De toutes les questions de l'enquête internationale réalisée par l'Unicef et Gallup, c'est l'utilisation des médias sociaux qui représente le plus grand fossé générationnel ; un écart de 28 points de pourcentage sépare les deux générations sur cette question. L'internet représente la principale source d'information de la majorité des jeunes. A l'occasion de la «Journée mondiale de l'enfance», célébrée le 20 novembre 2021, l'Unicef vient de publier, en collaboration avec Gallup, une enquête internationale. Réalisée dans le cadre du projet «L'Enfance en évolution», cette enquête est inédite en son genre : c'est la première fois que l'on sonde différentes générations pour décrypter le regard qu'elles portent sur le monde et sur l'enfance à l'heure actuelle. En interrogeant plus de 21.000 personnes dans 21 pays, réparties en deux tranches d'âge (15-24 ans et 40 ans et plus), ledit projet cherche à répondre à deux questions : «Qu'est-ce que c'est que de grandir aujourd'hui ?» et «Dans quelle mesure les jeunes voient-ils le monde différemment ?». Fractures numériques De toutes les questions de l'enquête, le fossé le plus profond entre les jeunes et les personnes de 40 ans et plus est celui du numérique. Ce fossé tient, d'une part, à l'utilisation des technologies numériques et, d'autre part, aux opinions à l'égard de leurs avantages et leurs risques pour les enfants. En effet, les jeunes sont bien plus susceptibles que les personnes de plus de 40 ans de se connecter à Internet tous les jours. Globalement, dans les 21 pays étudiés, une médiane de 77% de jeunes affirme se servir d'Internet au quotidien, contre seulement 52% des personnes de 40 ans et plus. Dans presque tous les pays enquêtés, les jeunes sont bien plus susceptibles que leurs aînés de se servir d'Internet aussi souvent. Les jeunes se fient bien plus aux plateformes en ligne qu'aux sources traditionnelles d'actualité et d'information. De nos jours, les 15-24 ans se tournent le plus souvent vers des sources en ligne —principalement les médias sociaux— pour suivre l'actualité. Par comparaison, les personnes âgées de 40 ans et plus sont plus susceptibles de regarder la télévision. Et donc, c'est l'utilisation des médias sociaux qui représente le plus grand fossé générationnel ; un écart de 28 points de pourcentage sépare les deux groupes d'âge sur cette question puisque les jeunes utilisent ces plateformes bien plus souvent que leurs aînés pour suivre l'actualité (45% contre 17%, en moyenne). Par ailleurs, les jeunes internautes s'inquiètent moins du non-respect de leur vie privée sur Internet que les utilisateurs les plus âgés. En moyenne, 25% des jeunes internautes déclarent se préoccuper vivement du fait que leurs informations personnelles puissent être recueillies et partagées sur Internet, contre 36% des utilisateurs les plus âgés. Dans l'ensemble, par rapport aux générations précédentes, les jeunes voient également de plus grands avantages, et moins de risques, liés à l'utilisation d'Internet par les enfants. Le bien-être mental des enfants, un défi mondial Dans le monde actuel, les raisons d'être pessimiste ne manquent pas : changements climatiques, pandémie, pauvreté et inégalités, hausse de la défiance, essor des nationalismes... Mais il existe d'autres raisons d'être optimiste : une vaste majorité de jeunes estiment que l'enfance s'est améliorée à plusieurs égards, et pas des moindres. Les jeunes d'au moins 15 pays sur 21 sont plus susceptibles que leurs aînés d'affirmer que la sécurité physique, la qualité de l'éducation et les soins de santé, les possibilités de jeu, et l'accès à de l'eau salubre et à des aliments sains se sont améliorés. Si les jeunes soulignent les progrès accomplis pour la plupart des aspects de l'enfance, leur enthousiasme est moindre dans un domaine : le bien-être mental. Moins de la moitié (48% en moyenne) des jeunes déclarent que le bien-être mental des enfants d'aujourd'hui est meilleur que celui de leurs parents lorsqu'ils étaient enfants. Ces résultats sont largement influencés par le sentiment qui règne dans les pays à revenu élevé, où les jeunes comme les personnes plus âgées estiment que le bien-être mental des enfants d'aujourd'hui a empiré. En effet, les jeunes (59% en moyenne) et les personnes de 40 ans et plus (56% en moyenne) s'accordent à dire que les enfants d'aujourd'hui connaissent une plus grande pression de réussir que leurs parents durant leur enfance. De nos jours, les 15-24 ans sont plus susceptibles que les personnes de 40 ans et plus de déclarer éprouver fréquemment un sentiment d'anxiété et de dépression. En moyenne, à travers les 21 pays étudiés, 36% des jeunes, soit plus de un sur trois, affirment se sentir souvent angoissés, préoccupés ou nerveux, contre 30% des personnes de 40 ans et plus. En moyenne, 19% des jeunes, soit un sur cinq, déclarent se sentir souvent déprimés ou être désintéressés de tout, contre 15% des personnes âgées. Ecouter l'enfant... L'enquête révèle que l'ensemble des générations sont favorables à la capacité d'action et à l'autonomisation des enfants, et ce, pour de nombreux aspects de la vie. En moyenne, 58% des 15-24 ans estiment qu'il est très important que les décideurs politiques écoutent les enfants, et 53% des personnes de 40 ans et plus partagent cet avis. Par ailleurs, les enfants des pays en développement souhaitent se rapprocher de l'âge adulte avant de commencer à travailler. D'après la majeure partie des jeunes et des personnes de 40 ans et plus des pays à revenu faible ou intermédiaire, l'âge idéal pour entreprendre un travail rémunéré serait d'au moins 17 ans, un chiffre supérieur à l'âge minimum fixé par l'Organisation internationale du Travail. Le monde s'améliore de génération en génération... Les jeunes sont plus optimistes que leurs aînés à l'égard de l'avenir de la planète. Dans les 21 pays enquêtés, une médiane de 57% des jeunes affirment que le monde s'améliore de génération en génération, contre 39% des personnes de 40 ans et plus. Les 15-24 ans d'aujourd'hui ont tendance à penser que lorsque les enfants de leur pays seront adultes, ils auront une meilleure situation financière que leurs parents à l'heure actuelle. En moyenne, 54% des jeunes de l'ensemble des pays étudiés affirment que les enfants d'aujourd'hui vivront mieux que par le passé, contre 45% des personnes de 40 ans et plus. Dans les pays à revenu élevé en revanche, on croit peu au progrès économique. Les jeunes de ces pays sont deux fois plus susceptibles de penser que les enfants auront une moins bonne situation financière que leurs parents (59% en moyenne) plutôt que le contraire (31% en moyenne). Par ailleurs, les jeunes sont bien plus susceptibles que les générations précédentes d'adopter une citoyenneté mondiale. Ils sont presque deux fois plus susceptibles que leurs aînés d'exprimer un sentiment d'appartenance à la communauté internationale, plutôt qu'à leur pays ou leur communauté locale. En moyenne, plus on vieillit, moins on s'identifie comme un citoyen du monde : cette probabilité diminue de 1% à chaque nouvel anniversaire. La confiance, mais quelle confiance ? La plupart des jeunes et des personnes de 40 ans et plus, dans presque tous les pays, s'accordent à dire qu'ils seraient mieux protégés contre les menaces comme la pandémie du covid-19 si leur gouvernement travaillait en coordination avec d'autres pays. Les jeunes de la majeure partie des 21 pays enquêtés sont plus susceptibles que leurs aînés d'être favorables à cette collaboration. En général, les jeunes d'aujourd'hui voient les institutions comme des sources d'information fiables, notamment les médecins, les scientifiques et les agents de santé du gouvernement national, ainsi que les médias d'information internationaux, tandis que leurs aînés ont moins confiance en ces institutions. Les institutions religieuses constituent toutefois une exception notable à cet égard. De toutes les sources mentionnées dans l'enquête, c'est aux médecins et aux agents de santé que les jeunes font le plus confiance. Les jeunes n'affichent pas un degré élevé de confiance dans les médias sociaux comme source d'information ; en moyenne, seuls 17% affirment avoir une «grande confiance» en ces plateformes. S'agissant de l'action climatique, il y a encore beaucoup à faire pour sensibiliser les jeunes et leurs aînés aux changements climatiques. En moyenne, 80% des jeunes déclarent avoir entendu parler des changements climatiques. Lorsqu'on a demandé à ces jeunes de choisir la bonne définition parmi celles proposées, seuls 56% ont bien répondu. La majorité des personnes qui ont entendu parler des changements climatiques et qui comprennent ce dont il s'agit (toutes générations confondues) sont d'avis qu'il est possible d'atténuer ce phénomène et que les gouvernements doivent agir en ce sens. Quant aux questions relatives à l'équité, les jeunes tout comme les générations précédentes reconnaissent l'importance de traiter équitablement les femmes et les membres des minorités ethniques, raciales et religieuses. En moyenne, au moins 80% d'entre eux affirment qu'il est relativement ou très important de traiter sur un pied d'égalité les membres de ces groupes. Dans l'ensemble, les questions relatives à l'égalité préoccupent plus les jeunes femmes que les jeunes hommes.