Le martyr Chokri Belaïd l'avait dit - pour certains d'une manière prémonitoire et par clairvoyance pour d'autres - « Ils utiliseront la violence chaque fois qu'ils se sentiront affaiblis ou en perte de vitesse ». Deux agents des forces de l'ordre ont été victimes d'un attentat terroriste, tôt ce dimanche, dans un carrefour prés d'El Kantaoui à Sousse. L'un deux a succombé à ses blessures, l'autre se trouve actuellement à l'hôpital. Son état semble être stable. Les terroristes qui ont tenté de fuir, n'ont pas pu aller bien loin. Barricadés dans une école primaire, ils n'ont pu tenir que quelques instants face à la puissance de feu des forces de l'ordre. Trois terroristes ont été tués sur le coup. Certains évoquent un quatrième terroriste qui aurait participé à l'attentat et qui aurait été arrêté vivant, une version pas encore officiellement confirmée.
Cet attentat terroriste est loin d'être un acte isolé ou fortuit. Sa date a été minutieusement choisie. Elle coïncide avec le 64ème anniversaire de la création du corps de la Garde nationale dont font partie les deux agents victimes de cet attentat. Pour les terroristes et leurs commanditaires, portés partout dans le monde vers la célébration dans le sang de certains événements religieux ou pas, cet attentat aurait eu une grande portée symbolique si les terroristes exécutants avaient pu s'échapper. Malheureusement pour les commanditaires de cet acte, non seulement aucun des membres du groupe n'a échappé, mais il y aurait eu parmi eux un survivant qui est tombé entre les mains des autorités. Comme tous les terroristes en captivité, une fois que l'effet de la drogue du terroriste, le captagon, dissipé, il deviendra docile et constituera une mine d'informations sur le réseau auquel il appartient. Il est certain que, dorénavant, les autres membres du groupe et les commanditaires de l'attentat ne connaitront plus de vies tranquilles.
D'un autre côté, cet attentat intervient à un moment très particulier dans la vie du pays. Un nouveau gouvernement vient d'être installé sans avoir eu le temps d'ouvrir ses cartons. Pour la première fois, exceptée les huit mois du gouvernement de transition de Mehdi Jomâa, le gouvernement est composé de personnalités indépendantes non partisanes. Pour la première fois aussi depuis la révolution, le parti islamiste Ennahdha n'a pas de représentants au sein du conseil des ministres. Habitués à exercer une influence certaine sur les gouvernements en place, les adeptes de l'islam politique sentent le vent changer de direction, ce qui les agace et les désappointe. Sans verser dans le « complotisme », et dans le but d'avoir une vision globale des choses, il serait judicieux de voir autrement la concomitance de l'éviction d'Ennahdha du gouvernement avec la reprise des activités publiques du parti salafiste Ettahrir et l'attentat terroriste du carrefour El Kantaoui à Sousse.
En l'espace de quelques heures, le ministre de l'Intérieur, le chef du gouvernement et le président de la République étaient sur place à Sousse pour apporter leur soutien aux forces de l'ordre, rassurer la population tunisienne et répondre aux terroristes. Ils n'étaient pas de trop car il fallait montrer une image d'unité et de force de l'Etat. « A chaque balle tirée par les terroristes, nous répondrons par une rafale » a déclaré Kaïs Saïed avec son emphase habituelle. Pour une fois, il a visé juste tant les Tunisiens ont besoin de sentir la détermination de l'Etat face au fléau terroriste.
Dans l'autre camp, celui des partis politiques, on attend encore. Il semblerait que l'attentat d'aujourd'hui n'était qu'un simple fait divers pour certains d'entre eux. Si les islamistes ont condamné cet attentat, leur acolyte d'Al Karama se gargarise se sa nouvelle alliance avec Qalb Tounes en attendant de trouver la moindre faille pour attaquer, comme à son habitude, les forces de l'ordre et défendre les terroristes.