Les données sur l'évolution de la croissance et de l'activité économique au niveau sectoriel durant le 1er trimestre 2021 viennent d'être publiées par l'Institut national de la statistique (INS). Elles ne sont pas si réjouissantes car on s'attendait plus à un rebond de croissance par rapport à la même période de 2020 qui a enregistré un « surprenant » recul de -2,1% dans la mesure où les décisions de confinement général, propre au recul de l'activité économique, n'avaient été engagées qu'à la fin mars 2020. Le délai est forcément insuffisant pour expliquer seul ce brusque frein à la croissance du premier trimestre 2020. La décroissance s'est accentuée au cours de ce 1er trimestre 2020 affichant -3% en rythme annuel. Un tel résultat ne semble pas préfigurer un taux de croissance économique de plus de 4% en année pleine pour 2021 escomptée par le gouvernement, quand bien même on devrait s'attendre à un rebond significatif de l'activité économique au cours du 2e trimestre 2021 par rapport à la même période de l'année dernière, période durant laquelle l'économie tunisienne était presque à l'arrêt. Il est normal dans ces conditions que le chômage gagne du terrain, touchant 17,8% de la population active au cours de ce 1er trimestre 2021 alors cela ne concernait que 15,1% d'entre elle il y a un an. Et encore, dans la mesure où l'INS indique que « les opérations de collecte sur terrain de l'enquête nationale sur la population et l'emploi ont été perturbées par la situation sanitaire dans le pays durant la première moitié du premier trimestre. La qualité des données collectées n'a permis que l'exploitation et la diffusion d'un nombre restreint d'indicateurs de base ».
En tout cas, les perspectives socioéconomiques du pays sont de plus en plus incertaines. Elles le sont d'autant plus que les critères qui fondent la reprise économique dans ce contexte de pandémie, sont loin d'être satisfaits, à savoir un plan de relance de l'activité à travers un soutien ferme du tissu productif et une campagne de vaccination de grande ampleur qui permettent une levée rapide des mesures de restriction. On a pris un sérieux retard à ce niveau. A ce propos, tout un chacun connaît « l'indice de démocratie » (Democraty index) que publie le groupe de presse The Economist. En 2020, la Tunisie y est classée au 54e rang sur un total de 167 pays. Elle fait partie des pays dit à « démocratie imparfaite », comme la Pologne, la Hongrie ou encore la Bulgarie. C'est le seul pays du Monde Arabe qui jouit d'un tel qualificatif, les autres sont classés ou bien dans les pays dit à régime « hybride » ou bien dans la rubrique des régimes « autoritaires ». En Afrique, seuls 4 pays sur la cinquantaine que recense le continent font partie du groupe de la Tunisie : le Botswana, l'Afrique du Sud, la Namibie et le Ghana. Autant dire, la démocratie a encore du chemin à parcourir dans ces deux zones. Cela dit, ce n'est pas le seul indicateur que publie The Economist Group à travers une structure de veille dédiée l'« Economist intelligence unit » (EIU). En effet, le groupe de presse britannique publie chaque trimestre « The World uncertainty index (WUI) (Indice global d'incertitude) » et « The World trade uncertainty index (WTU)» (Indice global d'incertitude du commerce mondial). Il publie aussi les indices nationaux d'incertitude de près de 150 pays. Le département de recherche du Fonds monétaire international (FMI) vient d'ailleurs d'y consacrer un long article dans sa revue Finances et Développement. L'institution multilatérale de financement compte adopter la même démarche que la filiale de The Economist pour élaborer son propre indice, à savoir compiler le nombre de fois où le terme « incertitude » ou ses variantes dans ses rapports-pays et de dégager un taux qui serait redimensionné pour fournir un indice. Exemple : compte tenu du fait que les rapports-pays de l'unité de veille de The Economist ne dépassent généralement pas les 10 000 mots, soit une vingtaine de feuillets, l'indice 200 correspond au mot incertitude représentant 0,02% de tous les mots, ce qui signifie 2 mots par rapport. Ainsi, plus l'indice s'éloigne de zéro, plus l'incertitude augmente.
Entre 2011 et 2013, le taux concernant la Tunisie affichait une moyenne 0,25. Cela signifie que les rapports sur la Tunisie élaborés par l'unité de veille de The Economist Group contenait au moins 25 fois le terme incertitude ou une de ses variantes. Autrement dit, dans pratiquement chaque page du rapport. Ce taux est retombé à 0,1% en moyenne durant la période de 2015-2020. Autrement dit, le terme incertitude ou un terme similaire a été utilisé 10 fois dans un rapport, soit dans une page sur deux en moyenne. L'actualisation des rapports-pays de l'EIU étant trimestrielle, on observe un bond spectaculaire de cet indice pour le cas de la Tunisie entre le 4e trimestre 2020 et le 1er trimestre 2021. Le taux passe en effet de 0,06% à 0,12%. Autrement dit, d'un trimestre à l'autre, le degré d'incertitude sur la Tunisie a doublé. Tel est le point de vue de The Economist Group. Compte tenu de l'audience dont jouit le magazine du groupe britannique et de son influence. C'est l'image de la Tunisie en tant que destination d'affaires et d'investissement qui en prend un sérieux coup, non pas auprès des initiés et des spécialistes mais de pans entiers de l'opinion publique mondiale.