Peu de projets de lois de finances ont porté à ce point les marques du blocage politique, économique et social qui frappe le pays. Le blocage politique pousse le gouvernement de transition à sacrifier l'avenir au présent, à privilégier la consommation au détriment de l'investissement et au déni des réalités économiques. L'absence de dialogue social, à évoluer sur la pente savonneuse de l'inflation salariale, de la création d'emplois publics improductifs et la préconisation de mesures fiscales nettement sous-calibrées et sans souci réel de leur adéquation avec les véritables enjeux auxquels doivent faire face les entreprises tunisiennes. Le marasme économique enfin, à adopter des mesures qui, in fine, aboutissent à aggraver la ponction fiscale, alourdir le poids de l'Etat dans l'économie et renforcer le pouvoir inquisitorial de la machine administrative, avertit Dr Hachemi Alaya, ingénieur-conseil à Tema Consulting (conseil en stratégie d'entreprise). Et il donne le coup de grâce: En calant ses prévisions budgétaires sur des hypothèses de croissance et de rentrées fiscales fort optimistes, le projet de loi de finances 2013 apparaît globalement peu pertinent, décalé par rapport aux véritables enjeux, peu crédible et, dans bien des domaines, inopportun. Selon lui, les visées et les choix du pouvoir politique en place tels qu'ils apparaissent clairement à l'issue d'une première lecture du projet qui vient d'être soumis à l'Assemblée constituante, doivent nous interpeller à 4 niveaux : - pertinence des choix de politique économique qui le sous-tendent, - adéquation des mesures fiscales préconisées, - crédibilité du projet de budget, - opportunité des mesures sociétales qui l'accompagnent. Sur le point de la pertinence, il dénonce une politique de relance par la consommation au détriment de l'investissement alors qu'il est hautement recommandé de favoriser l'offre par une série de mesures fiscales en faveur des entreprises; donc en faveur de ceux qui créent la richesse et les emplois. Sur le point de l'adéquation, il dénonce des mesures fiscales en décalage par rapport aux véritables enjeux économiques et rappelle qu'au cours de la semaine où le gouvernement a rendu public son projet de loi de finances, le Cabinet Pricewaterhouse, en collaboration avec la Banque mondiale, a publié son rapport sur l'attractivité fiscale de 183 pays dans le monde où, comparée à une sélection de pays riverains, la Tunisie y apparaît comme un site où l'entreprise est la plus lourdement taxée. Loin de s'atteler à améliorer la compétitivité de l'entreprise tunisienne par des mesures audacieuses visant à aligner le fardeau fiscal qu'elle supporte sur celui des pays concurrents, la loi de finances 2013 se contente de mesures dérisoires par rapport aux véritables enjeux auxquels doit faire face l'entreprise tunisienne, commente-t-il. Sur le point de la crédibilité, il estime que les prévisions budgétaires sont fort optimistes alors que le budget 2013 a été conçu de façon à ramener le déficit à 2,5% du PIB en 2017. Des prévisions qui reposent sur une hypothèse de croissance du PIB qui est infirmée par les organismes internationaux, tel que le FMI. Un déficit de crédibilité qui apparaît également au niveau des prévisions de recettes fiscales. Sur le point de l'opportunité, il dénonce des dispositions qui lui semblent alourdir les coûts d'administration et découragent l'initiative entrepreneuriale car elles se traduisent pour l'entreprise en surcroît d'heures de travail (et de ressources) allouées pour l'acquittement de ses obligations fiscales, en alourdissement des charges financières supportées dans l'accomplissement des formalités administratives et craintes de certains investisseurs face aux nouvelles prérogatives inquisitoriales de l'administration fiscale. Hachemi Alaya est ancien élève diplômé de l'ENSAE-Paris, docteur d'Etat ès sciences économiques de l'Université Paris I et professeur agrégé sous la présidence du professeur Raymond Barre. Hachemi Alaya est spécialisé dans les politiques et les stratégies monétaires, bancaires & financières.