La dirigeante du PDL se pose désormais comme la principale figure de l'opposition Elle préconise un discours simple et clair à ceux qui ne comprennent plus rien à la vie politique Si la simplicité de son discours fait sa force, elle est aussi l'un de ses talons d'Achille Sur les questions de politiques publiques, de choix économiques cruciaux, le PDL semble moins bavard Bien que souvent contestés par ceux dont la cote peine à grimper et contestables de par la méthodologie qui fait du biais la seule certitude, les sondages d'opinion restent tout de même un formidable outil pour tâter le pouls d'un électorat qui ne s'est pas officiellement exprimé depuis la nuit de la victoire du président Kaïs Saïed, le 13 octobre 2019. Le dernier en date est celui qui concerne les intentions de vote, dévoilé par Sigma Conseil et le journal arabophone Le Maghreb. Sans surprise, le Président de la République, élu avec 72,71% des suffrages il y a an, continue à faire un pied de nez à ses concurrents avec plus de 55% des sondés prêts à lui renouveler leur confiance si l‘élection présidentielle devait se dérouler ce mois-ci. Loin derrière, mais principal challenger de Kaïs Saïed avec 11,5%, Abir Moussi, présidente du Parti destourien libre (PDL) et ouvertement issue de l'ancien régime de Ben Ali, se pose désormais comme la principale figure de l'opposition. Ce positionnement est encore plus limpide si l'on regarde les intentions de vote pour les législatives. Il y apparaît clairement que le PDL s'est détaché du peloton de tête avec 35,4% d'intention de vote, loin devant l'improbable troïka de circonstance : Ennahdha (17%), Qalb Tounès (9,6%) et la Coalition El Karama (8,8%). Le PDL, farouchement hostile à la présence des islamistes dans le paysage politique, chantre du «c'était mieux avant» et qui n'admet ni concession ni compromis, continue donc à creuser l'écart, en maintenant le cap d'une stratégie qui s'avère gagnante. Un discours simple et direct «L'Union des oulémas musulmans est un repaire pour l'industrie du terrorisme», «Ghannouchi est le dernier rempart des Frères musulmans», «Ennahdha, Al-Karama et Qalb Tounes forment un front de la honte et la trahison de la patrie», «Ben Ali est le deuxième meilleur président de la Tunisie indépendante après Bourguiba», ses punchlines font mal et ses positions politiques sont directes et surtout immuables. Abir Moussi préconise un discours simple et clair à ceux qui ne comprennent plus rien à la vie politique, à ceux qui n'arrivent plus à suivre et à comprendre le jeux des alliances qui se font et se défont au gré des circonstances, à ceux également à qui l'establishment post-révolutionnaire avait promis des lendemains qui chantent, à ceux que la présence d'Ennahdha horripile, à ceux qui restent nostalgiques d'une certaine époque lorsque la classe moyenne pouvait s'acheter un logement et une voiture tout en élevant trois enfants. Pour l'ensemble de ces citoyens qui forment un corps électoral solide, Abir Moussi et le PDL sont peut-être un «coup à jouer» pour redresser la barre et chasser des partis politiques dont le bilan est décevant. Même si depuis 2011, il faut le dire, aucun parti n'a pu gouverner seul pendant un mandat entier, pour pouvoir juger de son bilan. Le hic ! Si la simplicité de son discours fait sa force, il est aussi l'un de ses talons d'Achille. Evincer Ennahdha ou les «Frères musulmans» ne peut être en soit un programme de gouvernement. La dynamique politique, les syndicats, les engagements internationaux, les engagements financiers et un service public semblable à un mammouth qui pèse près de 800.000 fonctionnaires sont beaucoup plus complexes qu'une verve capable de mobiliser un électorat. Or, sur ces questions de politiques publiques, de choix économiques cruciaux, le PDL semble moins bavard. Lors de la campagne électorale d'octobre 2019, le PDL avait en effet présenté un programme économique des plus classiques, rien de révolutionnaire dans l'approche ou dans les mesures. Simplification de la fiscalité, cession des participations de l'Etat dans les banques mixtes, favoriser l'amnistie de change, imposer l'égalité salariale dans le secteur agricole ou miser sur l'éducation numérique, autant de propositions peu originales développées par presque l'ensemble des partis du centre et de la droite. Autre exercice périlleux si le PDL parvient à rafler la majorité des sièges lors des prochaines élections, il sera lui aussi, comme ses prédécesseurs, soumis aux mêmes contraintes. Sans une majorité nette de 50% des sièges, le PDL devra lui aussi chercher des partenaires pour former un gouvernement. Evidemment, le parti appellera à mettre en minorité Ennahdha, mais sera-t-il prêt à faire des compromis avec ceux qui s'étaient déjà alliés avec le parti de Rached Ghannouchi ? Et si la réponse était oui, ne serai-ce pas là le début des contradictions ?