Sans doute l'appel à un soutien conséquent pour la candidature de la ville Sfax à l'organisation des Jeux Méditerranéens 2021 a-t-il eu des manifestations variées et des plus caractérisées, ayant atteint leur summum avec la grève de la faim exécutée par des jeunes de la ville. Au-delà de l'appréciation différenciée de ces manifestations, il reste évident que la réalisation d'un événement sportif international est toujours l'occasion d'un investissement important en matière d'infrastructure, sans parler des retombées heureuses sur cette ville, voire sur tout le pays, en matière de redynamisation économique et de rayonnement civilisationnel. Il n'est peut-être pas inutile de rappeler, à ce propos, que nous devons la cité olympique d'El Menzah aux Jeux Méditerranéens de 1967. La cité olympique de Radès est, elle-aussi, un précieux héritage des Jeux Méditerranéens de 2001. Sfax sait donc qu'une manifestation de l'importance des Jeux Méditerranéens pourra constituer une opportunité à ne pas rater pour rattraper un retard de développement qu'elle ressent comme une injustice. C'est dire que, de ce seul point de vue, le mouvement qui s'est tissé autour de la susdite candidature, de façon fortuite ou organisée, qu'importe, est fort légitime et nulle infraction ne saurait être imputée à quiconque s'est mobilisé en sa faveur. Cela est d'autant plus vrai que la revendication d'un soutien officiel et national à la ville de Sfax s'est déroulée de façon civilisée, mettant gravement le doigt sur l'acuité de la question, sans jamais aller jusqu'à l'irréparable. Toutefois, personnellement, je me sens non seulement d'humeur, mais de passion même, à soutenir cette candidature et le mouvement qui l'accompagne et la sert. En effet, à part toutes les raisons ci-dessus exposées, il y a, dans cette question, un fond d'une autre profondeur et de portée essentielle pour la Tunisie, en l'occurrence l'expression d'une composante fondamentale de notre tunisianité, la composante de « méditerranéité ». Je parle bien, ici, de méditerranéité et non d'une simple appartenance à la Méditerranée comme espace géostratégique. Cette méditerranéité est une entité, une façon d'être et de voir. Elle est une conscience de soi à la fois en tant que spécificité et en tant que composant d'un ensemble. Ainsi, la Tunisie est bien ce qu'elle est, avec toute ses composantes. Elle est d'abord ce petit pays ayant une Histoire plusieurs fois millénaire, qui lui a donné ses caractéristiques propres. Mais elle est aussi ce système relationnel qui l'intègre dans son environnement et dans son contexte, avec une interaction constructive et productrice de progrès. Or, de ce point de vue, force est de reconnaître qu'après le contexte de « maghrébinité », le premier niveau à prendre en compte logiquement, au-delà de toutes les considérations idéologiques, c'est le niveau de méditerranéité. Ce qu'il importe d'abord de préciser c'est que la méditerranéité n'est contradictoire ni de l'appartenance arabe ni de l'appartenance musulmane ni encore de l'appartenance africaine. Elle les intègre toutes et les sert plutôt que de les exclure, ce qui n'est pas forcément le cas des autres appartenances. C'est pourquoi je me rappelle, à l'occasion de ce geste de grande importance et de profonde conscience qu'est l'action pour Sfax 2021, la position d'un certain Issam Chebbi, républicain et démocrate de sa confrérie, qui s'était ligué avec Abderraouf Ayadi, lui au moins en cohérence avec son idéologie dont on connaît les motivations, pour refuser l'inscription, dans la nouvelle constitution tunisienne, de l'appartenance méditerranéenne de la Tunisie. Merci donc aux Sfaxiens et surtout aux plus jeunes d'entre eux qui, quinze mois après la farce politique de l'ANC, ont plus que jamais donné la preuve que la Tunisie est méditerranéenne et le restera, avec ou sans la spécification de cette donnée dans la constitution, avec ou sans le binôme « ayachebbi ». A moins de les voir aujourd'hui, ces deux derniers, surtout le second, s'aligner sur la revendication sfaxienne pour une quelconque opportunité de circonstance ! Et voilà pourquoi tous les Tunisiens doivent soutenir Sfaw-Med2021, parce que c'est une autre manière pour eux d'être eux-mêmes, des Tunisiens.