Perçus et considérés par erreur comme étant des médias du gouvernement, les médias publics constituent aujourd'hui en Tunisie un sujet brûlant. Un vrai malaise qui risque de durer, faute de projet global pour relancer et développer ces médias au sein d'un environnement concurrentiel intense. On ne comprend pas encore si l'Etat (premier concerné et détenteur de ces médias) les considère encore comme une priorité et comme un portefeuille stratégique sur lequel il va dépenser et espérer gagner. C'est la question fondamentale à laquelle on n'a pas de réponse. Et cela confirme l'idée reçue que ce sont des médias qui ne servent pas en grande partie le citoyen contribuable et l'intérêt public, mais plutôt le gouvernement ou le système en place. Le souffle de liberté que ces médias ont pu respirer finit souvent par être absorbé par une tentative de mainmise de celui qui gouverne, au nom du financement public, pour faire passer ses messages et pour faire taire les voix opposées. Mais le problème est encore plus grave : ces médias publics souffrent sur le plan financier et technique avec des revenus publicitaires qui régressent, une masse salariale conséquente et des médias privés qui prennent de grandes parts de marché. Cette décadence financière met de l'impact sur la qualité du produit offert : un contenu de plus en plus vide et stéréotype (exemple criard de la télévision tunisienne qui nous étouffe avec ses rediffusions et son contenu modeste), une démotivation et un manque de tact dans la prestation des journalistes et surtout une ambiguïté de l'avenir de ces médias. Vont-ils rester étatiques ? Y a-t-il une idée pour les restructurer et pour former et mettre à la page son personnel ? Y a-t-il une volonté de profiter de la digitalisation des médias pour attaquer et pénétrer des segments de marchés (auditeurs, téléspectateurs et lecteurs) qui ont déjà viré vers les médias privés ? Les réponses à ces questions tardent à venir depuis des années, ce qui accentue les difficultés et la régression de ces médias publics qui sont au bord de l'effondrement. Néanmoins, la qualité ne manque pas au niveau journalistique dans la plupart des cas. On a des contenus intéressants tels que le journalisme de proximité, l'investigation, les débats politiques, le contenu thématique, mais ce n'est pas suffisant pour relever la concurrence et retrouver l'auditoire qui a migré vers d'autres médias, voire vers les réseaux sociaux. Cela incombe à l'Etat et au gouvernement qui dirige la responsabilité éthique d'ouvrir une fois pour toutes le dossier des médias publics non seulement pour les sauver à court terme (approche palliative), mais surtout pour les développer et leur assurer les moyen à moyens terme. Quoi qu'il en soit, il y a toujours du personnel et du métier qui permettent à ces médias publics de rebondir. Mais si ça continue avec la même nonchalance et malheureusement avec la même «médiocrité», et si l'Etat ferme encore les yeux, nous allons vers la disparition tout court de ces médias censés servir le citoyen et non les gouvernements et les politiques. Une mobilisation des experts en la matière et une approche participative pour proposer des solutions de relance sont capables de guérir ces médias qui se trouvent dans le gouffre.