WMC : PGH développe depuis de nombreuses années une présence de plus en plus importante sur le plan régional et international. Kisses sera-t-il concerné par cette dynamique? Raouf Ennaji : Oui, assurément. Nous avons un savoir-faire qui peut être exporté. Nous avons un accès aux marques que n'ont pas nos voisins. Après, il s'agira de trouver la bonne opportunité, le moment venu. Pour l'instant, notre région proche est encore caractérisée par l'insécurité et les conflits. PGH envisage-t-il un développement industriel dans les cosmétiques et les produits de beauté? Vous savez, la distribution et l'industrie sont 2 mondes séparés, chacun avec ses contraintes spécifiques. S'engager dans l'industrie aujourd'hui représente beaucoup plus de défis que par le passé. Les conflits sociaux, le coût de la main-d'uvre, l'inflation importée sont vécus comme de vrais freins par tout investisseur. Par ailleurs, notre marché demeure relativement étroit. Rentabiliser des outils de production sur un marché aussi petit relève du défi dans lequel je n'engagerais pas Kisses. En outre, en termes de cosmétiques, toutes les grandes marques, celles que nos clientes nous réclament au quotidien ne sont plus fabriquées chez nous. Elles sont directement importées et revendues en l'état parce que le marché l'exige. Une cliente, pour qui la beauté compte, veut avoir exactement la même qualité de produit, que celui-ci soit acheté à Tunis, Paris, New York ou Dubaï. Kisses aurait des problèmes avec un industriel de la place. Est-ce vrai? Non, nous n'avons aucun problème avec les industriels tunisiens. Nous ne référençons qu'une seule marque fabriquée en Tunisie, Elegant en l'occurrence, avec qui nous entretenons les relations les plus cordiales. Elegant propose une qualité de produit exceptionnelle, une texture à faire pâlir les plus grands noms des cosmétiques et le tout à un prix défiant toute concurrence. Nous avons beaucoup insisté pour avoir la marque chez nous, parce que nous étions convaincus que nous tenions une marque unique, qui se renouvelle sans cesse. Le monde de la beauté exige que vous vous remettiez en question tous les jours. Rien n'est acquis. Tout est éphémère. Quand une marque l'a compris et qu'en plus elle est fabriquée en Tunisie, alors «elle le vaut bien, non?» (NDLR: Raouf Ennaji, fait référence au célèbre slogan de la marque l'Oréal dont l'égérie a été longtemps l'allemande Claudia Schiffer). Ce n'est pas du côté des industriels que nous avons eu des petits soucis, mais plutôt de la part de certains importateurs de parfums qui refusent de nous livrer, alors que nos magasins sont revendeurs agréés pour la majorité des marques prestigieuses du monde du luxe. Ces petits soucis sont en passe d'être surmontés, parce que la notion de distribution sélective n'existe pas dans notre pays. En forte croissance dans le monde, le segment des cosmétiques pour hommes a-t-il une place en Tunisie? Assurément. La beauté n'est plus une question au féminin seulement. Le monde du travail a changé, la compétition est féroce et de ce fait les hommes doivent se prendre en charge en termes de look. De plus en plus d'hommes entrent à Kisses avec non plus seulement la volonté d'acheter un parfum mais aussi celle d'acquérir un produit de beauté. Comme vous le savez, le premier geste de beauté est le soin. Ainsi, de plus en plus d'hommes Tunisiens n'ont aucun complexe d'acheter une crème de jour, un anti-âge ou un nettoyant. Parce que nous vivons dans une société différente, celle du paraître, où les signaux que nous émettons sont décodés constamment. Seriez-vous étonné d'apprendre que les hommes représentent près de 40% des ventes de parfums à Kisses. En termes de soin, ils ne représentent encore que 5% mais ce segment se développe très rapidement. De plus en plus d'hommes mûrs dépassent ce qui était pour eux un tabou, celui d'acheter un produit de soin. Ce geste est puissant parce que l'Homme Tunisien ne craint plus d'acheter des produits de beauté.
