L'état d'urgence est décrété pour trente jours, c'est l'instance habilitée qui l'a décidé après les consultations nécessaires et en application des textes législatifs y afférents. Cela n'a pas empêché certaines gens et certaines sensibilités politiques de crier au scandale ou presque. C'est d'ailleurs toujours les mêmes qui, conformément à un agenda politique qui n'a jamais changé pour eux, disent non à tout ce qui est entrepris, au lieu de s'inscrire dans une logique de participation positive, certes nuancée de par leur statut d'opposition mais nullement d'un refus irraisonné n'ayant d'autre objectif que d'essayer de marquer des points sur le compte de l'adversaire. L'état d'urgence ? Parlons-en. Il a duré quatre ans, de 2011 à 2014, et le président provisoire d'alors le prolongeait dans l'acceptation passive de tout le monde, alors que notre pays n'avait pas connu d'aussi horribles attaques terroristes que celles du Bardo et de Sousse. Pourquoi donc le contester aujourd'hui quand c'est un président démocratiquement élu qui l'a décidé ? Et puis, franchement, notre situation actuelle n'a-t-elle pas besoin d'un choc psychologique pouvant secouer les consciences et les orienter vers de vraies urgences qui, si elles ne sont pas vite résolues, risquent de nous conduire vers la faillite absolue ? Nous sommes tous en état d'urgence aujourd'hui, au moins le devrions-nous, et cet état nécessite de revoir l'exercice de notre citoyenneté participative et notre ambition inaliénable de démocratie. Lorsque le président des USA avait demandé le soutien des Américains dans son aventure de la guerre du golfe présentée comme une action importante pour leur sécurité nationale, ils avaient affirmé pouvoir renoncer à la moitié de leur salaire pour gagner leur sécurité. Lorsque François Mittérand avait fait voter la motion qui cautionnait sa décision d'engager la France dans la même guerre, il avait réglementé, ou presque, l'opinion intellectuelle de façon à considérer les positions contraires à cet état de guerre comme contraires aussi à l'intérêt national. Pourtant, nous ne pouvons pas prétendre être plus démocrates, au moins dans le sens commun, que la France ou les Etats Unis ! Pourtant nous sommes dans une guerre plus existentielle que celle menée alors par les deux puissances susdites puisque nous, aujourd'hui, nous défendons à la fois notre territoire, notre identité et notre patrimoine civilisationnel, en plus de nos intérêts économiques et sociaux. ! Comment ces opposants systématiques à l'état d'urgence s'étonnent-ils après que certains concitoyens les soupçonnent de connivence avec les formations terroristes ou au moins avec leur idéologie ? Il y a certes le risque que l'état d'urgence ne compromette les libertés publiques et médiatiques, en cherchant à contenir une petite part de leur enthousiasme militant. C'est là que nous pouvons intervenir, de par notre citoyenneté participative, pour exiger l'adaptation des conditions d'urgence aux inaliénables de la démocratie. Aussi appellerions-nous le gouvernement à assouplir les conditions de l'urgence qui sont consignées dans le texte de 1978 et à les adapter aux conditions actuelles de la transition démocratique. Cela est d'autant plus concevable que l'état d'urgence décrété est prévu pour trente jours. Je ne sais par ailleurs si l'on doit, comme souligné par certains, exiger du président de la République une transparence totale sur les motivations de sa décision, car l'état de guerre autorise de ne pas tout dévoiler pour des raisons de stratégie. Sur ce point précis, la société civile devrait partir d'un pré-acquis de confiance justifié par les résultats des élections présidentielles, puis assurer une veille et un suivi à la hauteur de sa mission d'évaluation et de suggestion. En bref, l'état d'urgence est là et nous avons à le vivre comme tel pour des raisons qu'on sait, d'autres qu'on devine et d'autres encore qu'on ne peut sans doute pas nous dire. Il en est ainsi dans ce genre de mesure pleinement constitutionnelle. Pensons plutôt à le vivre positivement dans cette équation, difficile et pourtant résoluble, entre d'une part notre devoir citoyen qui nous engage patriotiquement dans la sauvegarde de notre sécurité nationale, d'autre part notre conscience tout aussi citoyenne qui nous engage tout aussi patriotiquement à ne pas rater le détour qui conduit vers la vraie démocratie, quitte à seulement se rapprocher le plus possible de celle-ci, si elle s'avère difficile à atteindre.