Les décisions controversées et le temps perdu à l'Espérance depuis le départ de Chaâbani nous amènent à nous poser cette question : pourquoi les présidents de clubs tunisiens décident de tout au nom d'un statut de bailleur de fonds ? Ce n'est pas uniquement à l'EST que ça se passe, c'est dans tous les clubs réduits à la seule personne du président qui concentre tous les pouvoirs entre ses mains. On a l'impression que ce ne sont pas des clubs, mais justement des biens personnels, des entreprises (même si le terme est flatteur par rapport à certains clubs mal organisés) de personnes et familiales où celui qui gère est celui qui détient le capital et celui qui contrôle. C'est pis, puisque dans ce genre d'entreprises, il y a quand même des normes comptables et un compte rendu chaque année. Du côté de nos clubs et après avoir fait avorter le projet de loi sur les structures sportives ( finalement les députés ont obéi aux ordres des présidents de clubs qui ne veulent pas que les clubs leur échappent), nous sommes témoins d'un cirque sur notre foot : les clubs sont réduits, en réalité, à des lieux de culte de la personne du président, et en une filiale ou un bien qui revient au président. Ce ne sont plus les adhérents qui décident et qui mandatent, mais c'est le président du club qui orchestre tout. Inutile de tenir des assemblées évaluatives (certains présidents se mettent en colère rien qu'en évoquant cela) ou des élections. Et quand on le fait, le résultat est connu parce que le jeu est joué : on engage le club dans des dépenses et des dettes pour dissuader n'importe quel candidat à se présenter. Nous ne sommes pas dans un football professionnel parce que, sur le plan juridique, ce ne sont pas des sociétés sportives, ce ne sont pas même des associations en bonne et due forme. Pourquoi alors cet acharnement de plusieurs présidents à rester à la barre et à s'approprier le club ? N'écoutez pas ces tristes comédies que ces présidents diffusent sur les sacrifices qu'ils font, l'argent qu'ils dépensent et leur vie familiale détruite. Ils savent ce qu'ils font, et ils gagnent toujours par rapport à ce qu'ils dépensent. Et même quand ils ne récupèrent pas les montants qu'ils avancent, ils savent bien que le statut de président de club (grand ou moins grand) rapporte en termes de relationnel, de rayonnement et d'infiltration politique. Et c'est ce qu'ils cherchent finalement, une sorte de crédit social et de protection derrière le club. Aujourd'hui, notre football ne peut pas avancer dans cet insurmontable cadre. Il faudra retrouver les clubs en tant qu'organisations qui appartiennent aux adhérents et au public. Le président, quel que soit son apport financier, n'est qu'un membre de cet édifice et qui a un mandat et surtout des comptes à rendre. Sinon, c'est encore et toujours cette fâcheuse et malsaine personnification.