Quels sont les principaux maux pesant sur notre système bancaire à l'heure des bouleversements financiers internationaux, des préalables à l'application des accords de Bâle II et des injonctions d'un marché boursier, exigeant en termes de communication, de transparence et de reporting ? Quelles actions mettre en place pour suivre l'évolution d'une restructuration et son impact sur la capitalisation des petites et moyennes entreprises tunisiennes dont l'emprunt est la condition sine qua non de sa survie et de sa compétitivité dans un contexte concurrentiel accru ? En organisant le 5 juin 2008, à la Maison de l'Entreprise, sous le patronage de M. Taoufik Baccar, gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie, un séminaire sur «l'Impact des Accords de Bâle II sur le financement des entreprises tunisiennes», l'Institut Arabe des Chefs d'Entreprise s'est attelé, avec le concours d'experts liés à la communauté financière du pays, à un exercice de prospective, à un vif éclairage vis-à-vis des décideurs économiques, appelés à mettre leur pendule à l'heure des régulations, des notations et des recommandations de structures créancières internationales.
Les Accords de Bâle : Genèse et processus d'application
En 1988, les gouverneurs des Banques Centrales des pays du G10 ont réussi, après deux décennies d'âpres négociations dans la Confédération Helvétique, à accoucher des premiers accords Bâle I, censés renforcer la sécurité du système financier international, l'établissement de standards minima en matière de contrôle prudentielle et la diffusion des meilleurs pratiques bancaires de surveillance.
«Plus de cent de pays ont adopté les recommandations du G10 ; seulement, l'hétérogénéité des modalités de mise en uvre, la prise en compte rigide des risques et l'insolvabilité, deux ans après leur respect du programme de Bâle I, de plusieurs banques américaines, ont poussé à un nouveau round de pourparlers», nous dit M. Fayçal Derbel, Expert-comptable et enseignant à l'ISG Tunis, qui a mis l'accent, dans son intervention, durant la séance inaugurale, sur l'architecture, désormais plus serrée, des accords de Bâle II dont la finalisation en 2004 a permis, à plusieurs pays, notamment ceux de l'U.E, de fixer l'année 2007 comme date butoir d'harmonisation des dispositifs à même d'homogénéiser l'acte décisionnel financier, d'améliorer la gestion des risques et de renforcer le rôle de la discipline du marché.
Finalement, insiste notre interlocuteur, les trésoriers des pays les plus riches au monde, à l'issue de plusieurs années de négociations en Suisse, ont appelé, à travers les Accords de Bâle II, les banquiers à respecter, dans leurs démarches professionnelles, les exigences minimales de fonds propres, à mettre en place un processus de surveillance prudentielle et à entamer, dans les plus brefs délais, une dynamique de communication vis-à-vis des actionnaires, des clients, du marché financier et des mass-média, en matière de publication d'informations relatives aux risques opérationnels, à la variation des prix des titres et à l'intervention en amont des autorités de contrôle.
Bâle II et le contexte tunisien
Les Accords de Bâle II constituent, par rapport à Bâle I, un système «à la carte» adaptable à tout type de banque, offrent une meilleure prise en compte des techniques de réduction du risque de crédit et optent pour un élargissement de l'éventail des garanties tout en mettant en exergue les nouvelles exigences en fonds propres dont l'objectif est de renforcer les dispositifs de surveillance prudentielle des structures financières des différents pays.
«La Tunisie, tout en prenant acte des nouvelles normes établies dans le conclave suisse, compte, à travers des préalables environnementaux, bancaires et juridiques, se hisser au niveau requis, constituer des comités permanents d'audit interne indépendants au sein des entreprises afin d'améliorer la bonne gouvernance et renforcer la communication au marché d'indicateurs financiers trimestriels en plus de la périodicité semestrielle et annuelle», déclare M. Badreddine Barkia, Directeur Général de la Supervision Bancaire à la Banque Centrale de Tunisie, qui appelle à une plus grande protection des intérêts des créanciers, à la facilitation de la réalisation judiciaire des garanties et à la refonte des systèmes d'information des banques, appelés, désormais, dans le cadre des Accords de Bâle II et conformément à une circulaire récente sur le contrôle interne, à mieux mesurer les risques (risque de crédit, risque de marché et risque opérationnel), à disposer d'un système de notation pour les clients et à consolider les fonds propres par une politique restrictive de distribution de dividendes.
La Banque Centrale de Tunisie, renchérit notre interlocuteur, afin de s'assurer les nouveaux rôles qu'elle est appelée à jouer sous Bâle II, a mis en place une commission stratégique, composée de représentants du ministère des Finances, de la profession bancaire, de l'Ordre des experts-comptables et des universitaires, dans le but d'établir des états de reporting, d'examiner les aspects techniques du nouveau dispositif prudentiel et d'entamer des études d'impact sur les petites et moyennes entreprises tunisiennes, censées, processus de passage à Bâle II oblige, réviser ses modes de gestion, instaurer la rotation et la dualité du CAC et veiller à soigner leurs relations avec leurs partenaires bancaires en modifiant un comportement légendaire fondé sur la discrétion et le culte du secret.
Monsieur Taoufik Baccar, invité de marque du séminaire, a tenu, en guise de clôture, à préciser la teneur des nouvelles normes propagées par Bâle II, censées, dit-il, discipliner la démarche du crédit, promouvoir les bonnes pratiques de gestion et orienter les sociétés tunisiennes vers le marché financier.
«L'enjeu en vaut la chandelle ! avec les nouvelles règles, la bonne information des banquiers devient fondamentale pour les entreprises qui auront tout à gagner, leur financement est à ce prix, à être plus transparentes qu'auparavant sur leurs performances, leurs indicateurs clefs, voire les points d'amélioration qu'elles auront identifiés», conclut le Gouverneur de la BCT qui considère la convergence du système financier tunisien avec les standards internationaux comme une priorité absolue, une chance, pour le pays, de mieux coller aux impératifs de la compétitivité, de la transparence et de la bonne gouvernance.