l'homme fort du moment, entend faire valoir ses droits par tous les moyens, y compris par la ruse, le mensonge et la tromperie. L'article premier de la future constitution est la preuve que ce stratège reprend de la main gauche ce qu'il concède par la droite. Imbu de son idéologie totalitaire, convaincu qu'il détient la Vérité, R. Gannouchi s'en tient, à ce propos, aux recommandations du maître à penser de tous les fondamentalistes du monde arabo-musulmam. Voilà ce que dit, au sujet du consensus, ce « brillant humaniste » que fut Saïd Kotb : « Notre mission n'est nullement de nous réconcilier avec la réalité de la société, régie par la jahiliyya, ni de lui faire allégeance, car, sous cette forme précisément, il ne nous est pas possible de l'admettre. La première étape, dans notre démarche, consiste dans le fait de nous démarquer de cette société de la jahiliyya, de ses valeurs et de ses représentations. Il n'est pas question, pour nous, de modifier, partiellement ou totalement, nos valeurs et nos représentations pour nous entendre, avec elle, sur un moyen terme. Non, Nous sommes, elle et nous, dans un carrefour. Il suffit, pour nous, de faire un seul pas avec elle pour perdre et notre mission et notre voie »([5]).
A bon entendeur !


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