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Les effets pervers de l'exclusion financière en Tunisie
Publié dans WMC actualités le 29 - 03 - 2014

A l'échelle de l'Afrique, c'est en Tunisie que la première banque a vu le jour, il s'agit de la Banque de Tunisie qui a été fondée en 1884. Au cours des années trente du siècle dernier, plusieurs banques locales ont été créées avant la constitution de la doyenne des banques nationales, en l'occurrence la Société Tunisienne de Banque; c'était en janvier 1957. L'idée était de stimuler l'investissement à travers la mobilisation de l'épargne, en particulier, et ce pour lisser un cycle économique équilibré permettant la lutte contre la situation d'atrophie financière du pays.
Malgré l'ancrage du système financier et bancaire dans la sphère économique nationale et son organisation adéquate, le taux de bancarisation des populations et leurs accès aux services financiers et bancaires restent faible, privant, ainsi, des franges entières de la société d'être intégrées au niveau de la finance formelle.
Côté statistiques, les évaluations divergent. La Banque mondiale révèle que la Tunisie affiche un taux de bancarisation de 17,2 agences pour 100.000 adultes, devancée par le Maroc avec un taux de 22,3 et assez loin de l'Algérie avec un taux de 5,3 agences. Le constat est que les taux pour les trois pays restent limités par rapport à ceux des pays développés.
La Banque centrale de Tunisie (BCT) estime que le taux de bancarisation en Tunisie est satisfaisant (1 compte pour 2 habitants et 1 carte pour 5 habitants), elle affirme qu'il gagnerait à être amélioré.
Selon certains bureaux tunisiens spécialisés en analyse financière, on évoque un taux de bancarisation de 47% associé à un taux de pénétration d'une agence pour 7.100 habitants. Ceux-ci notent une dynamique d'automatisation des opérations bancaires qui s'accélère avec la multiplication des Distributeurs Automatiques des Billets (DAB) et des Guichets Automatiques de Banque (GAB).
D'après l'Association professionnelle tunisienne des banques et établissements financiers (APTBEF), le nombre total des comptes, au 30 septembre 2013, s'est élevé à 12.207.762, soit un rapport de 1,12 compte par habitant. Au 31 décembre 2012, le nombre d'habitants par agence était de 7.336, et l'évolution des indicateurs de la monétique, à fin décembre 2013, montre que le nombre des GAB était de 1.939 et que les unités des Terminaux de Paiement Electronique (TPE) installés s'élevait à 12.767 pour un volume global de transactions de 548.257 mille dinars.
Néanmoins et selon des ONG locales, seulement 32% des Tunisiens âgés de 15 ans et plus disposent de comptes dans des institutions formelles de financement. A l'échelle mondiale, 77% des pauvres n'ont pas de comptes bancaires.
La problématique de l'exclusion financière et bancaire
Rappelons d'abord que l'analyse des spécificités du secteur bancaire tunisien montre qu'il s'agit d'un système diversifié, peu équilibré en liquidité et en solvabilité et relativement ancré au niveau du tissu socioéconomique. On invoque, aujourd'hui, la nécessité de le restructurer, notamment par des injections massives de fonds et par le recours à des associations de référence.
Ainsi, de nouvelles stratégies économiques doivent être envisagées afin de tendre à son ouverture sur l'extérieur, ce qui suppose des exigences pour accompagner les entreprises et répondre à leurs besoins financiers.
Le système bancaire local présente quand même certains atouts s'articulant autour du nombre important des institutions: 21 banques universelles, 14 établissements financiers spécialisés dont 10 sociétés de leasing, 2 de factoring, 2 banques d'affaire et 8 banques off-shore.
En ce qui concerne le processus de réforme du système, trois objectifs sont recherchés : une contribution efficace dans la réalisation de l'essor macroéconomique à travers un secteur bancaire public structuré et compétitif, un accroissement de l'efficience et de la compétitivité en encourageant les opérations de rapprochement et de regroupement et une extension de l'activité bancaire pour s'affirmer notamment aux pays du Maghreb et en Afrique
Quoique, le système souffre de plusieurs maux se rapportant à sa dispersion sur un marché, à faible opportunité et hautement risqué en matière de crédit, à la vulnérabilité de ses assises financières et à son mode de gouvernance consacrant, subséquemment, la sélectivité de la clientèle pour marginaliser une grande partie des populations en termes d'accès aux prestations offertes.
Le cas des agriculteurs, dont 6% seulement sont bancables, est très révélateur de la situation tragique d'exclusion bancaire et financière en Tunisie.
Statistiques globales de bancarisation en Tunisie
Source : L'Association professionnelle tunisienne des banques et établissements financiers (APTBEF) - dernière mise à jour, mars 2014.
En termes conceptuels, par exclusion financière, on perçoit le processus par lequel une personne fait face à des problèmes pour parvenir à bénéficier des services et produits financiers proposés par des fournisseurs conventionnels répondant à ses besoins pour mener une vie sociale habituelle.
Le phénomène est au cœur de faits assez confus. Il est tout d'abord observé comme l'un des effets de l'exclusion sociale et conjointement, il est vu comme le résultat de l'expulsion définie comme un enchaînement par lequel une personne éprouve des obstacles au niveau de la pratique habituelle financière et bancaire. Une condition d'exclusion bancaire n'est donc compréhensible que par rapport aux résultats sociaux qui la forment.
La problématique a commencé à être élucidée au début des années 1970 en Europe dans un environnement marqué par deux faits importants. Il s'agit, d'une part, des mutations socioéconomiques qui ont enfermé des classes de la population dans la circonférence des grandes villes, dépourvues des infrastructures financières basiques, et, d'autre part, d'ajustements prépondérants induits par les tendances de libéralisation dans ce domaine.
Ces changements ont aidé à entretenir une double suite de dilatation et de fractionnement pesants des prestations des produits et services bancaires et financiers. Il s'en est suivi une évolution de la gamme ainsi que les modalités de sa présentation. Le centre actuel d'intérêt de la problématique s'est déplacé vers les pays en développement.
Les effets de la marginalisation financière des populations : le cas de la Tunisie
Soulignons que les rapports banque/entreprise, en termes d'exclusion financière, ont retenu l'attention des analystes dans la mesure de l'ampleur de ses effets dommageables à la croissance économique. L'accès aux services financiers des ménages est, quant à lui, une préoccupation différente en raison de ses suites économiques et sociales de marginalisation, de stigmatisation, de la consécration de la pauvreté et du creusement au niveau de l'inégalité des revenus.
Les économistes ont concédé plusieurs variables expliquant l'exclusion financière, cependant, celles-ci varient d'un contexte à l'autre. Les divergences se décrivent, selon les spécificités des produits et services financiers et le mode de leur offre aux populations. On a mis en exergue, pareillement, l'importance du côté de la demande, notamment les volets se rapportant à la situation et à la capacité financière des individus.
En outre, les pouvoirs publics ont toujours été perçus comme jouant un rôle de facilitation d'accès aux produits et services financiers à travers des politiques appropriées mais la réglementation a souvent créé des handicaps renforçant l'exclusion.
En Tunisie, et jusque-là, très peu d'études se sont intéressées à ajuster un lien entre réglementation bancaire et exclusion financière, bien que celle-ci ait contribué à exacerber ce phénomène.
Plusieurs dysfonctionnements peuvent être révélés et qui se rapportent, principalement, à la dimension prudentielle vitale de la réglementation locale. C'est ainsi qu'en matière de solvabilité et bien que les textes prévoient que les banques doivent observer des règles en vue de garantir leur capital minimum ajusté aux risques, les standards internationaux ne sont pas respectés, sur ce plan, ce qui entoure les exigences de disponibilité des fonds propres nets d'une grande confusion.
D'un autre côté, centaines banques accordent des crédits dont les échéances ne correspondent pas à celles de leurs dépôts. Un risque de taille en matière de liquidité surtout en cas de volatilité des ressources qui pourrait être engendrée, que ce soit par des chocs endogènes ou exogènes.
Au niveau de la concentration des risques, des concours peuvent être accordés à l'Etat et à ses démembrements par rapport à un discernement ambigu. Aussi, en matière de provisionnement, la réglementation n'impose pas, de façon vigoureuse, la constatation comptable des pertes et la couverture des créances douteuses par des provisions effectivement requises. Les carences de contrôle interne du système, dans son ensemble, constituent l'une des faiblesses majeures dans la maîtrise des risques financiers et bancaires dans notre pays.
Les conséquences de l'exclusion bancaire
Source : Lazuech Gilles, Moulévier Pascale, «L'exclusion monétaire. Les conduites financières des populations économiquement marginales» - Rapport du centre Walras, Economica, Paris, 2010.
Compte tenu de ce qui précède, les dégâts produits par la politique des autorités financières, durant des années, pour mettre une grande frange des populations tunisiennes en état de marginalisation financière et bancaire s'expliquent par deux facteurs principaux, à savoir les coûts du crédit et les exigences souvent insensées des garanties.
Les coûts du crédit tiennent largement aux conditions de banque qui, depuis quelques années, étaient strictement encadrées par les autorités publiques dans le cadre de sa stratégie de sélectivité des crédits. En conséquence, elles n'obéissaient pas à la logique du marché mais étaient, soi-disant, considérées comme des outils de développement.
Avec le processus de libéralisation financière amorcé en Tunisie dès le milieu des années 1990, la détermination des conditions de banque a été déréglementée. Cette libéralisation est en partie contrainte dans la mesure où les établissements de crédit sont continuellement tenus de respecter les bornes constituées par le taux créditeur minimum (TCM) et le taux débiteur maximum (TDM). On les oblige, aussi, à publier leur taux de base bancaire et à afficher leur barème des conditions minimales et maximales applicables aux opérations avec la clientèle.
Quant à l'exclusion par les exigences des garanties et malgré les niveaux assez élevés des taux d'intérêt, certains individus sont disposés à les supporter. Théoriquement, les garanties ont un double rôle, elles entraînent une diminution de la probabilité de défaut de l'emprunteur liée au risque d'aléa moral dans le sens où l'emprunteur fera tous les efforts pour rembourser la banque afin de ne pas perdre la garantie fournie et elles réduisent la perte de la banque en cas de réalisation du risque.
En réalité, ces garanties constituent une véritable contrainte à l'accès au crédit aussi bien pour les PME que pour les personnes à faible revenu. En Tunisie, un nombre important d'individus n'ont pas accès au crédit bancaire car ils ne peuvent pas satisfaire les exigences des banques en matière de garanties compte tenu du fait qu'ils n'ont pas souvent des avoirs pouvant être considérés comme caution pour un prêt ou au contraire s'ils en disposent, ils n'ont pas les titres appropriés.
De leur côté, ces PME ainsi que les personnes à faible et même à moyen revenu font face à des banquiers exigeant des garanties dont le montant est souvent nettement supérieur au crédit sollicité en infraction claire aux réglementations.
Dans notre pays, les exigences de garanties ne relèvent pas de la réglementation au sens strict. Elles sont plutôt laissées à la discrétion de chaque banque qui les fixe en fonction du profil des clients et des différents segments du marché. Sur les garanties apportées par les entreprises, les banques avancent fréquemment qu'ils tiennent compte, amplement, du risque de dépréciation.
Il est regrettable que la privation de compte, considéré comme un droit universel, et l'impossibilité de profiter des services financiers bancaires touche, actuellement, des couches importantes de Tunisiens et des résidents légaux. Cet état de choses est d'autant moins acceptable que la détention d'un compte, outre le fait qu'elle est souvent obligatoire rien que pour la simple justification des revenus, est évidente pour bénéficier des concours financiers nécessaires à l'équilibre socioéconomique au niveau de la société.
Notons, de ce fait, que la plupart des paiements sont légalement réalisables à travers les effets de commerce tels que les chèques, les traites, les billets à ordre, etc.
Il est, aussi, extrêmement discriminant pour qu'un citoyen tunisien ou un résident légal dans notre pays n'a pas l'accès aux moyens des paiements à distance, ou est confronté à des difficultés de leur fonctionnement, ce qui augmente les risques du maniement des espèces pour réaliser des règlements et accroît encore le sentiment d'exclusion.
Il est certain que les relations entre de larges couches de populations et les institutions financières pourraient aboutir à une exclusion vu ses conséquences sur les trois composantes du lien social : l'estime de soi, les liens de famille et aux proches, et les rapports économiques et civiques. Au regard d'autres optiques, sont considérées, aussi, les difficultés résultant de la demande de prêts et du fléau du surendettement. Ces derniers sont observés en partie comme conséquence des difficultés d'usage du service financier et bancaire, au sens large.
*Spécialiste en gestion des risques financiers


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