Le XII° Festival International de Poésie au Costa Rica (19-28 octobre 2013) a connu un fait sympathique et édifiant qui a animé bon nombre de discussions privées et d'échanges d'idées. L'inauguration a été rehaussée de la présence du ministre de l'Education au Costa Rica. Que dis-je ? « Présence » ? Non, « participation » ! En effet, le ministre « aux cheveux longs » (ce qui n'est pas sans lui attirer des critiques parfois fort animées) est venu en Jean et n'a pas prononcé de discours ; il a juste lu un poème comme tous les participants. On apprendra plus tard, lors du dîner qu'il est venu, en compagnie de son épouse, partager avec les invités et les organisateurs, que le ministre est un universitaire micro-économiste et un écrivain dans les formes brèves (nouvelles, essais et poèmes). Il compte bien se consacrer à cette tâche après la fin de son second mandat de ministre, dans quelques mois. Le lendemain, une nouvelle a vraiment fait chaud au cœur aux poètes du festival, notamment au poète hondurien Roland Kattan, l'un des plus jeunes, sinon le plus jeune, celle de la diffusion de son poème lu la veille, « Le Traité des cheveux », dans tous les établissements d'éducation pour en faire un sujet de discussion. Je m'abstiens ici de tout commentaire, j'y reviendrai peut-être. Pour l'heure, moi aussi, je voudrais partager aussi bien la lettre du ministre que le poème du hondurien, afin qu'ils soient médités pour tout enseignement à tirer. Bonne lecture et bonne méditation… Lettre du ministre à la communauté éducative : De Léonard Garnier A toute la communauté éducative A l'inauguration du XII° Festival International de Poésie, qui est célébré ces jours-ci au Costa Rica, avec la participation de poètes de première ligne de divers pays du monde : le Mexique, le Panama, le Honduras, l'Espagne, la Tunisie, l'Arabie Saoudite, la Jordanie, l'Irak, Cuba et d'autres, j'ai eu le plaisir d'écouter un poème qui a particulièrement attiré mon attention pour les raisons qui vous sont évidentes. Il s'agit du poème « Traité des cheveux », du poète hondurien Roland Kattan. En toute amabilité, Roland m'a fait parvenir la version digitale de son poème. J'aimerais le partager avec les directeurs, enseignants et élèves de nos collèges, puisque son sujet a marqué un bon nombre de mes conversations dans mes visites aux établissements éducatifs. Qu'on en profite pour promouvoir le dialogue et la cohabitation dans chaque collège. Mes salutations. Léonard. (Texte traduit de l'espagnol par Mansour M'henni) Traité des cheveux Toutes les grandes choses Sont filles d'une idée De tête décoiffée A juste et propre dose Peut-on imaginer Pour ainsi dire un Dieu Créer cet univers Avec tête gommée Et qu'aurait fait Noé En entrant dans son arche Avec à son sommet Un chef de majordome Et qu'aurait fait Jésus En haut de la montagne S'il n'avait les cheveux Entrelaçant le vent Héraclite en rivière Archimède en baignoire Tous les deux dépeignés Chacun à sa manière Et Socrate et Platon De leurs cheveux touffus Tous pleins tous épanouis Sur une calvitie Et l'on sait bien qu'Homère Est mort en s'arrachant Terriblement les poils De tout son désespoir On sait que Cervantès Ainsi que Gongora Tout comme Shakespeare Ne se peignaient jamais Que la seule moustache Et que si Jeanne d'Arc Avait si fort brûlé C'était surtout à cause De ses cheveux mutins Dans d'autres temps anciens Il y avait d'autres hommes Les premiers à semer Les maïs et café Les chamans et les prêtres Qui taillèrent la pierre Y gravant des poèmes Eux pour toujours partis D'un départ anonyme Les cheveux décoiffés Et c'est Newton après Qui se fit décoiffer Par le poids d'une pomme Et Thomas Edison Dont l'électricité Mit les cheveux en pointe Et Bach dissimulait Toute sa chevelure Avec une perruque Léonard De Vinci Dépeignait quant à lui Même la barbe aussi Tous les anges du Ciel Muses et Hespérides Les Sirènes les femmes Qui savent tout voler Ont les cheveux épars Avec savante adresse Et l'Histoire récente Est là pour rappeler Qu'Albert Einstein était Le plus grand décoiffé Du siècle vingtième Et qu'Adolphe Hitler Avaient de tous cheveux Ceux les plus ordonnés Mais les grands faits aussi Sont de si simples choses Dans de petits logis Les enfants décoiffés Y apprennent l'amour Des mères dépeignées Et les rêves aussi Naissent à l'intérieur Des têtes endormies Aux cheveux décoiffés Et que quand ils s'embrassent Et s'ils s'aiment vraiment Les amants ont toujours Les cheveux dépeignés C'est pour ça que je dis : Il vous faut se méfier D'amour qui ne décoiffe Rolando Kattan (Honduras) Texte traduit de l'espagnol par Mansour M'henni