Il est des phrases tellement surréalistes qu'elles peuvent entrer dans l'Histoire. Avec le doyen constitutionnaliste Sadok Belaïd, on a eu droit à une bonne série de ce type de phrases, lundi 13 juin 2022. Le président coordinateur de la commission nationale consultative pour une nouvelle République (chargée de la rédaction de la nouvelle constitution) a fait preuve d'une mégalomanie et d'une mauvaise foi sans pareil devant une Insaf Yahieoui qui s'apparente davantage à une propagandiste d'une chaîne soviétique qu'à une journaliste. Le doyen a beau répéter les contrevérités et les incohérences, elle était face à lui comme une poupée de cire du Musée Grévin. On ne peut même pas lui appliquer la devise « sois belle et tais-toi » (cliquer ici pour voir l'émission et son résumé). En matière de mégalomanie, le président se prétend plus entreprenant que Montesquieu dont la théorie de séparation des pouvoirs est caduque, d'après lui. « Les pays ne cherchaient plus à adopter ces vieilles méthodes et théories. Nous allons appliquer la théorie de la séparation des pouvoirs tout en la modifiant ». Pour rappel, Montesquieu (1689-1755) est un penseur politique français, précurseur de la sociologie, philosophe et écrivain des Lumières. On lui doit notamment la doctrine selon laquelle la démocratie ne peut être garantie que si l'on séparait les trois pouvoirs, exécutif, législatif et judiciaire. Une doctrine pratiquée, telle qu'elle sans modification aucune, par 100% des pays démocratiques. Dire que cette théorie est devenue caduque est, au mieux, une hérésie. La « journaliste » a avalé en silence.
Pour garantir la démocratie, dans la nouvelle constitution, le doyen Belaïd prétend restreindre le rôle du parlement qui, d'après lui, s'ingère un peu trop dans les affaires du pouvoir exécutif. Qui va contrôler le travail de ce pouvoir exécutif ? La question ne lui a pas été posée. Alors que dans toutes les démocraties, le Premier ministre (ou chef du gouvernement) est issu des rangs (ou désigné) par le parti vainqueur des élections, le doyen Belaïd entend accorder ce rôle au président de la République qui serait le seul à voir les choses de manière objective ! La « journaliste » a de nouveau avalé en silence. Pour rappel, dans la constitution de 2014, le président de la République a des prérogatives limitées, presque honorifiques et n'intervient que dans les nominations des ministres de la Défense et des Affaires étrangères. Il est donc tout à fait cohérent que le parti vainqueur des élections désigne un candidat pour diriger le gouvernement. « La désignation du président du parti vainqueur aux élections par le président de la République était l'une des raisons principales des échecs politiques successifs, a justifié M. Belaïd. Le mouvement Ennahdha a démontré son incapacité à désigner des personnes à ce poste. Le président de la République procédera lui-même à la nomination du Premier ministre », a précisé le doyen. À ce moment, « la journaliste » aurait dû lui rappeler que le président a échoué, par deux fois, à désigner un bon chef du gouvernement. Et il n'est pas encore démontré que son troisième choix (Najla Bouden) soit vraiment bon. Partant dans son envolée de réinventer l'eau chaude, Sadok Belaïd estime que certaines instances ne devaient pas être citées dans la constitution. Il s'agit là des instances indépendantes telles que l'autorité de l'audiovisuel, l'instance chargée des élections, la cour constitutionnelle ou encore le Conseil supérieur de la magistrature. Ici aussi, la « poupée » face à lui s'est interdit de lui rappeler que ce genre d'instances existent dans toutes les démocraties et qu'elles sont là en tant que contre-pouvoir pour garantir un équilibre démocratique et contrebalancer toute tentative hégémonique.
En abordant le volet économique, le doyen Sadok Belaïd a démontré devant des millions de téléspectateurs qu'il est un parfait ignare du domaine. Ce qui est normal pour le juriste qu'il est. Ne vous posez pas la question pourquoi a-t-il été catapulté à la tête d'une commission économique en rapport avec la nouvelle constitution, personne n'a la réponse. « Nous nous sommes principalement focalisés, durant cette période, sur l'axe économique, social, culturel et environnemental. Il n'y a pas de politique. L'aspect principal est économique… Une constitution politique ne s'adresse qu'aux politiciens. Nous devons inverser les choses. Les problèmes sont d'ordre économique. Nous devons donc mettre en place les mécanismes et les institutions permettant de trouver des solutions aux problèmes économiques et sociaux », a-t-il dit. C'est peu dire que c'est une incongruité. Y a-t-il un seul pays au monde qui dresse un programme économique dans une constitution ? M. Belaïd, aussi constitutionnaliste soit-il, est-il sérieux quand il prétend pouvoir lier économiquement, avec sa constitution, tous les futurs chefs d'Etat. Et si demain la Tunisie élit un président ultralibéral ? Ou, à l'inverse, si elle élit un disciple de l'école soviétique ? Sadok Belaïd avance dans son analyse et déclare que l'économie solidaire représente 20% de l'économie nationale en France. Une contrevérité que ne relève pas, bien entendu, Insaf Yahieoui plus calée en cafés et maquillages. Vérification faite par Business News, l'économie solidaire représente à peine 10% du PIB et 14% des emplois privés en France. Sur les 3,8 millions d'entreprise, on dénombre 200.000 entreprises solidaires. Mais qu'est-ce que ce concept et peut-on l'importer en Tunisie ? L'économie sociale et solidaire désigne un ensemble d'entreprises organisées sous forme de coopératives, mutuelles, associations, ou fondations, dont le fonctionnement interne et les activités sont fondés sur un principe de solidarité et d'utilité sociale. Ces entreprises adoptent des modes de gestion démocratiques et participatifs. Elles encadrent strictement l'utilisation des bénéfices qu'elles réalisent : le profit individuel est proscrit et les résultats sont réinvestis. Leurs ressources financières sont généralement en partie publiques. Concrètement, il y a très peu de Tunisiens prêts à s'investir et à investir dans une entreprise qui ne leur génère pas de profit substantiel. Pour réussir, un entrepreneur travaille 24/7 et ne lésine jamais sur les efforts. Pourquoi fournira-t-il des efforts alors qu'il ne va pas gagner en retour ? Autre point, l'Etat tunisien n'a pas les moyens aujourd'hui de régler ses échéances et est en train d'emprunter pour régler ses salaires. On le voit mal mobiliser de l'argent au profit d'entreprises solidaires gérées par le privé. Soit Sadok Belaïd méconnait le système économique et social tunisien, soit il est en train de se moquer de son public dans une chaîne qui s'est aplatie pour le servir. Dans un cas comme dans l'autre, il a fait preuve d'amateurisme et de mégalomanie en usant de contrevérités et d'approximations qui ne peuvent convaincre que les serviles et les poupées.