Le début du quinquennat de président Kaïs Saïed a été marqué par une activité diplomatique assez timide. Une inaction diplomatique couplée à une focalisation sur la scène politique interne. Ainsi, bien qu'il s'était présenté en tant que candidat indépendant, rejetant le système actuel et les partis politiques, Kaïs Saïed s'est retrouvé au milieu d'un conflit politique caractéristique du système qu'il rejetait lui-même. Or, ces derniers mois, la diplomatie tunisienne a connu une grande dynamique. Des rencontres en Tunisie, mais beaucoup de déplacements et de visites officielles avaient eu lieu. La dernière en date, celle du président Kaïs Saïed à Bruxelles, pour prendre part aux travaux de la deuxième édition du sommet Tunisie-Europe.
Une visite importante si on se réfère aux enjeux géopolitiques, de la conjoncture régionale et des relations entre la Tunisie et l'Union européenne, notre premier partenaire stratégique et avec qui nous entretenons le statut de partenaire privilégié. Il faut dire que l'UE avait toujours soutenu la Tunisie durant la période de transition démocratique à travers un soutien politique, mais aussi économique via la mise en place de multiples programmes d'aide au développement.
Cependant, plusieurs observateurs estiment qu'il est nécessaire de renouveler les termes de ce partenariat à travers la révision de la nature de la coopération entre les deux parties. Certains experts en économie préconisent la nécessité de tirer profit du nouveau plan de relance mis en place par l'Europe en cette période post-Covid. Or, il convient de noter qu'il existe d'autres points à prendre en considération, puisque le vieux continent ayant soutenu les révolutions dans le monde arabe avait tablé sur la réussite du modèle tunisien. Un modèle qui semble perturbé par le blocage institutionnel qui perdure en Tunisie.
En effet, le conflit profond entre les deux têtes de l'exécutif en Tunisie semble préoccuper l'occident. Après le Fonds monétaire qui a appelé à la nécessité d'un dialogue national en Tunisie et d'un accord entre les différents acteurs en Tunisie, les Etats unis ayant rappelé à la Tunisie la nécessité de parachever la mise en place des instances constitutionnelle, c'est au tour du président du Conseil européen, Charles Michel d'inviter le président de la République, Kaïs Saïed à éviter les tensions. Dans un tweet publié, à l'issue de leur rencontre à Bruxelles, le haut responsable européen a indiqué : « J'ai affirmé au Président Saied le soutien sans faille de l'UE à la Tunisie pour accompagner sa transition démocratique et ses réformes. Cela passe par un dialogue politique apaisé. Notre coopération témoigne de la qualité de notre partenariat ». Un tweet qui vient compléter le communiqué publié par Carthage quant aux points évoqués lors de la rencontre.
Une mise au point ? Une recommandation ? En tout état de cause, il est clair que le conflit politique qui sévit en Tunisie préoccupe les différents partenaires de la Tunisie. La situation doit être débloquée et pour cela, le dialogue s'avère l'unique moyen envisageable. Or, tenant compte de la nature des différents protagonistes, cette option semble difficile à mettre en place. Les possibilités de réconciliation sont encore floues et on voit mal l'issue à cette situation de blocage. D'ailleurs, l'unique initiative lancée dans cette perspective par la centrale syndicale est en suspens depuis plus de six mois. La politique de consensus mise en place par Feu Béji Caïed Essebsi et Rached Ghannouchi avait atteint ses limites. Dernièrement, le président de la République avait invité le chef du gouvernement et avait dialogué avec lui d'un ton « apaisé », mais il n'y a eu aucune suite à cette rencontre. Hichem Mechichi serait-il en mesure de se rapprocher du président de la République, délaissant ainsi le mouvement Ennahdha, son principal soutien? En réalité, le principal conflit est celui opposant Saïed à Ghannouchi. Dans tous les cas, on en saura davantage sur le dénouement de la situation dans les prochains jours, puisque ce blocage ne peut perdurer, il y va de l'avenir du pays et son image à l'échelle internationale.