Le chef du gouvernement, Youssef Chahed a déposé, ce matin sa candidature à la présidentielle au siège central de l'Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie). Cette candidature, on l'attendait mais on ne savait sous quelles couleurs elle allait être annoncée. C'est finalement en tant que président de Tahya Tounes et portant les couleurs de son parti, que le chef du gouvernement a annoncé hier, qu'il briguait la présidence de la République. De quoi mettre fin aux rumeurs sur un quelconque accord avec le parti islamiste Ennahdha. La candidature de Youssef Chahed a été annoncée en grande pompe hier, lors de la réunion du conseil national élargi de Tahya Tounes. Sous les applaudissements, les acclamations et les youyous, Youssef Chahed a répondu aux rumeurs persistantes selon lesquelles il serait enclin à accepter un accord avec le parti Ennahdha pour accéder à Carthage. C'est donc en toute confiance et défiant le parti que Tahya Tounes considère, selon son secrétaire général Slim Azzabi, comme son principal rival, que Youssef Chahed a déclaré haut et fort « on dit qu'Ennahdha m'a demandé de démissionner pour me présenter à la présidentielle, mais je suis resté et je me présente ! ». Rupture donc assumée avec le parti islamiste avec lequel le chef du gouvernement tient une relation plutôt ambiguë. Car si Youssef Chahed a parlé de rumeurs, laissant planer le doute sur l'existence réelle de tractations, Ennahdha a été très claire et n'a eu de cesse de l'appeler à la « négociation » avant d'annoncer la candidature d'Abdelfattah Mourou. Aujourd'hui encore, le flou plane sur ce qui s'est réellement passé entre le chef du gouvernement et Ennahdha. Deux versions sont citées par les observateurs. La première dit que Youssef Chahed a refusé les conditions d'Ennahdha, estimant avoir le poids nécessaire qui lui permet de se passer de son soutien. La seconde privilégie la thèse selon laquelle ce serait plutôt Ennahdha qui aurait tourné le dos à Youssef Chahed, dont la popularité se trouve menacée avec la candidature de Abdelkarim Zbidi. Youssef Chahed affrontera donc la présidentielle en ne comptant que sur le soutien de son parti et sur sa campagne. En se passant du « cadeau empoisonné » que lui proposait Ennahdha, il s'est délesté d'une étiquette qui aurait sans doute ruiné ses chances, mais aussi d'un électorat dont il aurait eu besoin. La campagne est lancée, et qu'à cela ne tienne, Youssef Chahed, chef du gouvernement, candidat de Tahya Tounes à la présidentielle sera le symbole de la « rupture ».
« La rupture » c'est donc le slogan que semble avoir choisi Chahed pour sa campagne. Un peu vague, plutôt incongru, pas très bien compris, le « concept » échappe un peu au public et rend plutôt sceptique. Youssef Chahed souhaite rompre, il le dit et le répète. Il veut une rupture avec « le système, avec les calculs partisans, les coalitions ». Youssef Chahed veut une rupture avec le système qui enchaîne la Tunisie, le système des lois désuètes et des mentalités dépassées. « J'en ai moi-même souffert, trois ans durant et aujourd'hui. Cette rupture, il est grand temps de la créer. Par ma candidature je veux donner l'espoir aux Tunisiens et surtout aux jeunes, qu'ils voient qu'on peut atteindre les hauts postes, qu'ils peuvent décider de leur destin et exister sur la scène politique, dont ils sont aujourd'hui malheureusement absents. A travers cette candidature, je veux barrer la route au populisme, aux vendeurs d'illusions et à ceux qui cherchent une planque pour bénéficier de l'immunité ! » scandait le candidat devant les militants de son parti. « Etre candidat pour la présidentielle est une grande responsabilité, et la responsabilité j'en connais quelque chose. Je l'ai assumée durant 3 ans dans une conjoncture difficile en faisant toujours primer l'intérêt de l'Etat. On m'a accusé de faire le show avec la guerre contre la corruption, mais réellement, la guerre était dirigée contre moi. J'ai subi des rafales de coups mais j'ai tenu bon… un président doit savoir encaisser » a-t-il lancé, rappelant l'importance de la tâche et déplorant un accès aussi perméable à la candidature à la magistrature suprême.
Youssef Chahed compte aussi sur son expérience à la tête du gouvernement, sur « sa parfaite connaissance des rouages du système et de ses portes cadenassées ». Lui il s'amène avec un programme concret, puisqu'il est déjà dedans. Il va continuer à mener ses réformes puisqu'il les a déjà commencées. Il a déjà un bilan à défendre, quoique pas très reluisant. Youssef Chahed souhaite donc rompre, mais avec quoi au juste ? « Tirée par les cheveux », cette rupture laisse pantois ceux qui ne comprennent pas quand le chef du gouvernement en exercice parle de rompre avec le système. Une autre innovation politique peut-être sur le terrain de toutes les expériences qu'est devenue la Tunisie…