Félicitations pour la Tunisie séculaire qui a toujours su sortir des crises les plus délicates et maintenir le cap sur une image d'elle qui la rehausse au niveau des civilisations glorieuses, des cultures fructueuses et des valeurs inaliénables. Tunisie, ma Tunisie ! J'en suis fier, pour moi et pour les générations futures, dans la fidélité à la mémoire des personnalités symboliques et représentatives qui font partie d'un passé à regarder, plus pour éclairer l'avenir que par un quelconque fétichisme. Pour rester dans l'Histoire contemporaine, celle de la Tunisie indépendante, il y a eu Bourguiba à qui l'on doit l'essentiel de ce que nous sommes, mais à qui l'on reproche de n'avoir su édifier la société démocratique qui est le seul garant de l'Etat moderne dont il est l'initiateur, dans la succession et la continuité de la pensée réformiste en Tunisie. Il y a eu ensuite Zinelabidine Ben Ali qui, à coup de « complot sanitaire » pour les uns, à coup de « révolution tranquille » pour les autres, est parti d'un texte fondateur, une déclaration consensuelle, qu'il a fini par ne plus respecter dans ses principes de base ni dans les démarches devant la conduire vers ses objectifs annoncés et escomptés. Malheureusement (sinon la unisie aurait gagné au moins un quart de siècle), il s'est avéré plus engagé dans l'amour d'une femme que dans le projet sociétal dont avait soif sa patrie. Au résultat, la corruption a prévalu, au-delà du tolérable, minant l'Etat à ses articulations névralgiques et conduisant le pays à l'événement majeur qui, à partir d'un fait divers, a su secouer le parcours, de façon quasi-tellurique, et rediriger la Tunisie sur la voie de son destin authentique, celui conforme à son patrimoine éthique, intellectuel et civilisationnel. Il y a eu alors un risque de dérapage et une gestion improvisée, manquant de vision et de projets, plutôt détournée de l'essentiel vers des débats oiseux qui ont failli faire rater au pays une chance historique qu'il serait inintelligent de rater. Cette confusion caractérisée a permis à Béji Caïd Essebsi de figurer comme la principale personnalité charismatique et l'homme d'Etat le plus en vue pour conduire le pays, à un moment crucial de son histoire, et essayer de le sortir de l'impasse et de le remettre sur les rails du développement. Une tâche difficile avec tout ce qui est en panne ou presque, mais il semble pour une majorité de Tunisiens, la personne indiquée pour cette mission, indépendamment de tout ce que ses adversaires lui reprochent. L'enseignement qu'il importe de retenir du succès de B.C. Essebsi (pratiquement confirmé, en attendant les résultats de l'ISIE)), c'est que la Tunisie, au moins dans sa majorité, se reconnaît toujours du projet de Bourguiba et ne conçoit pas la Deuxième République en rupture totale avec la Première, l'erreur des nouveaux actants politiques après 2011 étant d'avoir voulu forcer le destin du pays dans ce sens contre nature. Les raisons de la réussite de Béji Caïd Essebsi nous paraissent plutôt dans cette synthèse qu'il a réussie entre le passé et le présent et surtout entre des sensibilités politiques variées acceptant de se regrouper pour la Tunisie, au-delà de leurs différences, mais surtout loin des animosités gratuites qui ont l'odeur de la haine et le goût de la vengeance. Toutefois, BCE a sans doute conscience, ou devrait l'avoir, que sa vraie tâche ne fait que commencer et qu'elle est loin d'être d'une quelconque facilité. Bon courage et bonne chance, Monsieur le Président ! Et le reste viendra…