2) Politique salariale Depuis la révolution, on réclame de tous côtés, à corps et à cris, des hausses de salaires. En effet, avec la révolution, l'impatience grandit sur le terrain des emplois et la pression en faveur de hausses de salaires s'accroît. Ces revendications ont été appuyées par l'idée qu'une hausse des salaires stimulerait la consommation et la demande interne. Toutefois, dans le contexte actuel, une telle hausse des salaires ne produirait aucune stimulation sur la croissance car d'une part, ce qui sera distribué aux salariés devra être prélevé ailleurs et d'autre part, la propension à importer est élevée. Si les entreprises n'en supportent pas intégralement la charge, l'Etat devra assurer le financement de cette mesure en réduisant ses dépenses, en augmentant les impôts ou en laissant filer un peu plus le déficit budgétaire. Penser que faire de la redistribution à travers les salaires permettra de relancer la consommation est une erreur économique, surtout lorsqu'on importe une grande partie des biens consommés. Toute hausse du coût horaire risque d'exercer des effets destructeurs sur la demande d'emploi surtout si elle alimente l'inflation. Il faut bien garder à l'esprit que toute hausse de salaire, en obligeant les employeurs à payer certains salariés au delà de leur productivité marginale, priverait ces derniers de toute chance de trouver un emploi puisqu'il serait absurde pour un employeur de payer un salarié plus que ce qu'il ne rapporte. Au final, la hausse du salaire crée nécessairement du chômage car, à chaque hausse, un certain nombre de travailleurs deviennent, ceteris paribus, inemployables au salaire en vigueur. Si l'augmentation des salaires n'est pas intégralement compensée par des aides publiques, le coût du travail sera alourdi et cela réduira l'emploi des personnes qui ont déjà le plus de mal à s'insérer sur le marché du travail. Or, dans une entreprise, les hausses de salaires exercent des effets majeurs sur la distribution des autres salaires et sur les coûts salariaux. Là encore, c'est un alourdissement du coût du travail qui hypothèque la lutte contre le chômage. Au total, augmenter le salaire n'est donc ni une bonne idée pour faire de la redistribution, ni pour créer de l'emploi. On notera que les résultats de l'enquête auprès des chefs d'entreprise viennent à l'appui de ce constat. En effet, 70,8% d'entre eux jugent que les coûts salariaux sont déjà très élevés en Tunisie. Le bon sens économique voudrait que les salariés soient rémunérés en fonction de leur productivité (Voir Artus P. 2005: «Quelle politique salariale?», Flash (CDC-IXIS), N°72). Les entreprises n'ont pas pour objectif de faire du social mais ont pour fonction de créer de la richesse et donc de l'emploi tout en réalisant des bénéfices. Il est donc de notre devoir aujourd'hui de créer les conditions pour que les entreprises puissent exporter davantage, investir, embaucher et in fine augmenter les salaires. Une augmentation immédiate des salaires renchérirait donc les coûts de production des entreprises et réduirait, par ricochet, la compétitivité coût de nos entreprises. Ceci étant dit, une augmentation des salaires n'est possible que si on est capable d'augmenter la productivité de notre économie. En effet, les différences de salaire doivent refléter, dans une certaine mesure, la contribution plus ou moins importante de chacun à la production, ou la rareté des diverses qualifications. Une règle d'or est de proportionner les gains de pouvoir d'achat des salariés à leur effort de travail, par un salaire modulé et par un co-intéressement aux résultats de l'entreprise. Graphique 8 : Salaires réels et productivité du secteur non agricole (1990=100) Le graphique ci-dessus représente l'évolution des salaires réels et de la productivité dans le secteur non agricole. Si on considère la période 1990-2006, aussi bien la productivité que les salaires réels ont évolué en moyenne d'une manière presque identique (environ 40%). En effet, les salaires réels on rattrapé leur retard en 2005 et 2006. Par contre si on considère la période récente, on assiste à une remarquable divergence entre l'évolution des salaires et de la productivité.