Dans la crise de Nidaa Tounès, on était vraiment en état de guerre et tout le monde prétendait hypocritement le contraire. Dimanche 13 décembre 2015, on a eu la preuve du ton et de l'esprit belliqueux qui dominent le conflit du parti qu'il n'est peut-être plus certain de pouvoir considérer comme la première formation politique du pays, n'en déplaise à certains de ses dirigeants qui s'accrochent à ce statut. Le 13 décembre, le « clan Mohsen Marzouk » a annoncé la dissolution de la commission des 13, initiée par le président de la République et ancien président fondateur de Nidaa Tounès. Il y a bien là, manifestement, un acte de défi flagrant et de guerre déclarée au clan en face certes, mais à BCE en personne accusé, dans le respect de la forme, de prendre parti pour son fils et son groupe et donc de privilégier le rôle de père à celui de leader politique. Marzouk et les siens semblent dire au Président, droit dans les yeux et le peuple pris à témoin : « Vous vous êtes écarté de la voie tracée par l'esprit de fondation de notre mouvement commun ; vous avez manqué à notre feuille de route électorale ; aujourd'hui nous faisons valoir de nouveau notre droit de fondateurs, à votre instar, contre vous si nécessaire, car nous, nous sommes encore dans la dynamique structurelle du parti et vous, vous n'y êtes plus ; ce qui veut dire que la décision est la nôtre et que votre démarche ne nous engage en rien puisque nous la jugeons minée et contraire à la démocratie que nous continuons de réclamer d'abord dans notre parti pour pouvoir l'asseoir dans notre pays. » En substance, c'est bien de cette façon qu'on traduirait la position finale du groupe Marzouk, telle qu'annoncée ce 13 contre la commission des 13 : correspondance chiffrée à ne pas négliger, façon de retenir pour l'Histoire que le chiffre 13 n'est peut-être pas un porte-bonheur pour le Nidaa, en tout cas il ne le sera pas pour l'un des deux clans en conflit. On se souvient que Mohsen Marzouk et certains des siens annonçaient de temps en temps une scission structurelle inévitable et même la formation d'un second parti qui reprendrait les mêmes valeurs fondatrices du premier Nidaa. Cette fois, malgré une insinuation du genre dans les propos de Lazhar Akermi, l'idée est du principe : « J'y suis, j'y reste, et s'il faut un départ, ce sera celui des autres ! ». Ainsi parlerait Mohsen Marzouk, dans le sens clairement explicité de sa dernière déclaration, revendiquant tous les droits que se reconnaîtrait quiconque dans sa situation, y compris BCE lui-même. Cela est certes dans ce qui est dit à demi-mot comme pour répondre à la remarque du « fondateur du parti » qui lui aurait dit, lors de la dernière audience au Palais de Carthage : « Si tu veux t'en aller, alors bonne chance ! ». La symbolique de la circonstance de la déclaration de Marzouk, un meeting de près de 1500 femmes, porte aussi à BCE un message de la part de son directeur de compagne qui chercherait à lui insinuer que derrière le million de femmes avant voté BCE, il y aurait lui avant le candidat. Marzouk s'installe donc dans le nouveau rôle de l'héritier légitime du parti faute d'être le descendant légitime de son fondateur. C'est annoncer par la même que le parti va inéluctablement vers non seulement le démantèlement, mais la dissolution de fait de ses structures officielles, sans parler de ce qui est sous-entendu en conséquence, en raison de son illégalité de principe par absence d'élections et de renouvellement de ses structures et même d'actualisation de la liste de ses adhérents. C'est ce qu'a insinué Lazhar Akermi en insistant que même une démission est actuellement impossible puisqu'il n'y a plus auprès de qui démissionner. De l'autre côté, A part certaines déclarations isolées tenant lieu de commentaires individuels, on n'a pas encore de réaction « officielle », pour autant qu'elle puisse l'être avec cette nouvelle donne. Celle-ci va en tout cas secouer tous ceux qui se reconnaissent de ce parti, que certains parmi les siens veulent ramener à la case de départ, en l'occurrence au statut d'une mouvance politique cherchant sa configuration active dans une structure officielle. « Ce peut-être même un nouveau parti », réplique L. Akermi, comme en fausse note du discours de Mohsen Marzouk, mais en réalité en parfaite coordination, dans la stratégie de la distribution des tâches et de la provocation de l'adversaire par la confusion que laisserait régner la distance entre certaines déclarations. D'ailleurs la rumeur d'un nouveau parti a circulé depuis un certain temps et continue encore au moins par la bouche de Taïeb Azaiez et de Abdelmajid Sahraoui. Comment s'en accommoder maintenant avec la dernière déclaration de Marzouk dimanche dernier à Hammamet ? le jours prochains nous le diront. En définitive, entre le fils légitime et le fils adoptif, entre celui érigé, pour un temps, en héritier politique et celui qui y prétend par la filiation légale, le Président de la République risque, ces dernières nuits, de se retourner plusieurs fois dans son lit, maudissant le jour où il s'est pressé d'annoncer la commission des treize. Ailleurs, Bourguiba aussi s'en retournerait un peu dans sa tombe, mais qui s'en soucierait encore ?!