Finalement, le chef du gouvernement Hichem Mechichi a admit la prorogation de l'horaire du couvre feu à 22 heures au lieu de 19 heures, horaire initial annoncé avant 48heures. C'est suite aux recommandations du président de la République et des lamentations des professionnels de certains secteurs que cette décision a été révisée a-t-il dit. Encore une fois, Mechichi confirme qu'il ne mérite pas sa place à la tête du gouvernement. En effet, un chef prend sa décision après consultation des experts et autres acteurs en rapport avec le dossier. Il prend sa décision surtout après une mûre réflexion qui réduit sensiblement la marge d'erreur. Dans les moments de crise, ses décisions peuvent susciter le mécontentement ou même le refus d'une frange de la population. Mais, un vrai chef entretient un capital-confiance avec ses administrés et use de ses capacités de communicateur pour résorber les inquiétudes des uns et des autres. Ce n'est pas le cas de Mechichi qui, comme à l'accoutumée, fait marche arrière chaque fois qu'il se trouve sous pression.
L'hypothèse selon laquelle la révision de l'horaire du couvre-feu a été décidée par Mechichi pour ne pas avoir le mauvais rôle face à un président de la République populiste à souhait, ne tient pas la route. Le chef du gouvernement avait la main et aurait pu prendre les décisions qui s'imposent en prenant en considération tous les paramètres scientifiques, mais aussi les paramètres économiques et sociaux. Il aurait surtout dû penser à annoncer des mesures d'accompagnement durant ce couvre-feu au profit des franges les plus touchées par cette mesure, surtout dans les secteurs de la restauration et des cafés. Seulement, Mechichi et son gouvernement sont incapables de proposer aux Tunisiens une quelconque mesure d'accompagnement. Déjà, au cours du premier confinement, les seuls bénéficiaires des mesures annoncées par le gouvernement de l'époque ont été les banques à coup d'agios et de frais de tout genre. Les rares entreprises qui ont réussi le parcours du combattant pour la constitution du dossier administratif ont dû payer au prix fort leurs nouveaux crédits ou le rééchelonnement de leurs anciens crédits. Quant aux employés, ils étaient, dans presque leur totalité, inéligibles aux mesures d'accompagnement annoncées tant leurs situations professionnelles étaient précaires. Le gouvernement actuel n'a même pas repris ces mêmes mesures avec leurs limites. De toute évidence, il ne pouvait pas s'avancer sur le chemin des mesures d'accompagnement effectives pour deux raisons au moins. La première est en rapport avec l'incapacité structurelle de ce gouvernement de gérer les crises sociales, alors que la seconde est en rapport avec la détérioration de la situation de la trésorerie de l'Etat au cours de l'année dernière. Quant au nouveau fond de solidarité qu'il propose, il est inacceptable tant que les Tunisiens continuent d'ignorer la destination des sommes collectées dans le cadre de l'ancien fond 1818. L'annonce de la participation des ministres dans ce fond à hauteur de la moitié de leur salaire n'est pas de nature à encourager les Tunisiens qui, dans leur majorité, ne pensent qu'au départ, certains ministres ne devraient même pas siéger au gouvernement.
La seconde hypothèse selon laquelle la décision de Mechichi de réviser l'horaire du couvre-feu « sur demande du président de la République », est un gage de bonne volonté et une lueur d'espoir qui laisse présager l'amélioration des rapports entre Hichem Mechichi et Kaïs Saïed, est elle aussi improbable. Selon cette hypothèse, Mechichi a lancé une fleur en direction du président de la République, a fait publiquement une concession en sa faveur, et se doit logiquement d'attendre une manifestation de bonne foi en retour de la part du président de la République. Si cela se confirme, la crise entre Carthage et la Kasbah est en voie de résorption. Seulement avec un président « jusqu'auboutiste », il est plus probable de l'imaginer imperméable aux gestes de bonne volonté. Tout indique par contre qu'il continuera à mettre la pression sur les islamistes d'Ennahdha jusqu'à ce qu'ils se désolidarisent de Mechichi, lui retirent leur soutien et précipitent la chute de son gouvernement. Au cours de sa dernière visite au Caire, il n'a pas manqué de le rappeler.