Radios, télévisions et presses tunisiennes se préparent à couvrir le 23 octobre prochain les élections de l'assemblée constituante. Pour y faire face, des partenariats ont été conclus avec des radios et des ONG du Nord, comme la Fondation suisse Hirondelle. Connue pour avoir lancé plusieurs radios dans des pays déchirés par la guerre (République démocratique du Congo, Liberia, Kosovo), la Fondation Hirondelle basée à Lausanne vient de signer, mercredi 24 août, une convention avec la Radio publique tunisienne. «Le président directeur général de la Radio nationale tunisienne nommé par le gouvernement de transition a proposé à la Fondation Hirondelle de l'aider à organiser la couverture des élections prévues dans le cadre de la transition. Les journalistes tunisiens manquent d'expérience professionnelle dans ce domaine, aucune élection ne s'étant déroulée dans le pays pendant les trente années de dictature. Le besoin exprimé est celui d'un appui pour la mise en place d'une Charte électorale et d'une grille de programme spéciale pour les élections », détaille la Fondation dans son bulletin d'information. Et de préciser: «Pour en assurer le financement, la Fondation Hirondelle a notamment répondu à un appel d'offre du gouvernement américain pour le Département d'Etat sur un grand projet de soutien à la transition en Tunisie et portant sur cinq volets: appui aux élections, renforcement de la société civile, ouverture des médias, soutien économique et renforcement de l'Etat de droit». Engagé dans ce projet, Samuel Turpin ajoute: «Il ne s'agit pas de créer une nouvelle station comme nous l'avons fait ailleurs, puisque le réseau de la radio publique tunisienne couvre bien le pays avec 9 chaînes de service public, dont 4 chaines nationales et 5 stations régionales. Notre rôle est d'apporter du conseil et de l'expertise, d'amener de la matière grise, sachant que tout est décidé ensemble, comme le stipule la convention qui nous lie». Une aide parfois intéressée A l'instar de Radio Hirondelle, plusieurs organisations et médias fournissent des formations et des aides aux journalistes tunisiens dans leur apprentissage de la démocratie. «La formation, c'est bien. Nous en avons déjà reçu de la BBC et de Radio Monte Carlo. Mais c'est sur le terrain que se forme et se construit le journaliste. Il y a bien souvent des intérêts qui se cachent derrière l'aide fournie par des institutions étrangères. La révolution et la transition que nous sommes en train de vivre ont leurs spécificités dans lesquelles nous devons trouvez nous-mêmes nos marques», relève la journaliste Aouatef Mzoughi, de la chaîne culturelle de la Radio publique tunisienne. «Dès le 14 janvier (chute de Ben Ali), les rédactions de la radio publique ont pris les choses en main avec de grandes ambitions. Nous pouvons aborder tous les sujets, sans tabou, contrairement à nos collègues de la Télévision publique plus exposés aux pressions et à l'emprise des cadres de l'ancien régime». Une hiérarchie issue de l'ancien régime Un point de vue que partage Najiba Hamrouni, présidente du Syndicat national des journalistes tunisiens: «Depuis la révolution, de nouveaux PDG ont été nommés à la tête de la radio et de la télévision publiques. Mais les autres cadres nommés sous Ben Ali sont toujours là avec un système de contrôle plus profondément implanté à la télévision qu'à la radio. Leurs directions cherchent toujours à intervenir dans le travail des journalistes». Samuel Turpin rapporte lui un autre avis: «Nos partenaires tunisiens font le constat suivant : Après le 14 janvier, il y a eu une libération de la parole avec tous les dérapages possibles. Ce qui aboutit à un manque d'équilibre et à des tensions. Certaines remarques sont considérées comme de la censure, à savoir l'équilibre entre les positions exprimées ou l'importance d'indiquer les sources des informations». Pour mieux garantir la liberté des journalistes, un nouveau code de la presse (contesté par certains journalistes) est en cours d'élaboration et devrait être adopté avant la tenue des élections du 23 octobre. A cela s'ajoute un autre aiguillon à même de stimuler des médias de qualité, selon Najiba Hamrouni: «La soif d'information est immense et les citoyens tunisiens comparent la production journalistique nationale avec celle des chaines et des médias internationaux». L'impact libyenLe contexte régional, lui, n'a pas d'incidence directe sur le renforcement de l'indépendance des médias. Mais la promesse d'une Libye libérée ne peut que favoriser la transition démocratique du voisin tunisien. «Si la Libye se stabilise et se démocratise, cela aura une incidence directe sur la sécurité et l'économie de la Tunisie. Beaucoup de réfugiés libyens ont été accueillis dans des familles tunisiennes et beaucoup de Tunisiens travaillaient en Libye. La reprise des échanges et de la circulation entre les deux pays, proches sur bien des plans, est donc une perspective très réjouissante». Source : http://www.armees.com/la-difficile-independance-des-medias-tunisiens,49210.html