Un Etat de droit tel que l'on aime, c'est un Etat qui sacralise les notions de justice et d'équité. Nous sommes tous des citoyens égaux devant les instances de juridiction. C'est ce que disent les principes, la théorie si l'on veut. En réalité — et cela ne relève pas que de nous —, l'image est tout autre, on peut même parler de chimère. Une utopie dérangeante au même titre que cette justice à deux vitesses, voire plus. Dans cette réalité, les citoyens ne sont, hélas, pas mis sur un pied d'égalité devant la justice. Il y a des personnes puissantes, protégées, voire au-dessus de la loi. Du moment qu'elles détiennent la force et les moyens, tout est à leur service pour les blanchir et leur faire épargner l'autorité de la loi. Ce qui frappe, c'est ce sentiment très fort d'impunité qui règne si bien qu'il devient de plus en plus la règle et non l'exception. Au même moment, la justice et les lois sont strictes, et c'est la logique des choses, pour des citoyens lambda qui ne trouvent personne pour les épauler. Tous les moyens et arguments sont bons pour impliquer des fautifs, et épargner d'autres plus fautifs ! Et on a tendance dans notre société à trouver les alibis les plus subjectifs pour ancrer ce mauvais et malsain constat. C'est même une croyance partagée et collective de plus en plus enracinée : tout le monde ou presque ne veut pas accepter l'autorité de la justice. Du simple ouvrier à l'homme d'affaires, en passant par le fonctionnaire, les métiers libres et toutes les couches de la société, on passe d'une justice à double vitesse à une justice muette au nom de cette culture de l'impunité. Cela touche aussi des gens cultivés, censés donner l'exemple et qui refusent de respecter la loi parfois et de payer pour les infractions commises. Un Etat de droit doit éradiquer cette culture qui nous habite à des degrés divers. Et doit trouver des contre-arguments à tous ces faux paradigmes qui prônent la non-application de la loi pour protéger la liberté et la paix sociale. Pour la justice, pour l'équité, l'application de la loi et le respect des règles qui régissent nos comportements et nos rapports avec l'Etat et les autres citoyens sont fondamentaux pour ce fameux Etat de droit qui reste très loin comme vécu et comme quelque chose de concret à court terme.