Le dispositif de lutte contre le blanchiment d'argent a été renforcé avec l'adoption récente de nouvelles dispositions par la Chambre des députés. En effet, avant de partir en vacances, les députés ont voté, le 23 juillet 2009, une loi amendant la loi 2003-75 en vue d'adapter la législation nationale aux dispositions onusiennes en matière de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. On saura dans quelques mois ce qu'en pense la Banque mondiale qui procède périodiquement à l'évaluation de l'état des dispositifs nationaux de lutte anti-blanchiment de capitaux et contre le financement du terrorisme, dans le cadre du «Groupe d'Action Financière pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord» (GAFIMOAN). Alors que la prochaine évaluation de la Tunisie est prévue en 2010, la dernière en date a eu lieu en 2006 et a donné lieu à un rapport rendu public en 2008- et qui brosse de la situation tunisienne dans ce domaine un tableau positif. Il ressort de ce document un débat assez animé et contradictoire, puisque les Etats concernés ont le droit de commenter et même de contester- le bien fondé de certaines remarques et recommandations du GAFIMOAN. La mobilisation internationale contre ces phénomènes ne datant que de 2004 année de la création du GAFIMOAN-, il est tout à fait naturel que la mise en place des outils y afférents dans bon nombre de pays, dont la Tunisie- n'ait pas encore été totalement achevée. Ayant signé et ratifié la Convention des Nations unies sur la criminalité transnationale organisée (Convention de Palerme) et signé la Convention des Nations-unies contre la corruption (Convention de Mérida) en cours de ratification-, la Tunisie, constate le rapport, «a mis en place un système de principes et de réglementations claires en matière de transparence et de bonne gouvernance, s'inspirant à cet égard des bonnes pratiques internationales et des modèles européens». Cela s'est traduit notamment par la promulgation en 1994 de la loi portant organisation du marché financier, et plus tard, en 2005, de celle sur le renforcement de la sécurité des relations financières, visant à élargir les obligations des entreprises celles faisant appel public à l'épargne ainsi que celles d'une taille minimale- en matière de bonne gouvernance de transparence et de qualité et de régularité des informations comptables et financières. Toutefois, «malgré les contrôles existants, des abus et dérapages peuvent naturellement intervenir, comme l'a rappelé l'affaire Batam (qui reste isolée à ce jour)», observent les experts de la Banque mondiale. Et ce risque est d'autant plus réel qu'«une part importante du tissu économique tunisien est ( ) organisée sur une base familiale, sous forme de groupes relativement fermés et souvent peu enclins à une grande transparence». La Tunisie se distingue également, aux yeux de la Banque mondiale, par le contrôle des changes. Et même s'il admet que ce contrôle «est un facteur réducteur de risques du point de vue de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme», le rapport avertit que ce dispositif «ne doit pas agir comme une source excessive de confort notamment parce que son contournement n'est pas impossible». Selon la Banque mondiale, les autorités tunisiennes considèrent que «le risque de blanchiment est faible en Tunisie» et il pourrait provenir des activités criminelles identifiées que sont l'immigration clandestine, et la contrefaçon notamment. Néanmoins, les autorités «ont clairement réaffirmé à la mission (du GAFIMOAN, ndlr) leur entière détermination à lutter activement contre le financement du terrorisme et le blanchiment des capitaux, tant au niveau domestique que dans le contexte des efforts internationaux contre ces crimes». Procédant à la notation de la conformité des dispositions légales prises par la Tunisie avec les recommandations du GAFI quarante au total, plus neuf recommandations spéciales-, la Banque mondiale relève certaines lacunes et propose des actions pour les combler. Face à ce constat, la partie tunisienne fait remarquer que «le marché bancaire tunisien est de taille relativement faible», que «l'indentification du client habituel et occasionnel est satisfaisante» et que «toutes les informations sur les groupes et les sociétés y appartenant, notamment les informations sur les dirigeants desdits groupes et sociétés, sont enregistrées dans la centrale d'informations de la Banque centrale (centrale très développée et dont la réalisation a nécessité un investissement et des moyens logistiques considérables)» et que les établissements de crédit établis en Tunisie sont autorisés à accéder à ces informations «parmi lesquelles on trouve les données relatives à la personne physique qui, in fine, s'approprie ou contrôle le groupe ou la société y appartenant (bénéficiaire effectif)». Ceci n'empêche pas la Tunisie d'annoncer vouloir se conformer davantage aux recommandations du GAFI, à un moment où elle se prépare à se positionner comme place financière régionale. M. Mohamed Rachid Kechiche, ministre des Finances, l'a confirmé lors du dernier débat à la Chambre des députés à l'occasion de la discussion et de l'adoption des nouvelles dispositions en matière de lutte contre le blanchiment d'argent. Selon lui, si la nouvelle loi est concomitante avec le Code sur les services financiers aux non-résidents, «c'est parce qu'il est nécessaire de rassurer la scène financière internationale en prenant des dispositions plus précises en matière de lutte contre le blanchiment» et «d'envoyer un signal clair à tous les investisseurs étrangers et organismes internationaux que notre ambition de faire de Tunis une place financière régionale que nous voulons transparente- ne signifie pas que nous allons être laxistes en matière de lutte contre le blanchiment».