« Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font du mal, mais par ceux qui les regardent faire » ( A. Einstein) En dépit des problèmes qui se posent et qui, chaque jour, apportent aux Tunisiens un nouveau lot de mauvaises nouvelles, le citoyen, complètement déboussolé, effaré, désemparé, commence à douter des promesses que tous les « responsables » leur font, et perd tout simplement espoir. Cette restauration, sur fond de soupirs, tarde. Personne ne voit le bout du tunnel et cet état de pourrissement pèse sur le moral. Et ce ne sont pas les redites de ces chroniqueurs de quatre sous qui papillonnent de plateau en plateau qui prouveront le contraire. La Tunisie va mal. Les Tunisiens sont au plus mal. La soi-disant élite, ainsi que les représentants du peuple se chamaillent à longueur de colonnes et de vociférations irrespectueuses, déplacées et arrogantes. Oubliée la pandémie et ses dangers. On prend la vie telle qu'elle se présente. Fatalistes en fin de compte, certains se laissent vivre (se laissent mourir ?) en négligeant les mesures de sécurité, la distanciation sociale, le port du masque, etc., et ne croient plus à rien. Ce qui retient l'attention, n'a rien à voir avec les consignes que l'on donne pour se protéger. Ce qui fixe la majorité des citoyens, toutes conditions et professions confondues, ce sont bien ces « fuites » qui nous précipitent dans une politique de caniveau dont le prestige du pays se ressent. Et voilà que l'on découvre les visages. Ces visages qui ont appris à sourire. Des sourires qui semblent naturels, spontanés, qui viennent du cœur, mais qui sont, en réalité, des rictus de mauvaise foi pour ne pas dire de haine envers ceux qui ne sont pas de leur bord. Le doute s'installe ! Qu'avons-nous fait de notre indépendance ? Qu'en est-il de cette « révolution »? Que nous a donné cette « meilleure Constitution du monde » ? Laissons les citoyens parler et écoutons les battements de leurs cœurs meurtris par les regrets. « Regardez les pigeons qui sont au pied de la Porte de France, laisse échapper ce retraité du ministère des Finances. Ils sont plus heureux que nous en cette journée de Fête nationale ». «On ferait mieux de confier à l'Espérance et au Club Africain l'animation de la capitale à l'occasion de la fête de l'Indépendance. Ils feront certainement mieux. On veut effacer de nos mémoires ce qui nous est le plus cher. Cette indépendance, ceux de ma génération l'ont vécue. Je porte encore la cicatrice qu'un soldat sénégalais m'a infligée, alors qu'ils ont été envoyés pour réprimer une manifestation qui sortait du Collège Sadiki. Ces soldats ont été dépêchés de la caserne de La Kasbah, qui a cédé la place à l'actuel bâtiment de la municipalité de Tunis. Je ne réclamerai pas d'être sur la liste des «Martyrs de la révolution », commenta-t-il en souriant. «Cette cicatrice me suffit. J'en suis fier ». Question de moyens Du côté du Belvédère, à la hauteur de l'entrée du zoo, un marchand de fruits secs ambulant, mais qui est connu pour être un habitué des lieux. D'ailleurs, notre conversation a été interrompue à plusieurs reprises par des gamins qui venaient acheter des bonbons : « Vous savez, il n'y a plus autant de clientèle qu'avant. Il y a dix ans, cela faisait plus de vingt ans que je suis à cette même place, mes enfants venaient se ravitailler en produits. Tout le monde était heureux. Des familles entières venaient passer leur après-midi dans cet endroit. Ces derniers temps, les gens ont peur d'être braqués. Même s'ils viennent, ils ne restent pas longtemps. Ils n'achètent plus grand-chose. C'est certainement une question de moyens. Le prix des fruits secs a terriblement augmenté ». Une situation bancale Beaucoup semblent vouloir tout simplement mettre un terme à cette situation bancale qui fait fuir enfants du pays et étrangers souhaitant investir en changeant d'horizon. «Les offres se multiplient sur les réseaux sociaux. On pense au Canada, à l'Australie, à la Nouvelle-Zélande, aux pays du Golfe une fois que la crise provoquée par la pandémie aura été atténuée, mais pas toujours à la France ou à l'Italie : « Ces destinations ne sont plus très prisées. Ils ont leurs propres problèmes et il n'est pas question d'aller jouer au SDF dans des pays qui peinent à s'en sortir et qui n'ont jamais su véritablement intégrer ceux qui viennent pour y travailler et offrir leur savoir-faire», laisse tomber cet ingénieur en informatique et d'ajouter : «Il faudrait reconnaître que je gagne bien ma vie, mais je souffre pour mon pays. On veut le détruire. Des personnes qui se considèrent « tunisiens » font tout pour le démolir. Je veux partir et ma femme m'encourage, surtout que nous n'avons pas encore d'enfants. Nous reviendrons pour y mourir, mais le travail, l'avenir, c'est de la rigolade. Rien ne changera tant qu'il n'y aura pas un homme de poigne et de véritables gestionnaires pour le tirer de ces sables mouvants. Il y en a, mais ceux qui sont en place n'en veulent pas pour pouvoir garder leur mainmise sur le pays ». Des demi-mesures Notre dernier interlocuteur est un cadre auprès d'un des hôtels de la capitale : « Nous savions que la gestion de la pandémie et des suites de cette catastrophe qui a porté préjudice à bien des secteurs de l'économie, dans le monde entier et non pas seulement en Tunisie, allait être difficile. Que dire lorsqu'un secteur, un des plus gros employeurs dans le pays, est en panne. Les hôteliers prennent certaines dispositions pour relancer la machine une fois cette histoire de pandémie résolue avec l'arrivée des vaccins. Ce sont des demi-mesures. Mais il est quand même difficile de se prononcer à propos de la situation en Tunisie avec cette indiscipline qui règne. Comment veut-on relancer le tourisme si la population ne se met pas à l'abri du Covid en se faisant vacciner ? Ce n'est pas une question de choix. C'est une question d'obligation morale et citoyenne. Sans vaccin, nous resterons un pays qui ne pourra jamais ouvrir ses frontières. D'ailleurs, personne ne viendra, en dépit de toutes les promesses que nous pourrions faire, pour tranquilliser les touristes. Aucun pays ne courra le risque d'envoyer ses citoyens qui seront capables de raviver les foyers de la pandémie à leur retour». Et personne ne souffle mot pour expliquer que la relance économique passe par la vaccination. On promet de vacciner 50% des Tunisiens. C'est parfait. Mais la population a-t-elle compris l'utilité du vaccin ? On en doute. Voilà. Ce n'est pas la joie, n'est-ce pas ?