Des professionnels des médias tunisiens et arabes ont estimé jeudi à Tunis que les médias tunisiens et égyptiens se sont imposés, durant la période post-révolution, "comme un véritable pouvoir", sans pour autant occulter les dérives médiatiques. Le débat organisé à l'initiative du forum Ibn Rochd et de "l'institute for war and peace reporting" sur le thème "l'information, entre les exigences de la profession et la partialité : cas de l'Egypte et de la Tunisie", a permis de mettre l'accent sur les contraintes, les critères de la pratique journalistique professionnelle ainsi que l'impact des médias sur l'opinion publique dans la région. Il est impératif de promouvoir une pratique journalistique saine pour rapporter les événements dans le respect des critères de crédibilité, de responsabilité et d'objectivité conformément aux normes professionnelles", estime Khalil Fahmi, rédacteur en chef de la chaîne de télévision Ahram On-line. Il explique que "la liberté de presse est une responsabilité à l'égard des téléspectateurs et de l'opinion publique. Elle commande le respect de l'éthique professionnelle dans l'exercice de la liberté". Egypte Pour l'universitaire égyptien Foued Abderrazek, "le journaliste fait face aujourd'hui à une crise qui consiste dans la difficulté qu'il trouve à occuper une position médiane dans un paysage brouillé et chargé d'interférences". Pour preuve, il cite la difficulté qu'il y a à choisir les mots, les concepts et les définitions dans un environnement où "il n'y a plus de place pour la neutralité absolue". Pour sa part, le journaliste d'Al Jazira, Zine El Abidine Taoufik, a avancé que "nombre de médias égyptiens sont une émanation de l'ancien régime". Il va plus loin pour affirmer que plusieurs entreprises d'information ont été créées durant la période post-révolution pour répondre à une volonté d'hommes d'affaires, particulièrement ceux appartenant à l'ancien régime, qui cherchent à utiliser ces médias comme des machines de propagande. "Le paysage médiatique égyptien est instable et ne sert pas les objectifs de la révolution. Les médias se sont positionnés, dès les premiers jours de la révolution, comme des porte-voix de la contre-révolution". Par ailleurs, le journaliste croit que les problèmes du secteur de l'information en Egypte sont centrés sur des questions d'infrastructure et de professionnalisme. Nous faisons remarquer à notre confrère d'Al Jazeera que les masques sont tombés depuis longtemps concernant le professionnalisme de cette chaîne. De son côté, Omar Kahki, propriétaire des chaînes Ennahar, n'a pas renié l'existence de dérives et de défaillances au niveau de la formation de journalistes compétents, appelant à la nécessité d'organiser le secteur pour y faire régner la discipline. Tunisie... En ce qui concerne la situation en Tunisie, le journaliste et expert Slaheddine Jourchi a évoqué l'impact des médias tunisiens sur le paysage politique de manière générale en cette étape et dans la création de nouveaux équilibres politiques dans le pays. "Les médias, bien qu'ils aient réussi à normaliser leurs rapports avec l'opinion publique, ils continuent de souffrir des répercussions de la crise actuelle", estime-t-il. "Nous avons besoin d'engager une profonde réforme dans les rédactions mais aussi aux plans financier et administratif, et de rechercher les moyens permettant de concilier entre l'indépendance, l'efficacité, la recherche de l'information et le scoop". Liberté d'expression retrouvée Pour sa part, la journaliste et experte Jannet Ben Abdallah a indiqué que le paysage médiatique traverse une période de transition, passant d'un secteur verrouillé à une information libre sans pour autant respecter les contraintes juridiques ou éthiques. "Les conflits vécus dans le secteur de l'information sont la conséquence de l'absence d'un référentiel juridique respecté par toutes les parties", a-t-elle expliqué. Quant au journaliste et syndicaliste Zied El-Heni, il a soutenu que le véritable acquis de la révolution est la liberté d'expression et d'information, reconnaissant toutefois l'existence de graves violations et de dérives. Enfin, l'expert en communication Ridha Kazdaghli pense qu'"il est nécessaire de tenir compte du côté humain dans le travail journalistique et dans tout effort en vue de l'élaboration des normes éthiques et du cadre juridique organisant le secteur de l'information".