ON le pressentait déjà : l'initiative législative soumise au Parlement par le bloc parlementaire d'Ennahdha appelant à l'amendement de la loi électorale en vue de porter le seuil électoral lors des élections législatives à 5% allait susciter une grande polémique dénonçant la volonté hégémonique des initiateurs de l'amendement dans la mesure où ce dernier vise, en réalité, à mettre fin à la présence des petites formations politiques au palais du Bardo, à l'éradication de la diversité qui a toujours caractérisé le paysage parlementaire tunisien depuis l'élection de l'Assemblée nationale constituante (ANC) un certain dimanche historique 23 octobre 2011, et à la consécration effective de l'hégémonie de certains partis politiques se considérant comme les plus forts et les plus influents sur la scène politique nationale et s'autoproclamant dépositaires exclusifs de la révolution et de la transition démocratique. Et la majorité écrasante des composantes de la société civile, notamment les organisations ayant pour mission de suivre la concrétisation du processus démocratique national, de se trouver obligée de revenir à la charge et de se mobiliser de nouveau — comme ce fut le cas en juillet 2019 quand l'ancien Parlement a essayé de voter un projet de loi jugé à l'époque comme exclusionniste et rejeté finalement par le défunt président Béji Caïd Essebsi qui a refusé de le signer et de le promulguer au Journal officiel de la République tunisienne bien que l'Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des lois (considérée par certains comme la Cour constitutionnelle provisoire) l'ait déclaré constitutionnel. Aujourd'hui, l'Assemblée des représentants du peuple est invitée à se prononcer et à dire son mot sur l'adoption ou le rejet de l'amendement introduit par Ennahdha reprenant pratiquement les mêmes dispositions contenues dans l'amendement rejeté l'été 2019 et qu'on croyait enterré à jamais. Sauf que des considérations obéissant à des agendas partisans et à des calculs étriqués participant d'un conflit larvé entre Montplaisir et Carthage ont fini par remettre le fameux amendement à l'ordre du jour en essayant de le présenter comme une priorité nationale à laquelle il importe d'accorder un intérêt particulier et qu'il faudrait traiter comme une urgence nationale. Il reste que les initiateurs de ce projet ont, paraît-il, mal mesuré les réactions de rejet exprimées à l'encontre de l'amendement proposé par les Tunisiens, via leurs associations et aussi leurs partis, y compris ceux représentés au sein de l'hémicycle. Ainsi, la mobilisation constatée, hier, au niveau des associations de la société civile, les appels lancés aux députés leur demandant de rejeter l'amendement en question et les campagnes d'explication et de dévoilement de ses véritables objectifs (l'augmentation automatique des sièges remportés par les 4 premiers partis au Parlement et la disparition des petites formations et donc l'affaiblissement de l'opposition) révèlent-ils une conscience citoyenne aguerrie, vigilante et en veille continue face à toutes les tentatives vaines de confisquer la volonté du peuple et de placer les ambitions partisanes au-dessus des intérêts nationaux. Aujourd'hui, les députés voteront en ayant conscience qu'ils seront devant l'obligation de faire subir au Parlement un nouvel affront et de préserver la crédibilité fragile dont il bénéficie auprès des Tunisiens.