Le samedi 8 février à Alger, Marwa Amri a remporté avec éclat son 11ème titre de championne d'Afrique de lutte des moins de 62 kilos. Marwa Amri est aussi, rappelons le, vice championne du monde de lutte. C'est dire qu'elle est une championne, une vraie, dont seules les performances font parler d'elle. Pas toujours malheureusement, car l'exploit de Marwa Amri est passé sous silence tant les têtes semblent être tournées ailleurs. Dommage. Le mercredi 5 février en Finlande, deux joueuses de tennis tunisiennes, jouant sous le drapeau national, ont affronté deux joueuses israéliennes. Les résultats sportifs importent peu dans ce cas, très peu. Pour anecdote seulement, la première joueuse tunisienne Chiraz Bechri a perdu sa confrontation alors que la seconde joueuse, Ons Jabeur, nouvelle coqueluche du sport tunisien, a facilement gagné sa partie. Mais avouons qu'il n'y a rien de glorieux à battre une adversaire avec laquelle 600 places vous séparent au classement.
En réalité, dans cette confrontation, loin d'être sportive, l'enjeu est ailleurs, en rapport avec le soutien de la cause palestinienne, le conflit israélo-arabe et la normalisation des rapports avec l'entité sioniste. Ceux qui avancent des arguments « purement » sportifs ne font que tenter de maquiller les évidences. La première, est d'avouer que se mesurer sportivement à un Israélien, c'est accepter de jouer contre un officier de réserve de l'armée sioniste. En effet, tous les Israéliens, garçons et filles, sont automatiquement des officiers de réserve de leur armée et sont appelés, en cas de besoin, à prendre les armes contre les Palestiniens, civils pour la quasi-majorité, dont leur seul tort est de réclamer leur droits sur leur terre et leur indépendance. La seconde évidence est d'avouer que refuser de jouer contre une équipe israélienne, malgré les risques de sanctions, n'a aucune incidence palpable sur la carrière d'un sportif. Le joueur de tennis tunisien Malek Jaziri en a donné la preuve. En 2013, il avait refusé d'affronter un Israélien lors d'un stade avancé d'une compétition (le quart de finale). Sa carrière n'a pas été ruinée pourtant (en tennis, la carrière se compte essentiellement en prix gagnés équivalent dollars). En 2016, à Istanbul, il a accepté de se mesurer à un Israélien en finale. Sa carrière n'a pas décollé pour autant.
En fait, il ne faudrait pas que les deux seules joueuses portent, à elles seules, la responsabilité de cette bourde monumentale, même si elles assument leur part de responsabilité. Mais c'est la présidente de la fédération tunisienne de tennis, Salma Mouelhi qui en est la première responsable et qui doit assumer les répercussions de ses décisions malheureuses. C'est beau de jouer la transparence et de publier la lettre envoyée par la FTT au ministère de la Jeunesse et du Sport le jour même de la composition des groupes. Mais transparence pour transparence, il fallait dire aussi que Mme l'ambassadeur de Tunisie en Finlande a rencontré Mme Moualhi le jour même et lui a demandé « officiellement » de ne pas jouer contre l'équipe israélienne, ce que la présidente de la FTT a refusé et a exigé que cette demande lui soit consignée par une lettre officielle. Quelques heures après, quand la première responsable de la mission diplomatique tunisienne est revenue avec des témoins, remettre la lettre exigée par Mme Mouelhi, cette dernière lui a répondu que de toute façon, elle ne lira le contenu de cette lettre qu'à la fin de la compétition.
En réalité, Salma Mouelhi tenait à faire jouer Ons Jabeur et Chiraz Bechri contre l'équipe israélienne et braver solennellement un boycott qui dure depuis plus de soixante dix ans. Pour rappel, Elle venait d'être élue en septembre dernier, membre de la direction de la fédération internationale de tennis en tant que première femme tunisienne et arabe accédant à ce poste. Mais comme pour tous les postes dans les organisations internationales, pour y accéder, il faut faire partie d'un lobby fort et influent, et accepter, en retour, de faire les concessions nécessaires. On peut comprendre que Salma Mouelhi avait peur des lourdes sanctions qu'encouraient ses joueuses. Mais cela explique-t-il qu'elle pose chaleureusement, souriante et détendue avec le président de la fédération de tennis israélien, lui-même membre de la direction de la fédération internationale de tennis qui a déclaré à une radio israélienne que les joueuses tunisiennes avaient désormais peur de rentrer dans leur pays. On attend de Mme Mouelhi d'exiger de son collègue de rectifier publiquement ses déclarations incongrues.
Un dernier mot pour ceux qui n'ont rien vu de méchant dans la fait de jouer une partie de tennis contre des Israéliens : le boycott de l'entité sioniste, le soutien de la cause palestinienne et la défense des droits humains n'entrent pas dans le cadre des divergences des points de vues. Ce sont des questions de principe. La faiblesse actuelle de l'Etat tunisien ne doit pas altérer nos principes. Le mépris de la classe politique en place ne doit pas se muer en haine contre le pays. Enfin, un dernier mot pour Marwa Amri : nous sommes sûrs que si tu te trouves, un jour, face à une lutteuse israélienne, tu sauras prendre la bonne décision et nous te dirons à l'unisson, bravo championne !