«Algérie Actu» du 20 mars dernier, titre «Fahla» de Rabah Sebâa : premier roman en langue algérienne, rentrant ainsi tout directement et de force dans le vif du sujet, affirmant l'algérien en tant que langue ! C'est, en réalité, une première en Algérie, un roman en langue algérienne écrit par Rabah Sebâa, professeur en anthropologie linguistique à l'université de Béchar. «Fahla», c'est un roman édité par les éditions Frantz Fanon qui «traite du sort d'une société ternie dans de fausses valeurs religieuses érigées en dogme. Fahla est le nom du personnage principal du roman mais également une métaphore pour désigner un pays qui a su résister à toutes les agressions et qui est un symbole de résistance», a confié Rabah Sebaâ à «Algérie Actu», affirmant préférer «l'usage de la langue algérienne à celui de derdja qui est une mauvaise traduction de la notion de dialecte et qui charrie une forte péjoration». En effet, l'usage de «derdja» peut avoir parfois une connotation négative, comme si nous utilisions l'appellation «dialecte» pour faire référence à une langue. L'algérien, tout comme le tunisien d'ailleurs, demeure linguistiquement une langue, construite sur des substrats berbère, latin (Langue romane d'Afrique) et néo-punique importants, tandis que son vocabulaire est principalement dérivé d'une corruption morphologique de vocabulaire arabe, français, turc, italien, et de langues espagnoles. Tous les critères linguistiques seraient donc respectés, des règles propres à une langue, possédant une grammaire et des textes littéraires et théâtraux souvent ignorés et parfois occultés… Nombreux sont en effet les récits écrits en tunisien: «Finga et Khottifa» de Anis Zine ; «Asrar 3ailiya, wa mina el hobb ma fachal et char3 el hobb» de Faten Faaza ; «Weld Fadhila» de Amira Charfeddine; «3achra d9aye9 tekfi» de Rafiaa Boudhina et le tout dernier «Mashmoum 3anbar» de Abderrazak Bannour et Ramzi Cherif, et la liste est encore bien longue ! Rabah Sebâa explique que "la langue algérienne n'est pas un dialecte mais une langue à part entière avec sa grammaire, sa syntaxe, sa sémantique et sa personnalité linguistique… Il existe en Algérie une littérature d'expression arabe et une littérature d'expression française, il faut à présent ouvrir la voie à une littérature d'expression algérienne, cela va sans doute enrichir notre patrimoine linguistique et notre culture nationale." On se rend vite compte que les problématiques liées à la langue maternelle, sont les mêmes en Tunisie, en Algérie et au Maroc et que de plus en plus ces langues maternelles, même si pas encore reconnues par les gouvernements de ces pays, sont en train de faire surface avec une force et une volonté d'affirmation jamais vues auparavant. En Tunisie, depuis des années, il existe l'association «Derja» pour la normalisation et l'officialisation de la langue tunisienne, très active, elle opère afin que cette langue maternelle puisse être aussi reconnue et enseignée. La reconnaissance de l'algérien, du marocain et du tunisien, n'exclue absolument pas l'officialisation de l'arabe classique, ni du français en tant que langue véhiculaire, économique et culturelle..., langue forte présente dans tous les pays du Maghreb et langue officielle dans certains pays d'Afrique subsaharienne. La langue est le miroir de tout un peuple et de toute une nation. La langue vit grâce aux apports extérieurs qui en font sa richesse, la langue reflète notre identité culturelle et l'appartenance à une région géographique, mais parfois aussi à un régime politique. Au Maghreb, chaque pays possède sa propre culture à laquelle il tient énormément, une différenciation culturelle qui s'exprime essentiellement grâce à sa propre langue maternelle. «Cette vision peut parfaitement s'intégrer dans un programme éducatif, et l'Unesco conseille fortement l'intégration des langues natives dans les programmes scolaires", souligne encore Rabah Sebâa, indiquant que "des études scientifiques sérieuses ont montré que les langues de socialisation sont fondamentales dans le développement de la personnalité de l'enfant." Une littérature d'expression tunisienne, algérienne et marocaine s'inscrit désormais dans cette perspective.