Depuis que l'on a fini par comprendre que contrairement à ce qu'on a toujours pensé «qu'un retraité de plus est un chômeur en moins et que c'est la création d'un emploi qui fait qu'il y ait un chômeur en moins», et que le monde actif ne doit en aucun cas se séparer d'un employé, cadre ou technicien chevronné, du jour au lendemain, tout a changé. Surtout pour ceux qui se préparent à partir et pour ceux qui craignaient cette rupture totale avec un univers dans lequel ils ont vécu de très nombreuses années. La retraite n'est donc plus ce qu'elle a été depuis son instauration. Pour l'histoire, c'est en 1673 que... Colbert, en France, a institué une pension de retraite pour les marins. Ce furent ensuite les militaires qui eurent droit à une pension. Les agents de l'Etat commencèrent à recevoir une pension civile en 1853. Mais le régime de retraite des salariés a vu le jour à la suite de la publication de l'ordonnance du 19 octobre 1945. «Les cotisations versées par les actifs devaient désormais servir à payer immédiatement les pensions de retraite, tout en créant des droits pour leur futur retraité». La mise en place de caisses de prévoyance sociales a précipité une évolution qui, de nos jours, est devenue un socle incontournable pour cette masse grandissante de retraités, surtout dans un pays comme le nôtre où l'espérance de vie s'est nettement améliorée et que la population est en train de... vieillir. L'évolution A chaque époque ses références et ses particularités. La retraite était à une certaine ère impatiemment attendue. L'employé, qu'il soit mineur, militaire ou administratif, atteignait ce seuil avec difficulté. Les maladies, les guerres,les privations de toutes sortes, le milieu ambiant dans lequel vivait la masse la plus importante des salariés n'ouvraient aucun autre horizon. Le raffermissement des mesures pour une meilleure qualité de la vie et du système de protection au niveau de la santé, l'amélioration de l'espérance de vie, la pratique des sports et du maintien de la condition physique, l'adoption de nouvelles règles alimentaires, etc. ont fait que les «seniors» vivent plus longtemps. Ils sont et se sentent en meilleure santé. Cette absence de séquelles fait qu'ils craignent automatiquement d'être des boulets pour leurs familles et pour la société. En sortant en retraite, le sujet fait son propre bilan et se retrouve devant une alternative qui lui fait peur : comment rester inactif durant dix, voire quinze ans, sinon plus. Apparait dès lors la nécessité de se montrer inventif et de se préparer à cette nouvelle étape. Ces «seniors» se sentent en mesure de continuer à contribuer à l'émancipation de cette société dans laquelle ils ont laissé leur empreinte. Parallèlement à cette envie de continuer de bouger et de se rendre utile, ils souhaiteraient bien entendu profiter de ce repos en l'organisant et en le réglant à leur nouveau rythme de vie. Une nouvelle étape donc à laquelle on commence à comprendre qu'elle ne doit pas surprendre, mais qui irrémédiablement prendra le relais de celle qui a été le socle, à partir duquel toute une bonne partie de cette vie a été construite. La peur de l'isolement La maladie de longue durée ou la disparition d'un conjoint ou son absence pour ceux qui ne se sont jamais mariés, le départ des enfants vers des cités dortoirs de plus en plus éloignées, précipitent la décision de ne pas se plier aux ordres d'une paresse, mauvaise conseillère. En effet, nombreux sont ceux qui, à un âge avancé, regrettent d'avoir succombé au repos. Leur vie se limite au périmètre d'un salon avec pour unique univers une télévision et des programmes peu enchanteurs ou un ordinateur accrochés à internet. D'autres passent le restant de leur vie d'un café enfumé, entourés d'amis, certes, mais c'est loin d'être un cadre propice pour profiter de ce qui reste à vivre. Les «seniors», c'est ainsi qu'on les appelle désormais, ont appris à s'organiser pour préparer leur retraite. Préparer sa retraite Il ne faudrait pas être un génie de la finance pour comprendre que les conditions de vie que nous vivons actuellement, dans tous les pays du monde, inquiètent. La peur du lendemain, alliée à une volonté de continuer à servir pour des raisons d'aisance financière, font que l'on s'arrange pour préparer sa retraite. Généralement, on s'y prend assez longtemps à l'avance pour faire le choix et s'y mettre pour entamer cette dernière phase de la vie dans les meilleures conditions. Les compagnies d'assurance proposent d'ailleurs des choix pour contribuer à la sécurité financière des futurs retraités en proposant des contrats de nature à servir un complément pour permettre aux retraités de bénéficier de ce qui est de nature à compenser un tant soit peu ce qu'ils perdent en quittant leur fonction. Mais, pour les cadres, les maîtres artisans, indépendamment de cette alternative, il y a un choix de plus en plus poussé pour continuer à travailler. De ce fait, certains se mettent à la disposition de ceux qui ont besoin d'expérience pour lancer leurs projets. Ces «seniors», en effet, trouvent en ces petites et même moyennes entreprises le point de chute rêvé pour arrondir leurs retraites et profiter d'une meilleure qualité de la vie. Un nouveau challenge Beaucoup de ceux que nous avons contactés pour connaître leurs sentiments nous ont avoué que «plus que cet argent que nous recevons, il y a un véritable challenge auquel nous tenons. Nous pouvons encore donner. Les jeunes, très doués, mais encore inexpérimentés au niveau de l'organisation, de la conception des plans d'action, des priorités et des étapes à franchir pour atteindre les objectifs finaux, ont besoin de cette canalisation des énergies débordantes». Un autre, encore, a mis en exergue l'exemple que représente un senior : «Les jeunes nous manifestent leur reconnaissance parce que nous leur donnons un bon exemple de courage et de ténacité pour les autres salariés. Tant au niveau de la ponctualité qu'à celui de la régularité du rendement, nous encourageons ces jeunes filles et garçons à s'appliquer. Le fait même que nous nous présentons en costume et cravate, alors qu'ils se présentent en jeans troués les choque puis les incite à mieux s'habiller. On ne peut se permettre d'accueillir un visiteur ou un négociateur avec une barbe de trois/cinq jours et un habillement hirsute. Nous savons bien que notre mission est limitée dans le temps, car nous devons bien partir un jour, mais notre empressement à mettre en place des structures durables et perfectibles sont sujets à une sorte d'admiration». De nouvelles passions La retraite active, c'est aussi une occasion d'assouvir sa passion ou d'en découvrir d'autres. C'est ainsi que le choix est pour ainsi dire immense de ce point de vue-là. De la musique à la peinture, de la lecture à la couture ou au jardinage et à la mise en place d'un potager auquel on a toujours rêvé, du bricolage à la reprise de ses... études et d'entrer à la... faculté, le choix est un motif de fierté et sujet d'admiration, surtout au niveau des enfants ou des petits-enfants. Il n'en demeure pas moins que beaucoup de retraités rejoignent des clubs sportifs en qualité de dirigeants, d'autres donnent un coup de main dans une Maison de jeunes ou de la culture, d'autres encore souhaitent voyager et se mettent à apprendre une langue. C'est justement pour se permettre certaines activités de loisirs qui exigent des moyens financiers beaucoup plus importants qu'offre une simple pension de retraite, que certains se donnent le temps de se faire un petit magot en se mettant au service de ces petites entreprises naissantes. La vie de famille La retraite active est aussi une occasion de resserrer les liens familiaux. On a plus de temps à consacrer à la vie de couple que la pression sociale et les exigences de la vie active poussent parfois à négliger. C'est aussi un moyen de pouvoir gâter ses petits-enfants et de réchauffer des liens familiaux distendus par l'éloignement imposé par les nouvelles conditions de vie. Il n'en demeure pas moins que, dans notre pays, on devrait commencer à se souvenir de ce qu'ont fait ces retraités pour leur pays et se montrer reconnaissant : prendre un bus gratuitement ne devrait pas ruiner une société nationale de transport, les resquilleurs par les temps qui courent seront toujours plus nombreux que d'honnêtes retraités. Bénéficier d'entrée en demi-tarif dans les musées, au ciné, au théâtre, ne pourra qu'être bénéfique car les grands-parents sont toujours suivis par leurs enfants ou petits-enfants et c'est une forme d'ouverture vers ces lieux quelque peu délaissés. La vie continue Si l'on part de ce principe qui s'impose de plus en plus dans tous les pays, la retraite active n'est pas une fracture que subit un homme ou une femme au terme d'une vie de labeur au service des autres. Le retraité n'est plus un homme épuisé, au bout du rouleau, condamné à ne plus rien faire, mais une nouvelle force économique expérimentée qu'il s'agit d'exploiter pour faire gagner du temps à une entreprise naissante. De toutes les manières, si nous partons du principe que c'est la création d'emplois qui réduit le chômage et non pas les départs à la retraite, les «seniors» seront encore et encore au rendez-vous. C'est une façon pour eux d'éviter l'isolement en restant au contact. C'est une occasion de démontrer leur savoir-faire en aidant ceux qui ont besoin d'expérience dans bien des domaines. L'aspect financier n'est pas absent. En offrant ses services, le «senior» est également mû par la crainte d'être dans le besoin. Cette préoccupation est légitime au vu de cette hausse des prix et des services qui impose l'ombre d'un recul du niveau de vie. C'est une assistance aux futures générations montantes, mais aussi, il ne faudrait pas le nier, un complément de gain qui chasse cette inquiétude du lendemain.