Il a tellement été question du président de la République, à propos de la crise de Nidaa Tounès, que l'expression directe de sa position sur la question était attendue avec une curiosité empressée, les uns pour essayer de comprendre, peut-être, les tenants et les aboutissants d'une crise dont tout le monde appréhendait l'impact sur le fonctionnement du mécanisme institutionnel et que chacun percevait et exploitait à sa façon, conformément à sa posture sur l'échiquier politique national et à ses ambitions y attenantes. Soudain, l'action terroriste de l'avenue Mohamed V a jeté une ombre nouvelle sur cette crise dont les instigateurs se devaient de ranger, ne serait-ce que provisoirement, leurs armes de guerre et de s'appliquer, avec l'ensemble de la communauté nationale, à concevoir et à mettre en application une stratégie intégrale de lutte antiterroriste. Il semble cependant que tel ne fut pas le cas et que, moins effrontément peut-être, la provocation et les escarmouches continuaient à envenimer l'ambiance recherchée d'un consensus assumé, au moins dans l'équipe gouvernementale, sinon à l'échelle de toutes les formations politiques du pays. C'est dire combien cette crise du Nidaa continue de faire le clou au talon du corps qui s'apprête à marcher. Dimanche 29 novembre 2015, on annonçait alors une allocution du président de la République à 20h45. Tout le monde s'attendait à ce qu'il parle de la situation du pays après l'attentat indiqué ; très peu sans doute s'attendaient à une insertion de la crise du Nidaa dans ce propos. Etait-ce une maladresse ? Un mauvais conseil ? Une défaillance de la stratégie de communication ? D'un certain point de vue, il y aurait lieu de croire que c'est tout cela à la fois. D'ailleurs, à peine l'allocution prononcée que les réseaux sociaux ont déchaîné leurs commentaires pour « descendre » le président avec des propos qui vont de la simple critique à l'insulte quasi-diffamatoire. On n'ira sans doute pas jusqu'à les bloquer pour diffusion de propos de terroristes ! Ce n'est que la liberté d'expression et cela soulage au moins de s'y adonner à cœur joie. Partout, c'est la chanson du président, avec des notes différentes et une seule arme : la parole. Heureusement ! D'aucuns diraient : Mais quelle mouche a piqué le président d'aller consacrer les deux tiers de son allocution à son parti ? D'autres renchérissent : C'est une infraction fâcheuse à la constitution. De l'autre côté, on essaie de rester serein et l'on nuance l'interprétation de l'article en question. On développe aussi la thèse du président garant de l'intérêt de la national et on ajoute que le démantèlement du Nidaa fragiliserait l'Etat et toute le fonctionnement institutionnel du pays. Pour un brin, on oublierait le drame récent, l'urgence présente, la menace continue, la mobilisation générale souhaitée, etc. De fait, il y a tout lieu de croire que le jeu des tiraillements politiques n'a plus de répit en Tunisie, il doit continuer à tout prix. C'est, semble-t-il, le seul moyen d'éviter le retour à la dictature. Ce qu'on risque d'oublier en attendant, c'est que c'est la crise économique et sociale qui, si elle continue encore, créera les conditions d'une dictature dont on ne saurait deviner la couleur ni la nature de son pouvoir et son ampleur. Ce qu'on oublie encore, c'est que sans une vraie stratégie efficace et infaillible de lutte antiterroriste, il sera difficile de sortir de l'impasse économique. Entretemps, où sont donc les responsables du conflit à Nidaa Tounès ? Il paraît que des décisions douloureuses seront bientôt prises. Cependant, ceux qui ont employé l'adjectif « douloureuse » ont juste oublié de dire pour qui.