Un récent décret du Premier ministère précise les conditions d'application de l'autorisation du gouverneur, exigibles pour certains types d'opérations immobilières et foncières. L'autorisation du gouverneur exigée pour certaines opérations immobilières et foncières fait l'objet de récriminations, notamment en raison des problèmes qu'elle pose parfois aux investisseurs étrangers. Aussi, les pouvoirs publics ont-ils finalement décidé d'en modifier les conditions d'application en soumettant au législateur un projet de loi y afférent, promulgué le 11 mai 2005. Il en ressort, ainsi que l'a expliqué Me Habib Chatti, lors d'une conférence donnée vendredi 23 décembre, à l'initiative de l'Association des Jeunes Avocats, que sont exemptes de cette autorisation les opérations d'achat, de location des terres et locaux se trouvant dans les zones industrielles et touristiques, ainsi que la transmission de la propriété de ces biens découlant d'opérations d'intégration, fusion, division, changement de la forme juridique ou cession à des tiers des sociétés ou filiales à capitaux à majorité étrangers à la condition de les maintenir en activité. Des principes dont le décret du Premier ministère, du 23 août 2005, a précisé les conditions d'application, en les liant principalement à la nature du bien, à sa localisation dans une zone industrielle ou touristique et à la réalisation de la transaction «dans le cadre d'un projet économique». D'après la lettre de la loi, l'exonération de l'autorisation du gouverneur concerne aussi bien les terres nues que les locaux dans les zones industrielles, et seulement les terres nues dans les zones touristiques. Ce qui signifie, concrètement, que la mesure bénéficie aux usines mais pas aux hôtels et restaurants. La localisation dans une zone industrielle ou touristique est attestée par un document de l'administration (municipalité, ministères ou agences foncières) et qui se fonde en cela sur la loi définissant les zones industrielles et touristiques telles qu'arrêtées dans le cadre des plans d'aménagement du territoire. A propos de la réalisation d'un «projet économique», le texte d'application du décret du Premier ministère précise que celui-ci doit concerner des activités que l'on peut exercer à l'intérieur des zones industrielles et touristiques, et cela en se référant à la législation s'y rapportant. Dans les zones touristiques, ces activités se limitent aux hôtels, restaurants et parcs de distraction. L'exigence de la «continuité de l'activité économique» en cas d'absorption, division, regroupement, ou cession,... bref, de changement de la forme juridique, ne signifie pas la poursuite de la même activité. En effet, il est possible de changer l'activité de la société à la condition que la nouvelle activité figure parmi celles que l'on peut exercer à l'intérieur de ces zones. Mais il existe aussi une jurisprudence qui a déjà dit son mot dans cette affaire. Ainsi, on doit au Tribunal d'Appel de Sousse une décision selon laquelle l'autorisation du gouverneur n'est pas nécessaire pour qu'un testament transmettant une propriété soit valable, puisque la transmission ne se fait qu'après le décès du testateur. Idem pour la promesse de vente et d'achat, ainsi que l'a décidé le Tribunal de Cassation en janvier 1976 mais après avoir soutenu le contraire dans un premier jugement en date de juillet 1974. Certaines nationalités sont dispensées de l'autorisation du gouverneur pour des opérations immobilières et foncières, cela de par certains traités et conventions conclus entre leurs pays et la Tunisie. C'est le cas par exemple des Français pour les biens français «construits ou acquis» et datant d'avant 1956, et cela conformément à un échange de lettres entre les gouvernements des deux pays en date du 20 octobre 1997. Toutefois, seules les opérations de vente réalisées par des Français sur leurs biens en Tunisie sont dispensées de l'autorisation du gouverneur, et il faut que le vendeur soit français et que les biens aient été construits ou achetés avant janvier 1956. Un échange de lettres entre les gouvernements tunisien et italien, en juillet 1999, a également soustrait les opérations immobilières de citoyens italiens en Tunisie à l'autorisation du gouverneur. Pour les citoyens des autres pays maghrébins en l'occurrence Libyens, Algériens et Marocains-, les choses ont été un peu plus complexes. La Tunisie avait conclu entre 1961 et 1964 des conventions dites d'établissement avec la Libye, l'Algérie et le Maroc plus le Niger- instaurant pour les citoyens de ces pays le principe d'un traitement identique à celui des nationaux dans de nombreux domaines, dont la propriété foncière. Après avoir agi, dans un premier temps, conformément à ces principes, l'administration tunisienne s'est rétractée lorsqu'il lui est apparu, rappelle Me Habib Chatti, que les pays concernés n'accordaient pas le même traitement aux Tunisiens. Mais lorsque des affaires concernant des transactions dans lesquelles des citoyens maghrébins étaient impliqués ont été portées devant eux, les tribunaux civils et fonciers tunisiens se sont unanimement prononcés pour le respect des «conventions d'établissement».