C'est Mme Khadija Ghariani, Ingénieur Sup' Telecom et ex secrétaire d'Etat tunisien à l'Informatique, à l'Internet et aux Logiciels libres, qui préside aux destinées de l'AITO, la personne qu'il faut à la place qu'il faut. Car Mme Ghariani, avant d'atterrir là où elle est aujourd'hui, a dirigé le CERT, l'ATI, Tunisie Télécom et l'ANF : «A chaque fois que je me déplace dans un pays ou un autre pour faire connaître l'AITO, mes interlocuteurs sont tout contents de savoir que le siège de l'Organisation est à Tunis et que sa première responsable est également tunisienne», souligne Mme Khadija Ghariani. Une reconnaissance en somme des efforts déployés par la Tunisie pour développer le secteur des nouvelles technologies de l'information et diffuser la culture numérique, «un témoignage de l'exemplarité du modèle tunisien», ajoute-t-elle. Le but est aujourd'hui d'arriver à ce que les pays arabes renforcent le processus de développement de cette nouvelle technologie et harmonisent leurs normes. Fidèle à sa réputation de bosseuse invétérée, Khadija Ghariani s'est mise au travail dès le démarrage effectif de l'Organisation en janvier 2008. La première année a été consacrée à la présentation de l'organisation, au lobbying et à l'invitation du secteur privé à rejoindre l'organisation. Il fallait également inviter les pays non affiliés à la rejoindre. «Nous avons commencé avec six membres, aujourd'hui, nous en sommes à seize» précise la secrétaire générale de l'AITO. Elle a récemment entamé des pourparlers avec les opérateurs, Wataniya et Zain pour qu'ils y adhèrent également. «Nous voulons mener des projets de développement au niveau du monde arabe pour améliorer les indicateurs en ce qui concerne l'utilisation des TIC, faire de la formation pour attirer l'attention sur l'importance du secteur en partenariat avec les autres associations et organisations». Les bailleurs de fonds ? La Banque islamique de développement et la Banque mondiale, entre autres. Le rôle de l'AITO est de concrétiser la stratégie arabe du développement des TIC votée lors du Sommet de Damas et qui prend fin en 2012. Développer le partenariat public/privé L'AITO travaille à développer les infrastructures, le partenariat privé public (PPP), la culture du contenu, le cadre organisationnel et réglementaire, la recherche/développement et l'innovation dans le monde arabe et assurer une plus grande présence de la langue arabe en tant que langue d'application. La cyber sécurité occupera également la part du lion dans les programmes de l'Organisation arabe des technologies de la communication et de l'information. Un thème important dans toutes les régions du monde, il ne connaît pas de frontières tout comme les fréquences. Il faut donc, selon Mme Ghariani, mettre en place un plan d'action pour se protéger. Une navigation sans contrôle, sans garde-fous, peut représenter un danger pour les enfants, d'où l'importance de fournir plus d'efforts pour trouver des solutions techniques sinon mener des campagnes pour sensibiliser les parents, le corps enseignant et les différentes composantes de la société civile aux dangers potentiels. Peut-on interdire l'utilisation d'Internet sous peine de certaines règles? «On ne peut pas prendre des mesures d'interdiction, Internet est un outil de développement, nous comptons mettre en place des stratégies avec l'Union européenne pour garantir la cyber-sécurité; ces thématiques invitent à une coopération internationale pour pouvoir réussir», affirme Mme Ghariani. Au niveau des politiques nationales en direction des jeunes, des stratégies seront adoptées par l'AITO pour améliorer la qualité de l'exercice des jeunes des TIC. «Nous sommes conscients qu'il faut mettre en place une stratégie commune pour défendre la culture arabo-musulmane dans nos pays et protéger les jeunes des influences néfastes qui arrivent de l'extérieur qu'elles soient idéologiques ou amorales». Et la Secrétaire générale de l'Organisation arabe des technologies de la communication et de l'information de reconnaître que comme toute technologie, la communication électronique a ses inconvénients, il faut donc améliorer les indicateurs et travailler sur des normes unifiées sur lesquelles, tout le monde s'entend. «Qu'appelons-nous indicateurs aujourd'hui ? Avant, on pouvait réaliser une évaluation du développement des télécommunications par le taux de pénétration téléphonique, au nombre des lignes téléphoniques sur cent habitants. Aujourd'hui, ça n'est plus le cas, c'est la pénétration par ordinateur, par le haut débit, il faut classer par famille, par secteur d'activités, par pays. Nous avons 42 indicateurs que nous voudrions généraliser sur l'ensemble du monde arabe» précise t-elle. Mobile TV et certification électronique L'AITO compte dès à présent s'attaquer au mobile TV, la télévision sur le mobile, une nouvelle technologie : «Nous y travaillons avec l'ASBU, développement technologique oblige, nous voulons rester dans l'ère du temps». Mais plus important encore, la certification électronique. Dans tous les pays, il y a des stratégies nationales pour développer le secteur des TIC, dans le monde arabe également et pour chaque pays. Les programmes des «e-gov» doivent être généralisés à tous les pays arabes. «Rares sont les pays, à l'exception de la Tunisie et peut-être de l'Arabie Saoudite ou du Bahreïn, qui sont en train de réaliser en partenariat avec des entreprises américaines des protocoles pour des certifications électroniques, où l'on instaure ce genre de procédés. La Tunisie a, pour sa part, mis en place un certificat électronique reconnu à l'échelle internationale. Aucune personne n'est aujourd'hui autorisée à échanger des informations par courrier électronique signé et sécurisé si elle n'est pas reconnue et certifiée sur Internet», explique la secrétaire générale de l'AITO. Il paraît aujourd'hui évident qu'on ne peut pas s'adonner à des activités sur des supports électroniques s'il n'existe pas une structure nationale de sécurité informatique. Celle-ci sert à garantir la sécurité des échanges, la protection des transactions et la confidentialité des données. Quand le certificat est reconnu, tel que c'est le cas pour la Tunisie, on garantit automatiquement la sécurité de l'utilisateur. Par exemple, parmi les clauses les plus importantes signées entre le gouvernement tunisien et Microsoft, l'obligation pour la firme américaine d'une reconnaissance au niveau de son navigateur du certificat électronique tunisien. Il faudrait dans le cadre des échanges effectués sur le Net que le certificat d'un site tunisien de commerce électronique existant sur le web soit reconnu. Aujourd'hui tous ceux qui entrent à travers le navigateur Microsoft peuvent reconnaître le certificat électronique tunisien. «Nous voulons généraliser cette expérience à tous les pays arabes et mettre en place un protocole pour harmoniser les normes et adopter les mêmes critères. Il faut reconnaître que l'expérience tunisienne est très valorisante», assure Khadija Ghariani. Pour cette année, les deux grands chantiers auxquels s'attaque l'Organisation sont le e-content et la cyber sécurité. «Nous avons dans ce cadre signé un M.O.I avec l'Union internationale des télécoms à Genève et nous avons travaillé avec elle sur cet aspect; j'ai eu récemment un entretien avec la Commissaire européenne des TIC qui est intéressée par ce projet», précise la secrétaire générale de l'AITO. Le contenu est très important pour les pays arabes, il doit être orienté sur la culture arabe et faire connaître et diffuser la civilisation arabo-musulmane. Dans le cadre de ce projet, des concours sur les meilleurs contenus conçus par les jeunes, artistes, par catégories et par créneaux. D'autre part, un accord a été conclu avec l'Union de la diffusion numérique dont le siège est à "Sharjah" aux Emirats arabes unis, et dont le président d'honneur est le prince de "Sharjah" pour développer cette culture dans le reste du monde arabe.