OPINION - L'effet d'annonce de l'accord conclu entre le secrétaire général de la centrale syndicale, Houcine Abbassi, et Rached Ghannouchi, leader du parti Ennahdha en vertu duquel Ennahdha accepte l'initiative de l'UGTT pour sortir de la grave crise politique que connaît le pays, n'aura duré que quelques minutes puisque les faucons nahdhaouis se sont invités sur les plateaux des radios pour en minimiser l'impact et rappeler que rien n'a été encore décidé. D'abord, rappelons que l'initiative de la centrale syndicale comporte sept points: 1) La formation d'un gouvernement de compétences nationales restreint, indépendant dont les membres s'engagent à ne pas se présenter aux prochaines élections et donnant la priorité au volet sécuritaire et économique. 2) La dissolution des Ligues de protection de la Révolution. 3) La neutralité de l'administration, des institutions éducatives et religieuses. 4) La révision de toutes les nominations locales, régionales, centrales et diplomatiques. 5) La formation d'un comité national pour enquêter sur les derniers assassinats politiques et attentats terroristes. 6) La constitution d'un comité d'experts pour achever l'élaboration de la Constitution et en réexaminer les points litigieux. 7) L'élaboration d'une loi électorale dans un délai ne dépassant pas les 15 jours après la création de l'Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE). Officiellement, le parti Ennahdha a rendu, juste après la déclaration de son leader Ghannouchi annonçant l'aboutissement à un accord, un communiqué dans lequel le parti reconnaît certes avoir accepté l'initiative de la centrale syndicale en tant que point de départ du dialogue visant à acheminer le pays vers une sortie de crise, mais ajoute un élément d'information qui risque de ramener les négociations à la case de départ. En effet, le même communiqué précise que "le gouvernement de la Troïka ne démissionnera pas et continuera sa mission jusqu'à ce que le dialogue national aboutisse à un choix consensuel qui garantira la transition démocratique et l'organisation d'élections libres et transparentes". Pis, intervenant sur les ondes de Radio Express Fm, deux faucons nahdhaouis, en l'occurrence le ministre de la Santé, Abdellatif Mekki, et le secrétaire d'Etat auprès du ministre des Affaires sociales chargé de l'Emigration et des Tunisiens à l'étranger, Houcine Jaziri, ont déclaré que la position de leur parti n'a pas été bien comprise. Pour eux, l'accord n'était qu'un accord de principe aux termes duquel Ennahdha accepte le principe d'entamer le dialogue. Décryptage: Ennahdha campe toujours sur ses pistions initiales. Le parti reste au final attaché à un gouvernement d'union nationale présidé par une personnalité nahdhaouie et à la poursuite des travaux de l'Assemblée nationale constituante (ANC). Moralité : l'annonce de cet accord n'aura a été qu'une énième manuvre de Rached Ghannouchi et de ses sbires pour gagner du temps. Pour sa part, l'opposition crie au piège et met en garde ses composantes contre toute adhésion naïve à cet accord de principe. Le porte-parole du Parti des Travailleurs et membre du Front Populaire, Jilani Hammami, rappelle du reste que cet arrangement n'est pas encore une «décision définitive» des nahdhaouis, c'est tout juste un engagement sur «la base d'un dialogue». Sur sa page Facebook, Mohsen Marzouk, membre du bureau politique de Nida Tounes, appelle les opposants à la prudence estimant qu'«en attendant une vision plus claire de la part du parti Ennahdha et une acceptation franche du contenu de l'initiative de l'Union générale tunisienne du travail (UGTT), l'opposition doit camper sur sa position et surtout ne pas applaudir les déclarations à chaud des protagonistes». La députée, Karima Souid (opposition), a mis en garde, dans un post sur sa page officielle, contre la «manuvre» d'Ennahdha et rappelle que le sit-in du «Départ» ainsi que la mobilisation du samedi 24 août restent d'actualité. Pour elle, il ne peut y avoir de dialogue sans la démission, au préalable, du gouvernement actuel et la formation d'un gouvernement de salut national. Cela pour dire in fine que la situation n'a pas bougé d'un iota, nous sommes toujours au point de départ. Un seul élément nouveau. La balle est, cette fois-ci bel et bien dans le champ d'Ennahdha qui risque de payer gros ces manuvres auprès d'une population usée et désabusée.