Le sourcing est l'une des problématiques qui se pose aux entreprises tunisiennes du secteur textile et habillement. La crise, avec ce qu'elle a engendré comme changement structurel dans la relation entre fournisseurs et clients, exige de plus en plus de la diversification des marchés qui ne seront plus nécessairement européens. «Il faut préparer le sourcing en Syrie et en Egypte. En Europe, on ne trouve plus de fournisseurs», a lancé Zied Jamoussi, directeur marketing de l'entreprise SILEX, lors de la conférence organisée en marge de Lingerie Med, le 17 avril 2010. Il affirme que l'arrivée des grandes marques et leur résistance à la crise exige que les entreprises tunisiennes s'adaptent, revoient leurs structures et développent activement le sourcing. Selon Didier Senn, d'ESSEL Tunisie, il faudrait trouver les budgets nécessaires pour attaquer d'autres marchés et aller de l'avant. Il s'agit également de faire revivre les accords de libre-échange avec des pays comme la Turquie et l'Egypte. D'un autre côté, il s'agit de développer sa propre marque, développer la création au sein des entreprises et faire confiance aux compétences tunisiennes. «Il faut être plus réactif, se regrouper pour être plus fort vis-à-vis des autres marchés», a appelé Berend de Groot, directeur général adjoint de Chantelle Tunisie. De même pour Samir Ben Abdallah, président de la Chambre syndicale nationale des fabricants de Lingerie, le regroupement en consortiums est une solution idéale pour valoriser les compétences tunisiennes. «Nous ne sommes pas assez forts individuellement pour affronter la Chine», estime-t-il. Selon M. De Groot, «la Tunisie est un pays de PME familiales, qui stabilisent d'ailleurs le pays. Ce n'est pas une mauvaise chose mais il faut la valoriser en formant de pôles et en offrant des produits intéressants, surtout que les entreprises témoignent d'une haute technicité et d'une qualité respectable. La Tunisie gardera toujours sa part dans le volume de notre groupe, soit 25%, mais il faut développer la réactivité et s'adapter au changement». La réactivité devrait, selon lui, être la pierre de lance du secteur. Le directeur général de Lectra Tunisie est du même avis, estimant qu'il faudrait développer en Tunisie le «Time to market» afin de répondre aux attentes des donneurs d'ordre en termes de qualité, technicité et compétence. D'autre part, Vassilis Masselos, président de la Fédération Internationale des Industries de l'Habillement, a indiqué que les donneurs d'ordre «Fast Fashion» recherchent des fournisseurs qui peuvent coordonner le sourcing des matières premières, la logistique et les livraisons rapides. «La crise a anticipé les changements structurels. Les donneurs d'ordre travaillent de plus en plus avec des fournisseurs, soit des groupes industriels soit des agents, qui gèrent la production à travers plusieurs pays et ont une meilleure valeur ajoutée», affirme-t-il, en ajoutant que les gouvernements doivent soutenir leur industrie textile. La Grèce, un marché à haut potentiel Concernant la Grèce, invitée d'honneur de Lingerie Med, il s'agit d'un marché à haut potentiel qui entre dans le cadre de l'approche de diversification des marchés. Le chiffre d'affaires du secteur textile-habillement et chaussure s'élèvent à 4,8 billions d'euros en 2008. La valeur des exportations est de 1,7 billion d'euros. Le secteur emploie 70 mille personnes dans la production et 45 mille personnes dans le commerce. Le secteur compte 4.550 entreprises. La part du secteur dans les exportations totales est de 10,5% et elle est de 29% dans les exportations industrielles. En 2009, la crise a eu son effet sur le secteur avec une baisse de 10% de l'emploi. Les exportations ont été affectées surtout au niveau de la maille, enregistrant des baisses considérables. Les principaux marchés d'export de la Grèce sont l'Allemagne, l'Italie, la France, etc. Ses principaux fournisseurs sont l'Italie, la Chine, la France, l'Espagne, l'Allemagne, etc. Meletos Karabinis, directeur général de l'Association hellénique de l'habillement, a affirmé que la Tunisie n'est pas connue en tant qu'acteur actif dans le secteur, ce qui est aussi vrai pour toute l'Afrique du Nord. Il a indiqué que cette visite pourrait donner la voie à une éventuelle coopération entre les entreprises des deux pays. Il affirme que les entreprises grecques sont plutôt actives sur l'Europe de l'Est, telle que la Hongrie, mais estime qu'il y a une possibilité de partenariat dans les maillots de bain qui sont fabriqués par plusieurs entreprises en Grèce. «Il suffit juste de gérer le problème de la logistique du transport entre les deux pays. La crise a induit des changements structurels et exige de nous une adaptation rapide et efficace, pour pouvoir attaquer de nouveaux marchés. La Grèce en est une puisqu'elle est une plateforme de réexportation vers la Méditerranée orientale et l'Europe de l'Est», souligne-t-il. M. Karabinis indique qu'il est possible pour les entreprises tunisiennes d'acheter des marques grecques en développant des réseaux de distribution. «C'est une stratégie qui peut introduire les entreprises tunisiennes dans le marché. Ajoutons à cela l'ouverture de bureaux de représentations», ajoute-t-il. De son côté, M. Ben Abdallah relève que la balance commerciale entre les deux pays est nettement en faveur de la Grèce en indiquant que la Tunisie exporte indirectement vers la Grèce à partir de l'Italie et la France. Confiant, le responsable de la CSNFL insiste sur le fait que la Grèce est un marché promoteur pour les entreprises tunisiennes et annonce l'organisation d'une mission sectorielle en Grèce en juin 2010.