Qu'entend-on par «partage de la valeur ajoutée»? La problématique du partage de la valeur ajoutée est une question relativement complexe qui continue d'alimenter les débats tant au sein des populations qu'entre experts et chercheurs. Cette complexité tient notamment aux interactions entre la croissance et la répartition des richesses. En effet, la valeur ajoutée représente le supplément de richesse généré au cours du processus de production par la mise en oeuvre de travail et de capital. D'une manière générale, la répartition de ce supplément de richesse peut s'apprécier de différentes façons. D'un point de vue de l'unité productive, c'est avant tout la répartition entre les revenus du travail et du capital qui importe (partage primaire). Du point de vue des agents économiques, c'est plutôt le revenu disponible qui compte. Autrement dit, c'est celui dont les agents disposent effectivement après prise en compte de toutes les opérations de redistribution (prélèvement fiscaux et sociaux, revenus de transfert, revenus du capital, etc.)( Voir Artus P. et Cohen D. -1997: «Le partage de la valeur ajoutée », Conseil d'Analyse Economique). Dans ce contexte, nombreux sont les Tunisiens qui invoquent toujours sa décroissance, au bénéfice du "capital" ou du "profit". En effet, depuis la révolution, les revendications sociales ont suscité un débat récurrent sur le partage de la valeur ajoutée. L'hypothèse avancée est que la croissance serait caractérisée par un «mauvais» partage de la valeur ajoutée. Un partage qui est «trop défavorable» aux salariés et qui limiterait par conséquence la consommation et entraînerait donc une faible croissance économique. La question qui est aujourd'hui posée est ainsi celle du «bon partage» de la valeur ajoutée. L'équilibre entre salaires et profits est souvent difficile à déterminer et il n'existe pas de consensus chez les économistes sur les déterminants de ce partage. En tout état de cause, il n'existe pas de loi économique précise déterminant un partage idéal (Voir Timbeau X. 2002: «Le partage de la valeur ajoutée en France», Revue de l'OFCE n°80, janvier 2002). A ce niveau, deux courants s'opposent: le premier courant stipule que la répartition devrait favoriser le facteur travail en mettant l'accent sur les salaires de tous ceux qui travaillent. En effet, une hausse des salaires stimulerait plus la consommation et la demande interne. A l'inverse, le deuxième courant défend l'idée que la répartition devrait être favorable au facteur capital pour ne pas pénaliser l'investissement, car les capitalistes manquent de moyens financiers et d'incitations à investir. L'expérience internationale montre que dans les pays occidentaux et émergents, le partage se maintient autour de deux tiers pour le travail et un tiers pour le capital. Aussi est-il frappant de constater (voir graphique ci-dessous) qu'en Tunisie le rapport est inversé avec 40% pour le travail et 60% pour le capital. Cependant, il est important de souligner que ce niveau de partage satisfait environ 60% des chefs d'entreprise. En effet, selon l'enquête, 60% des chefs d'entreprise jugent que la part des salaires dans la valeur ajoutée est moyenne, 32% l'estiment élevée et 8% la considèrent comme faible. Graphique 1 : Partage de la valeur ajoutée3 Source : INS- compilation de l'auteur Depuis 1990, plusieurs phases peuvent être distinguées (graphique 1). La part des salaires a augmenté jusqu'en 1995, a légèrement diminué pour se stabiliser pendant une décennie, a connu à nouveau un pic en 2006 avant de se dégrader rapidement pour retrouver en 2010 son niveau de 1990, perdant ainsi en moins de 5 ans près de 4 points de pourcentage au profit du capital. -------------------- *Etude IACE