Qu'est-ce qui va changer après le Sommet Mondial de la Société de l'Information (SMSI) de Tunis ? La question qui se posait déjà avant le 16 novembre (date de début du Sommet), reste aujourd'hui d'actualité... Côté fracture numérique, le président tunisien, Mr. Ben Ali, a rappelé en ouverture de la 2 nd phase du SMSI que "le fossé numérique est en effet un fossé de développement". Une formule tout à fait pertinente si l'on regarde en particulier les derniers chiffres liés à l'Afrique : une population estimée à près de 900 millions habitants, soit 14 % de la population mondiale, pour à peine 23,8 millions d'internautes sur l'ensemble du continent, soit 2,7 % des internautes dans le monde ! A mesure qu'Internet s'impose comme un moyen privilégié d'accès aux connaissances et aux échanges, le lien entre son usage et le développement d'un pays apparaît de plus en plus important, même si l'équipement en TIC ne remplace pas la formation, et ne garantit pas d'emblée la compétitivité et l'efficacité d'une économie... A part ce constat, quid des actions ? Les modestes 5,5 millions d'euros recueillis par le Fonds de Solidarité Numérique (FSN) n'ont pas eu de réels impacts, et les quelques 28 000 kilomètres de fibre optique qui longent l'Afrique depuis trois ans n'ont pas donné lieu à toutes les connexions nécessaires, ne serait-ce que pour atteindre les quartiers de beaucoup de capitales d'Etats africains. C'est probablement les initiatives privées qui vont susciter le plus de changements en la matière, à l'instar de celle du MIT qui est venu présenter son portable à 100 dollars. Côté gouvernance d'Internet , la création d'un forum international ( Internet Governance Forum ) qui réunira des représentants des Etats, du secteur privé et des acteurs de la société civile, a été actée. Sa prochaine réunion aura lieu dans un an, à Athènes. Son champ de discussion touchera les courriels indésirables (spams), les virus informatiques, la cybercriminalité et les moyens pour réduire la fracture numérique... Intéressant, sauf que les fonctions de l'Icann demeurent ! Cette ONG américaine basée à Marina de Rey en Californie continuera de gérer le système de nom de domaine de premier niveau pour les codes génériques (ex : .com, .org...) et les codes nationaux (ex/: .tw, n'en déplaise à la Chine !). De même, elle assurera toujours les fonctions de gestion du système des treize serveurs racines qui sont les piliers de l'architecture du réseau des réseaux. Un véritable problème pour la e-démocratie planétaire ? Pas si sûr, si l'on considère qu'un transfert de ces compétences à l'Onu est en grande partie soutenu par des pays comme la Chine, Cuba ou l'Iran, dont la liberté d'expression sur la Toile est particulièrement réduite, malgré la fierté patriotique avec laquelle la Chine affiche 103 millions d'internautes. Notons enfin que l'Icann est "l'enfant" d'un professeur américain méconnu, Jon Postel, qui pendant 30 ans s'est battu avec acharnement, imagination et talent, pour que les premières pages d'Internet correspondent à des noms de domaines qui soient intelligibles pour tous et pas seulement pour quelques programmeurs informatiques... Soyons donc un peu pragmatiques. Lorsque une instance fonctionne, qu'elle contribue sans outrepasser son rôle à gérer efficacement un réseau aussi complexe et innovant qu'Internet, faut-il nécessairement casser le moteur sous prétexte qu'il est américain ?