Notre président est pétri de bonnes intentions. Il rêve de réaliser la justice et l'égalité sociales entre tous (pas entre les hommes et les femmes toutefois), que les pauvres soient moins pauvres et vivent dans la dignité. Il veut sincèrement combattre la corruption, que les corrompus paient pour leurs méfaits de leur poche et que le butin soit versé aux régions délaissées. Il souhaite que la souveraineté de la Tunisie soit immaculée, qu'aucun pays au monde ne vienne la violer en donnant un avis ou des recommandations. Il ambitionne de tout chambouler, de tout déconstruire et reconstruire, pour que tous, nous vivons enfin sous une nouvelle ère de prospérité et de démocratie hybridée. Il annonce la mort de l'ancien système et la naissance prochaine de SON système. Tout sera pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles, pour paraphraser un certain personnage au béat optimisme. Mais pour diriger un pays, surtout en s'arrogeant tous les pouvoirs, en étant le seul maitre à bord, le seul à décider de la destinée de tout un peuple (riches, moins nantis, presque pauvres ou nécessiteux) sans possibilité de recours et en écartant les contre-pouvoirs, les bonnes intentions ne suffisent pas. Non, on ne peut se contenter de bonnes intentions, de belles paroles tout en avançant des contre-vérités, des solutions alambiquées et des plans, foireux, à plein nez ; tout en étant imprécis, déconnecté de la réalité et évoluant dans le monde de l'abstraction. Les belles paroles sont inévitablement gobées par le bon peuple. Le pire c'est que Sa Majesté est intimement convaincu par le bien-fondé de ses approches.
Une majorité de l'opinion publique s'accorde sur la nécessité d'une rupture avec la période d'avant le 25 juillet, mais est-ce acceptable de se lancer dans une aventure politique aux contours irréalisables, vu la réalité du terrain ? Devrait-on se résigner à ce que les mesures exceptionnelles deviennent la règle sans aucun contrôle institutionnel ? et puis, est-ce que cet état d'exception donne le droit au président et à son gouvernement de chambouler de fond en comble la gouvernance du pays ? Dans la pratique et si l'on se tient aux dernières déclarations du chef de l'Etat, le démantèlement qu'il s'apprête à lancer, ne peut se faire en quelques mois. Cela implique que l'exception sera vraiment la règle, jusqu'à ce que le projet présidentiel aboutisse.
Le malheur de ce pays c'est que des années d'échecs et le cumul de politiques inconsistantes ont fait que son économie se trouve aujourd'hui sous perfusion. Le coup de force du 25 juillet n'a fait qu'accélérer la descente vers les abimes. Par ailleurs, le comportement et les propos du président n'aident vraiment pas. Sa méconnaissance de la chose économique, son entêtement à ne pas maîtriser ses dossiers et à n'en faire qu'à ses idées arrêtées, même si erronées, le décrédibilise et son gouvernement par truchement. Pour sauver le pays, il faut une vision globale, une stratégie réalisable, un plan structuré et des délais bien définis pour chaque étape. Nous aurons besoin de tous les acteurs et partenaires économiques pour poser le bon diagnostic et les objectifs à atteindre. Ou peut-être que le président rêverait-il d'une Tunisie autarcique, qui sait ? Il faut arrêter avec les approximations et les envolées populistes, arrêter de servir au peuple ce qu'il aimerait entendre et non ce qu'il devrait. Une situation qui, au final, n'aboutira qu'à échauder l'opinion publique et accentuer la fracture sociale.