Sincèrement et franchement, je crois qu'il est temps de résoudre cette crise de plus en plus accablante entre les enseignants du primaire et leur ministère de tutelle. Le bras-de-fer a trop duré entre le ministre et le syndicat du secteur et il est urgent qu'un arbitrage intervienne. Le Secrétaire général de l'UGTT, assurément, celui du Dialogue national plutôt que celui d'autres circonstances, et le président du Gouvernement, voire même le président de la République ou/et le président du Conseil des représentants du peuple (ARP). Pourquoi cette artillerie lourde ? D'abord parce que l'enseignement en général, et celui de la première étape de l'école de base en particulier, est fondateur de la valeur même de citoyenneté et déterminant des conditions de succès de tout pari civilisationnel engagé par une société. Ensuite parce que « le dialogue » (sic !) entre les deux vis-à-vis est devenu contreproductif. Les principes et les motivations de base, d'un côté comme de l'autre, sont certes justifiés ou, pour le moins, défendables ; mais le langage utilisé et la manière de communiquer, un modèle parfait d'incommunicabilité, ont trop agi sur ce qu'on appelle « dialogue » pour en déformer la démarche, pour en biaiser les intentions et pour en diluer les objectifs dans un flou fantasmagorique. Ce qu'il faudrait, c'est essentiellement l'inscription de la discussion du problème selon la logique de la conversation, non du dialogue. Autrement dit, venir en parler sans des décisions arrêtées d'avance, d'un côté ni de l'autre. Or pour ce faire, la conversation se déroulerait sur un fond d'interrogation du contexte actuel global, dans ses aspects sécuritaire, économique, social et politique (dans cet ordre des priorités). Dès lors, ce qui est à rechercher en premier, c'est l'aboutissement à un consensus ou presque sur les différentes étapes de la conversation et les différents sujets discutés. Il apparaîtra alors que la Tunisie d'aujourd'hui, et pour deux ans encore au moins si tout va bien, ne saurait souffrir des négociations générales et des négociations sectorielles en même temps. Cela devrait constituer une plateforme consensuelle, forcément rattachée à un consensus semblable portant sur la politique des prix des produits de consommation de base. Mais pour que cela soit possible, dans l'intérêt du pays et de la société, il faut certes une centrale à même de s'entendre, avec ses structures de tous niveaux et de tous secteurs, sur une discipline interne qui évite à l'ensemble des citoyens et au gouvernement l'impression d'assister à une farce de « Moha le fou, Moha le sage ». Mais il faut aussi des structures gouvernementales, surtout un gouvernement ayant une vision étudiée, avec des objectifs clairs et autant de cohérence et de discipline dans son fonctionnement interne que requis de la centrale syndicale. Il n'y a plus lieu de laisser des ministres naviguer chacun dans le sens de son propre vent, se prenant pour le seul vainqueur des tempêtes. Il y a une politique gouvernementale à arrêter, à conduire et à assumer en commun, sous la coordination et la responsabilité de son président. Ce qui est arrivé avec l'enseignement primaire, c'est une maladresse de chaque côté, en-deçà de la responsabilité au plus haut niveau : d'un côté les enseignants ont mal choisi la période et auraient peut-être dû éviter de mêler les examens à leur lutte ; mais le ministère, d'aucuns diraient « le ministre », a engagé une fuite en avant dont on imagine les aboutissements. Les décisions cavalières, les actions spectaculaires, les propos mal contrôlés, l'entêtement narcissique n'ont jamais été de bonnes recettes pour la bonne gouvernance, surtout dans le secteur de l'éducation. De toute façon, quand on a en vue une grande réforme du système éducatif, on ne l'inscrit pas sur fond de tension entre les syndicats et le gouvernement. Il en est de même de toute politique de réforme. Cependant, cela doit constituer une conviction sincère, dans la bonne logique de l'esprit de conversation qui est le seul garant d'une éthique démocratique assimilée et assumée.