«La conférence des partenaires». C'est l'intitulé que le gouvernement a choisi de donner, fort significativement, à la rencontre organisée le 18 juin dernier pour présenter aux bailleurs de fonds internationaux les «nouvelles orientations stratégiques de l'intervention publique dans le financement de l'économie». Même si elle fait appel à eux, la Tunisie a d'entrée de jeu expliqué ce qu'elle attendait de ses partenaires étrangers dans le cadre de ce chantier dont la réussite est vitale pour la relance de son économie. «La Tunisie n'attend pas qu'on lui impose un schéma. Le modèle actuel de la restructuration, qu'on a vu à l'uvre, notamment dans les pays de l'Est et l'Espagne, il faudra s'en inspirer. Mais nous attendons de vous un partenariat technique, un apport d'expertise pour nous guider», explique Chedly Ayari. «Pendant toute cette période, nous aurons besoin d'un coach», résume le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT). Ce coaching, qui se ferait dans le cadre d'un comité de pilotage, devra en particulier permettre à la Tunisie de «choisir un partenaire stratégique qui pourra être tunisien ou étranger». Un fonds de restructuration Cet apport d'expertise doit ensuite être complété par «un input financier pour des opérations particulières», par le biais d'un «Fonds de restructuration» dont la création est souhaitée par la partie tunisienne. Qui voudrait à ce sujet «pouvoir compter sur la coopération financière, technique et stratégique de nos partenaires». Outre les contributions des bailleurs de fonds internationaux, ce fonds de restructuration serait mis sur pied avec les deux enveloppes de 500 millions de dinars destinées à la recapitalisation des banques publiques, et par le fruit de la cession des sept participations de l'Etat dans d'autres institutions bancaires. Tout naturellement, l'annonce des autorités tunisiennes de leur volonté de prendre enfin par les cornes le «taureau» bancaire, a fortement intéressé les bailleurs de fonds internationaux venus en nombre à la conférence du 18 juin. Traduisant fort probablement la pensée de ceux qui n'ont pas pris la parole, les représentants des plus grands bailleurs de fonds internationaux ont assuré le gouvernement tunisien de leur entière disposition à collaborer avec lui sur ce dossier. C'est le cas notamment d'Eileen Murray, responsable du bureau de la Banque mondiale en Tunisie. Qui a notamment annoncé qu'on «va étudier la question de savoir si on va vous appuyer sur le fonds de restructuration». BEI Tunisie, avantage aux banques privées Idem pour celui de la Banque européenne d'investissement (BEI), Ulrich Brunnhuber qui, au passage, a rappelé que son institution a investi 1 milliard d'euros en Tunisie au cours des quinze dernières années, et s'est étonné que durant cette période «les banques privées tunisiennes aient tiré trois plus que les banques publiques» sur les lignes de financement mises à la disposition de la Tunisie. Mais ce dossier étant mis sur la table en période de transition politique, il était inévitable que les bailleurs de fonds demandent en l'occurrence c'est le représentant d'Attijari Bank qui a posé la question- si l'action engagée aujourd'hui continuera avec le prochain gouvernement élu de la Tunisie. Visiblement embarrassé par la question, le gouverneur de la Banque centrale a laissé entendre qu'en accélérant le processus, avec notamment la mise en place du fonds de restructuration, «ceux qui viendraient après» devront continuer cet engagement quitte à «travailler le processus» pour, sous-entendu, le modifier un tant soit peu. (A suivre) Réaction du ministère du Transport La lecture de l'article «Tunisie: Le gouvernement prend-il la restructuration des entreprises publiques par le bon bout?» contient beaucoup d'imprécisions voire des éléments erronés qui appellent, de la part du ministère du Transport, la note rectificative suivante, que nous vous prions de publier en droit de réponse. «Votre article intitulé "Le Gouvernement prend-il la restructuration des entreprises publiques par le bon bout" pose à juste titre la question centrale qui a fait l'objet d'une journée d'étude organisée par le ministère du Transport de date du 07/06/2014, et ce dans le cadre du Dialogue économique National, en présence notamment des représentants de différents ministères, des partis politiques, des dirigeants d'entreprises publiques, des experts de la société civile et des bailleurs de fonds et financeurs. Il y a lieu de préciser que la démarche adoptée par le ministère du Transport, qui compte 26 entreprises publiques sous tutelle, est de préparer un plan de sauvetage / redressement spécifique à chaque entreprise, d'une part, et d'autre part de préparer les leviers et instruments de financement à travers notamment, un Fonds National de Retournement et un Fonds National d'Impact, afin de garantir la réussite de l'opération et instaurer une logique de financement par le Haut de Bilan (recapitalisation) pour sortir définitivement de la logique "Subvention contre déficit". Ceci repositionne le rôle de l'Etat comme Actionnaire et nécessite bien entendu, une nouvelle logique relationnelle entre l'entreprise publique et la "Tutelle". C'est ainsi que le Ministère du Transport a présenté le dossier pour le débat et a mis en avant l'importance d'une nouvelle Gouvernance des entreprises publiques, en particulier la séparation des rôles entre le Président et le DG, l'élargissement des prérogatives des Conseils d'Administration (ou de Surveillance), l'intégration d'administrateurs indépendants... La question des entreprises publiques qui devront être considérées comme «privatisables » a aussi été soulevée, et la position du Ministère du Transport est claire sur ce sujet. Les entreprises publiques qui opèrent dans le champs concurrentiel sont potentiellement privatisables,...par ailleurs, il y a différentes formes de privatisation; un service public peut être délivré par le privé dans le cadre d'une concession ou d'un PPP. Toutes ces options sont posées sur la table et feront l'objet de discussion au cas par cas, en impliquant les différentes parties prenantes dans la préparation des stratégies de redressement et de développement. L'urgence actuelle reste la mise en oeuvre des plans de sauvetage "court terme" pour assurer la continuité de service et la pérennité des entreprises. Les textes de Lois nécessaires à la mise en oeuvre des Fonds, ainsi que les décisions impactant l'actionnariat et seront prises au moment opportun par le prochain gouvernement élu. Notre rôle c'est aussi de bien préparer le dossier pour la prochaine équipe qui sera chargé de ce dossier dans quelques mois. Les principales recommandations issues de cette journée d'étude sont: Clarifier le rôle de l'Etat et séparer les fonctions d'Etat régulateur / actionnaire et gestionnaire. Instaurer un référentiel de Gouvernance pour l'entreprise publique, qui inclut les aspects éthiques, management de la performance et la Gestion du capital Humain Sortir de la logique de Ministère de « Tutelle » des entreprises publiques et aller vers la logique de responsabilisation du Conseil d'Administration et/ou Conseil de Surveillance (selon le modèle). Alléger le cadre réglementaire et revisiter la Loi 89/9 pour permettre la mise en oeuvre de la restructuration Revoir la Loi 89/9, la possibilité de recruter des cadres du secteur privé à des postes stratégiques pendant la restructuration. Mondher Khanfir